France Info Junior et ses questions. Comment sont fabriqués les vêtements que l'on porte ? Quels sont les dessous, pas toujours reluisants, de l'industrie de la mode ? On va voir ça avec vous les enfants. Bonjour ! Salut à tous ! On est sur France Info Junior. Présenté par Jules Dequis. Aujourd'hui on parle de la mode. Et on va poser des questions à une historienne. L'historienne...
Audrey Millet qui est avec nous, bonjour ! Bonjour ! Spécialiste de la mode, vous êtes chercheuse dans les universités d'Oslo et de Bologne, auteure du livre noir de la mode, création, production, manipulation. On est au cœur du sujet du jour puisqu'aujourd'hui, Audrey Millet, les enfants réagissent aux dernières accusations portées contre Décathlon, des enquêtes des médias Disclose et Cache Investigation qui dénoncent le recours à des sous-traitants chinois qui bénéficieraient du travail forcé des Ouïghours.
Décathlon condamne avec fermeté toute forme de travail forcé, affirme être engagé au quotidien pour garantir l'intégrité et le respect des droits fondamentaux.
Cette affaire pose de toutes les façons des questions éthiques sur l'industrie de la mode et ce n'est pas la première fois qu'elle se pose. Audrey Millet, première question pour vous de Safia. Est-ce que les vêtements qu'on porte, ils sont fabriqués par les Ouïghours ? Oui, les vêtements qu'on porte peuvent être fabriqués par des Ouïghours ou par d'autres personnes qui subissent du travail forcé. Il faut savoir que les Ouïghours sont une minorité du nord-ouest de la Chine et que le pouvoir en place
ne veut pas accepter une revendication des Ouïghours, qui est une minorité à majorité musulmane, c'est-à-dire avoir leur propre pays. Donc, pour qu'ils ne fassent pas d'attentats ou de révolutions, ils mettent une partie de leur population, ces Ouïghours, dans des camps de travail. Ok.
Question de Catalina. Est-ce que les travailleurs forcés sont-ils payés ? Est-ce qu'on sait concrètement ce qui se passe dans ces camps de travail aujourd'hui ? On commence à savoir de plus en plus ce qui se passe dans ces camps de travail. Une personne qui se situe dans ces camps est obligée de travailler contre sa volonté. Elle est sous la menace d'une punition permanente.
Elle perd ses papiers. On peut menacer sa famille. En fait, ce travail forcé dans ces camps ressemble beaucoup à l'esclavage. Il n'y a pas de salaire, bien entendu. Ces gens, ces travailleurs forcés, sont un petit peu la propriété du parti communiste chinois. Est-ce qu'au Drémillet, on a une idée de l'ampleur du problème concernant les Ouïghours, du nombre de marques qui sont accusées d'y avoir recours, du nombre d'affaires, de toute cette part d'ombre de l'industrie de la mode ?
On a beaucoup de mal à avoir des chiffres précis. On parle d'un million de personnes dans ces camps-là, ce qui est fort probable. Et ces camps, on en parle en Chine, mais on n'a pas d'informations parce que les journalistes ne peuvent pas enquêter comme ils le veulent en Chine, parce que les satellites ne voient pas depuis l'espace le terrain en Chine. Il est brouillé.
Mais il y a des camps de travail ailleurs qu'en Chine. Alors, notre responsabilité à nous, consommateurs, écoutez Safia encore. Quand tu veux t'habiller avec des beaux vêtements, mais qui ne sont pas trop trop chers, en fait, tu es obligé d'acheter des vêtements, des marques qu'il faut travailler...
Les enfants ou les gens forcés. Bien sûr, ce sont des mots d'enfants que ceux de Safia, mais ça pose la question de notre responsabilité. Est-ce que dès qu'un vêtement n'est pas cher, ça pose nécessairement des questions sur ses conditions de fabrication ? Le prix ne va pas garantir la qualité. Ce n'est pas parce que vous mettez par exemple 70 euros dans un t-shirt que vous pouvez être sûr des conditions de travail dans lesquelles ont pu œuvrer les ouvriers.
Certains vêtements sont chers, sont bien faits, durent longtemps, mais ils ne valent pas ce prix. Il y a une très très grosse marge, c'est-à-dire que les entreprises vont payer du marketing, de la publicité, et on se rend compte que des vêtements de luxe même sont finalement dans des matières synthétiques, c'est-à-dire aussi peu chers que des vêtements de fast fashion. La question du prix, la question de la provenance peut-être ?
Est-ce que quand on achète un produit qui est fabriqué en France, tous les textiles utilisés pour fabriquer ce produit, est-ce qu'ils sont français ou est-ce qu'ils viennent d'autre part ? Comment voir qu'un vêtement est fabriqué en France ? C'est-à-dire que l'ouvrier aura eu un contrat de travail, une sécurité sociale, pourra manger à sa faim. En fait, on n'en sait rien.
Parce que le Made in France, cela signifie qu'une étape a été réalisée en France. C'est-à-dire que vous pouvez rebroder, par exemple, tout simplement votre t-shirt ou faire un certain nombre d'étapes. Mais vous ne savez pas si ce n'est pas un Ouïgour ou un travailleur forcé qui a récolté le coton. Vous ne savez pas quel...
produits de teinture, de colorant ont été utilisés. Alors, ce n'est pas une arnaque, le Made in France, mais c'est très, très difficile pour nous, juste avec l'étiquette, de savoir exactement où
ce produit a été fabriqué. Merci beaucoup Audrey Millet, historienne, chercheuse, spécialiste de la mode d'être venue répondre aux questions des enfants sur les dessous de cette industrie que vous décrivez très bien dans votre livre, le livre noir de la mode, création, production, manipulation aux éditions Les Périgrines. France Info Junior, à retrouver sur franceinfo.fr et l'appli Radio France, émission préparée par Marie Mougin et Estelle Faure.