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cover of episode "Jim Morrison Indoors/Outdoors" de Christine Spianti 4/5 : Orage électrique

"Jim Morrison Indoors/Outdoors" de Christine Spianti 4/5 : Orage électrique

2025/4/20
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Le Feuilleton

Transcript

Shownotes Transcript

All hail the American night !

Feuilleton en 5 épisodes de Christine Spianti Climat 4, orage électrique du 1er mars 1969 Au-dessus du Pacifique, parfois l'orage ressemble à la tempête sous l'influence des vents tournants. Il suit une trajectoire moyenne, toujours à peu près la même. C'est le rail des dépressions, une période d'éruption solaire. Il y a alors des volontés qui s'effondrent et des énergies neuves, une intense activité volcanique dans l'océan, le feu et l'eau.

Nous le groupe, on ne sait pas ce qui s'est passé. Il y a eu l'histoire de la pub. Pendant que tu étais à Londres avec Pamela, on nous a proposé d'acheter 50 000 dollars les droits de Like My Fire pour une pub. La nouvelle voiture de sport Buick, la Grand Sport GS 455. Come on Buick, Like My Fire. On a signé. Quand tu es revenu, c'est vrai, le groupe prenait des décisions ensemble, mais là, je ne savais pas quoi dire.

Tu faisais les 100 pas dans la pièce et tu m'as dit... Ray, je pensais qu'on était des frères. Et moi ? C'est toujours vrai, Tim. Rien n'a changé. Et toi ? Tout a changé. Je ne peux plus vous faire confiance. Tout ça n'était donc qu'une histoire de fric. Je n'ai plus d'amis, je n'ai que des associés. Le lendemain, on te retrouvait ivre mort sous les sièges dans un aéroport du Middle West. Le 3 août 1968, Hello I Love You est le titre le plus vendu aux Etats-Unis.

Un soir de 1969 en concert à Cleveland, tu as déclaré devant 9000 personnes que tu n'en pouvais plus. Trois jours plus tard, tu arrives au bureau. Sur le vieux divan, sous la fenêtre, tu te mets à lire le Los Angeles Times qui titre sur les indiens qui occupent l'île d'Alcatraz et la fusillade entre la police et les Black Panthers qui a duré 4 heures. Je te regarde faire plus ou moins. Tu ne ris plus tout le temps comme avant. Tu m'as regardé et tu as dit « Ray, je veux arrêter ». Tu sentais ton esprit se détacher de toi. Six mois.

Je te demande six mois. Tu acceptes ? À la porte du studio, tout le groupe t'a entendu murmurer... Je ne me sens pas très bien. Chanteur de l'année pour les lecteurs de Village Voice. Le samedi 1er mars 1969, les Dorz s'envolent de Los Angeles sans Morrison. Ils arrivent en retard à l'aéroport avec Pamela. Ils se sont disputés. Ils refusent qu'elle l'accompagne à Miami. Il boit pas mal de verre en attendant l'avion avec son manager. Pas mal aussi en attendant à la Nouvelle Orléans où transite le vol. Quand tu es arrivé à Miami...

L'affiche annonce « An evening with the Doors. Concert. Dance. And light. »

le 1er mars 1969, au Dinner Key Auditorium. C'est un ancien hangar pour hydravions, su un temps d'humidité qui empeste l'essence et la charogne d'oiseaux morts. On constate que l'organisateur du spectacle a retiré les sièges et vendu plus de billets qu'il n'y a de place dans la salle. À 16h,

Nos managers annulent le spectacle. L'organisateur explique alors que si on veut revoir le matériel, il faut jouer. Je dis qu'il vaut mieux ne pas te parler de tout ça. Le concert prend une heure de retard. 12 000 spectateurs furieux, debout dans la puanteur. L'organisateur monte sur scène en faisant le signe de la paix des beatniks, de doigt en V. Photo !

À gauche, Raymond Zarek en costume clair, John Densmore à la batterie au centre, Robbie Krieger à droite, t-shirt sombre à rayures blanches, Gibson rouge. Jim Morrison entre sur scène, 12 000 flashs Kodak. Pantalon de cuir brun, ceinture à sequins d'argent, chemise noire, barbe de plusieurs jours, un chapeau de cuir à large bord rabattu sur les yeux, orné d'une tête de mort et d'une vieille croix d'argent indienne.

Reste à voir, Jim, qui t'a raconté les embrouilles avec les organisateurs. Ça t'a exaspéré ? Je joue l'intro de Break and Threw. Tu n'écoutes pas. Tu traverses le plateau pour discuter avec des filles dans le public. On s'arrête de jouer. À un moment, Jim Morrison marche vers le micro, fait quelques notes sur son harmonica. L'ombre du chapeau cache ses yeux. Là, tu commences à parler. Rocky's dead. Je ne te parle pas de faire la révolution, mais plutôt de venir à Los Angeles cet été...

tremper les pieds dans le Pacifique, marcher sur le sable chaud. Il demande si tout le monde est prêt. Ta voix est rauque, lourde, chargée de douleur et de rage. On enchaîne avec Pâques dormait. Jim Morrison demande au groupe de jouer plus fort. Il va boire. Il aime bouteiller à côté de la batterie de John Lensmore. Nous jouons le plus fort possible. Après quatre mesures, tu te remets à parler. Rock is dead. Doucement mon cœur.

Montre-moi ce que tu sais faire, baby. Doucement. Et écoutez, je me sens tout seul. Personne n'en vit de moi. Quelqu'un balance un sac plastique plein de peintures orange fluo sur la scène. Rock is dead. D'une main, Jim Morrison s'appuie sur l'ampli à droite de la scène. Rock is dead. Prends-moi. J'ai besoin d'amour. La salle murmure. Hostile. Love. Love. Love. M'entoure. Attrapez votre putain de copain et aimez-le.

Aime ton prochain à en crever. Aime ton prochain à en crever. Je joue les premières mesures de Love Me Two Times. Toi, tu fais autre chose. Photo. Morrison lançant son manteau dans la foule. Qui le met en pièce dans l'instant. Nous, on continue à taper. Taper. Taper, mais tu te tournes vers nous en criant. Attendez une minute, ça ne va pas du tout. Vous avez tout gâché, ça va trop vite. Je ne continue pas. J'arrête. La foule crie, se demande ce qui se passe. On reprend.

Tu te mets à chanter Love Me Two Times. Love Me Two Times. Moi avec l'orgue, et John à la batterie, on t'envoie des vrais chocs électriques. On enchaîne sur 5 to 1. Tu chantes le premier vers et tu t'arrêtes pour dire Vous êtes une bande de cons de laisser les gens vous dire ce que vous devez faire. De laisser les gens vous maltraiter. Vous allez vous laisser faire encore longtemps, mais peut-être que vous aimez ça. Peut-être que vous aimez qu'on vous maltraite. Peut-être que vous adorez ça.

Peut-être que vous adorez quand on vous met la tête dans la merde. Vous êtes tous une bande d'esclaves. On enchaîne les solos avec Robbie et John. Ça nous est arrivé cent fois de t'attendre. Ce soir-là, il n'y a rien de plus que les autres soirs. Photo 1. Pendant le solo de Robbie, Jim Morrison a genou devant lui. Photo 2. Au micro, pouce dans sa ceinture. Photo 3. Il a enlevé son chapeau. Sur la bande son, la foule hurle, siffle.

Il montre son sexe, non ? T'as vu ? Hurlement de joie et de haine. 12 000 flashs Kodak. Et rien. Sur aucune photo. Ni sexe, ni exhibition. Sur aucune photo. Rien. L'organisateur verse du champagne sur la tête de Jim Morrison pour le calmer. Le chaman a réveillé tous les démons. Tous les serpents. Awake. Ils ont pris la direction des opérations. Tim, tu me regardes un peu effaré. Puis tu fixes la foule sans bouger. Tu parais épuisé.

Il y a quelque chose de tragique. Tu leur parles encore. Je pensais que tout ça, la révolution, c'était une vaste blague. Un truc dont il fallait rire. Et puis j'ai rencontré des gens qui veulent faire quelque chose. Ils essaient de changer le monde. Et je veux être dans le trip. Je veux changer le monde. Changer le monde. Le changer. Aucune réaction dans la foule. La première chose qu'il faut faire, c'est s'emparer des écoles. Et après, contestation dans le public. Ils ne veulent pas qu'ils parlent. Ils veulent que ça joue, qu'ils fassent le show.

Ils veulent les Doors et la Rockstar. Personne n'a une cigarette ? On s'était dit avec Robbie que Miami, la Floride, ça devait te faire quelque chose. Tu es né ici, à Melbourne, en 1943. Tu le dis à la foule. Tu ne dis pas que c'était sur une base de la US Navy. Ton père commandait l'USS Bonhomme Richard en août 64, stationné dans la mer de Chine avec les deux porte-avions qui prétendirent avoir été attaqués par des patrouilleurs ennemis, ce qui entraîna les Etats-Unis dans la guerre du Vietnam.

Le 21 octobre 1968 à Washington, les poètes Ginzberg, Burroughs, Ferlinghetti, McClure et Jean Genet marchaient pour la paix. Remous dans le public. Un fan du groupe, riche héritier d'une chaîne de supermarchés, militant pacifiste et végétarien qui suit notre tournée depuis le début, est devant la scène et te fait signe d'approcher. Tu vas vers lui. Il te tend quelque chose. Sur le cou, nous, de la scène, on ne voit pas ce que c'est. Tu es de dos. Mais la foule, elle, le voit. Et devient comme folle.

Photo. Jim Morrison portant dans ses bras tout près de son visage un agneau vivant. 12 000 flashs Kodak. Tu me diras plus tard. Ray, au milieu de tout ça, le vacarme, les cris, c'était intéressant cet agneau. Il respirait normalement, Ray. Il ne ressentait rien. Je t'ai dit que moi, derrière l'orgue, je voyais bien que la foule commençait à te haïr sérieusement, Jim. Et tout à coup, cet agneau que tu prends dans tes bras... C'est elle, l'agneau. C'est la foule.

Si docile, si grégaire, à genoux devant l'idole et prête à le dévorer. L'agneau qui, au milieu de l'apocalypse, ne ressent rien. Cris dans le public, applaudissements, rumeurs qui enflent. Et le héros tragique naît, en quelque sorte, de l'extase des fous.

Ils veulent venir sur scène. La police est dans la fosse pour les empêcher de monter. Je t'entends encore me dire, Ray, les gosses, les flics, nous, c'est un jeu bizarre. Il faut avoir un peu de logique. S'il n'y avait pas de flics, ils ne voudraient pas monter. Photo, Jim Morrison, cigarette à la bouche, képi d'un policier sur la tête. On n'a rien de temps, il y a 100 personnes sur la scène à danser, sauter et piétiner. La scène se met à trembler.

D'autres jeunes s'accrochent pour grimper. Le plateau est mal monté, les traiteaux ploient. Je continue de jouer dans la cohue en plaquant des accords au hasard. Un type, bras écarté, dressé sur la rampe du premier balcon, menace de se lancer. À ce moment-là, quelqu'un est tombé sur mon clavier. L'organisateur décide de tout arrêter. Il se précipite sur Jim Morrison. Photo prise du bord de la scène en contre-plongée. Morrison levant la jambe pour asséner un coup de pied à l'organisateur. Il envoie l'escroc dans la fosse.

Un de ses hommes de main se jette sur Morrison, qui tombe dans la foule à son tour. Pendant ce temps-là, la scène peu à peu s'effondre, pour finalement céder dans un fracas. Je vois John se jeter en catastrophe sur le côté. Il tombe sur la console d'éclairage, qui explose. Une partie de moi me souffle. « Hey, cette fois, on est vraiment dans le pétrin. » Je vois Jim entraîner dans la foule. Elle danse, elle hurle. Elle lui arrache les cheveux et la chemise. Elle baise ses épaules nues, le griffe, cherche à le mordre, à le prendre.

Jim Morrison est exfiltré. Photo. Morrison, torse nu, regardant la foule du deuxième balcon, indifférent. Après le concert, on se marre, parce qu'on nous a dit que les flics se font du fric au black en surveillant les coulisses. Dans la loge, Jim me dit, il faut prendre une autre orientation, changer le monde. C'est là qu'il nous a parlé du Living Theater. Coda 1. Quelques jours plus tôt avec un ami,

Le poète Michael McClure, on a vu le Living Theater à San Francisco. Il dit que ce sont les aigles angéliques de l'idéal anarchiste. Ray, j'ai senti leur sincérité. Ouais. Comme ils prennent ça au sérieux, eux. La révolution et l'espoir de changer le monde. Leur énergie. Qu'est-ce qui provoque un tel enthousiasme, Ray ? Comment on pourrait obtenir cette sorte d'engagement, de dévotion, eux ?

Judith Malina et Julian Beck ont trouvé quelque chose pour réveiller la foule. Ils l'appellent l'agressivité positive. C'est ce que j'ai essayé ce soir au Dinner Key Auditorium à Miami. Les réveiller. Le paradis, maintenant. Nous avons pris deux garanties pour Jim Morrison. Une pour l'exposition indécente, l'autre pour l'utilisation de langues obscènes.

Le 5 mars, la police de Miami délivrait un mandat d'arrêt contre toi, Jim. Outrage à la pudeur, atteinte à l'ordre public. Tu risquais 7 ans et 150 jours de prison. Les forces conservatrices de Miami organisèrent un rassemblement pour la décence, soutenu par le président Nixon. On chanta God bless America. Maintenant, écoutez, les gens !

Je parle de la mort du rock'n'roll et de qui l'a fait passer de vie à trépas. Je parle du blues. Je parle des news. T'as entendu la nouvelle ? Rock is dead. Rock est mort. Rock is dead.

Je voulais pas être le premier à te balancer ça mon cœur. Mais j'ai un peu tapé la route avec lui. J'ai toujours pensé que c'était dans la poche, maman. Et puis j'ai compris. Le rock'n'roll est mourant, baby.

Rock'n'roll is dyin', baby I wanna see some fun I wanna see some hangin' out I wanna see my people Non-political Arithmetical Transcendental Irrathimidental

L'Amérique, empire de la destruction et de la promesse. Le FBI, le Vietnam, Nixon, tous là-bas fouaient. Et le prix des promesses non tenues, c'est le ressentiment.

la solitude face à sa propre trahison sans rédemption la peur cette promesse non tenue de l'amérique de 1970 c'était celle de ces ouvriers de ces jeunes filles de ces bûcherons de ces poètes chacun chantant ce qui lui est propre à lui et à nul autre dit whitman ce chant est mort il s'appelait rock'n'roll 1965 année zéro du rock et première bombe sur le vietnam 1969

La guerre a épuisé l'énergie du rock. Il est mort avec l'Amérique de la promesse. Je baise la lie des ruines d'un empire. Les petits enfants du nord de l'Indochine, marqués au napalm et hurlant de douleur. L'Amérique est un étrange empire. Elle a fait de moi un mythe. L'Amérique tue ses mythes, elle-même. Voilà où ta chère poésie t'a conduit. Elle t'a ramené à la folie et aux gens qui t'ont fait. J'écrivis un poème en 33 chants comme le paradis de Dante.

Il s'appelle une prière américaine. Savez-vous que nous sommes conduits au massacre par de placides amiraux et que de gras et lents généraux sont rendus obscènes par le sang jeune ? Savez-vous que nous sommes gouvernés par la télé ? La lune est une bête au sang sec. Des groupes de guerrieros roulent des joints dans le carré de vignes voisins, thésorisant pour la guerre sur le dos d'innocents, bouviers qui ne font que mourir.

Ô grand créateur de ce qui est, accorde-nous une heure de plus pour accomplir notre art et parfaire nos vies. Nous nous sommes assemblés dans ce théâtre antique et fou pour propager notre rage de vivre et fuir la sagesse grouillante des rues. Les portes ouvertes sont enfoncées, les fenêtres gardées et seules de tout le reste pour danser et nous sauver avec le divin simulacre des mots, la musique.

Enflamme le tempérament. Où sont les festins qui nous ont été promis ? Où est le vin ? Le vin nouveau, il meurt sur la vigne. Jim Morrison, Indoors Outdoors, de Christine Spianti. Quatrième épisode. Avec Sarah-Jane Sauvegrin et Laurent Lederer, les narrateurs. Olivier Martineau, Jim Morrison. Clotilde Morgiev, Pamela Courson. Slimane Yefsa, Raymond Zarek.

Et la voix d'Élodie Hubert. Conseillère littéraire, Emmanuelle Chevrière. Prise de son, montage et mixage, Bastien Varigo et Philippe Bredin. Assistante à la réalisation, Louise Loubrieux. Réalisation, Laure Egoroff. Remerciements à Lili Stein. Vous savez que la liberté existe dans un livre de l'école ? Vous savez que les malades sont en prison, dans un prison, dans un gaillot, dans un protestant blanc libre, un homme fort ?

Tous les textes de Jim Morrison sont parus chez Christian Bourgois, éditeur, dans des traductions de Yves Buin, Richel Dassin, Hervé Muller, Sabine Prudent, Werner Rehman, Patricia Deveau.