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cover of episode "La Gloire de mon père" de Marcel Pagnol 5/5 : La chasse à la bartavelle

"La Gloire de mon père" de Marcel Pagnol 5/5 : La chasse à la bartavelle

2025/3/10
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Le Feuilleton

AI Deep Dive AI Chapters Transcript
People
H
Hervé Pierre
M
Marcel Pagnol
Topics
Marcel Pagnol: 我一直渴望参加狩猎,尽管我年纪尚小,没有猎枪。我精心策划,说服父亲和叔叔让我带午餐,并以各种理由强调我的参与对狩猎的重要性。我甚至声泪俱下地表达我的愿望,最终获得了他们的同意。我偷偷地跟踪他们,在狩猎过程中,我经历了迷路、恐惧、以及最终找到回家的路。我展现了我的勇气和毅力,最终在狩猎结束时,我找到了两只珍贵的巴塔维尔,并向我的父亲展示了我的发现,为他的狩猎增添了光彩。 我的计划是偷偷地跟着他们去打猎,我甚至在晚上偷偷地准备了食物和水,然后在他们出发后悄悄地跟在后面。我像一个印第安人一样小心地隐藏自己,避免被他们发现。 在狩猎过程中,我迷路了,我感到害怕和孤独。我尝试着寻找方向,但山里的地形复杂,我找不到回家的路。我尝试着使用父亲教我的方法来辨别方向,但最终还是失败了。 在迷路的过程中,我经历了饥饿和疲惫,但我并没有放弃希望。我坚持着,最终我找到了回家的路,并且在回家的路上,我意外地发现了两只珍贵的巴塔维尔。 我将这两只巴塔维尔带回了家,向我的父亲和叔叔展示了我的发现。我的父亲为我的勇气和毅力感到骄傲,而我的叔叔则为我的聪明才智感到惊讶。 父亲: 我起初不同意让年幼的儿子参加狩猎,因为担心他的安全,狩猎过程中存在危险,尤其是在山区,容易迷路或发生意外。但是,在儿子的坚持和叔叔的劝说下,我最终同意让他跟着我们,但要求他保持距离,并时刻注意安全。狩猎过程中,我看到儿子在山区迷路,我感到非常担心,但同时我也为他的勇气和毅力感到骄傲。 叔叔: 我支持让Marcel参加狩猎,我认为他应该有这个机会。我看到了他的决心和勇气,并相信他能处理好一切。我帮助他劝说他的父亲,并最终让他加入了狩猎队伍。狩猎过程中,我注意到Marcel的聪明和机智,他能够在复杂的自然环境中生存下来,这让我感到非常欣慰。 Paul: 我知道哥哥想参加狩猎,并且知道父母最终会同意。我看到了哥哥的努力和坚持,也看到了父母的无奈和妥协。虽然我害怕枪声,但我支持哥哥,并为他保守秘密。

Deep Dive

Chapters
Le jour avant l'ouverture de la chasse, Marcel négocie pour accompagner son père et son oncle à la chasse, malgré leurs hésitations.
  • Marcel veut porter le déjeuner pour aller à la chasse.
  • Son père et l'oncle Jules étudient la carte pour planifier leur route.
  • Marcel utilise des arguments émotionnels pour convaincre son père.

Shownotes Transcript

France Culture. Il y a une chose remarquable, quand on vieillit, on perd la mémoire. Mais ça ne veut pas dire qu'on perd les souvenirs. Au contraire, on perd la capacité d'acquérir de nouveaux souvenirs. Mais ceux qui sont inscrits, ils sont bien plus proches que jamais. La gloire de mon père, de Marcel Pagnol. Lu par Hervé Pierre.

Choix des extraits et réalisations, Juliette Eman. Dans ses souvenirs, je ne dirai de moi ni mal ni bien. Ce n'est pas de moi que je parle, mais de l'enfant que je ne suis plus. C'est un petit personnage que j'ai connu et qui s'est fondu dans l'air du temps, à la manière des moineaux qui disparaissent sans laisser de squelette. Cinquième épisode.

Enfin, l'aube se leva sur la veille du grand jour de l'ouverture de la chasse. Les fusils furent astiqués et graissés, et j'eus l'honneur d'enfoncer les cartouches dans les ceintures à godets de cuir. Puis mon père et l'oncle Jules étudièrent la carte d'état-major, une loupe à la main. « Nous monterons derrière la maison, » dit l'oncle, « jusqu'à Redouneu, que voici. » Ils plantaient dans la carte une épingle à tête noire. « Jusque-là, nous ne verrons pas grand-chose, peut-être des griffes ou des merles. Ce serait déjà très intéressant, » dit mon père.

« Bagatelle, dit l'oncle, notre gibier ne nous faisons pas d'illusions. Ce n'est évidemment pas la bartavel, mais c'est au moins la perdrie, le lapin et le lièvre. Donc, à Redouneu, nous descendons sur les escarots près. Nous les remonterons jusqu'au pied du Taoumé, que nous contournerons à droite pour atteindre le puits du Murier. C'est là que nous déjeunerons, vers midi et demi. Ensuite... » Mais je n'entendis pas la suite, car je réfléchissais à mon plan.

Il était maintenant indispensable de poser la question nettement et d'obtenir la confirmation de mes certitudes, certitudes d'ailleurs un peu ébranlées par l'attitude passive de l'entourage. Je dis bravement « Moi, je porterai le déjeuner. » « Quel déjeuner ? » dit l'oncle. « Le nôtre, je prendrai deux musettes et je porterai le déjeuner. » « Mais où donc ? » dit mon père. Cette question me coupa le souffle, car je vis qu'il faisait semblant de ne pas comprendre.

Je fonçais désespérément et je parlais à toute vitesse, en prenant à peine le temps de respirer. « À la chasse ! Moi, je n'ai pas de fusil. C'est tout naturel que je porte le déjeuner. Vous, ça pourrait vous gêner. Et puis, si vous le mettez dans le carnier, il n'y aura plus de place pour mettre le gibier. Et puis, moi, quand je marche, je ne fais pas de bruit. J'ai bien étudié les peaux rouges. Je sais marcher comme un comanche. Et puis, si vous ne me voulez pas, moi, je vais tomber malade. Et déjà, j'ai un peu mal au cœur. »

Sur quoi je courus au mur et, contre mon bras replié, je me mis à pleurer bruyamment. Mon père ne savait que dire et il caressait mes cheveux. Ma mère entra et, sans un mot, me prit sur ses genoux. J'étais au comble du désespoir. « Mais aussi, » dit-elle sur un ton de reproche, « vous lui en avez trop parlé. »

« Ce serait dangereux, » dit mon père, « surtout le jour de l'ouverture. Il y aura d'autres chasseurs dans la colline. Il est petit et, dans les broussailles, on pourrait le prendre pour un gibier. » « Mais moi, je les verrai, les chasseurs, » criai-je entre deux sanglots, « et alors, si je leur parle, ils comprendront que je ne suis pas un lapin. Je veux faire l'ouverture. »

Alors l'oncle Jules se montra grand et généreux. « Je me mêle peut-être de ceux qui ne me regardent pas, dit-il, mais à mon avis Marcel a mérité de faire l'ouverture avec nous. Allons, ne pleure plus. Il portera notre déjeuner comme il l'a proposé et il nous suivra bien gentiment à dix pas derrière les fusils. » Il se tourna vers mon père. « C'est d'accord, Joseph. Si vous êtes d'accord, moi aussi. »

Alors, je bondis sur mon oncle, je l'escaladai et je serrai sa grosse tête sur mon cœur battant. « Seulement, dis-je, il ne faudra pas en parler à Paul, parce qu'il est trop petit. Il ne pourrait pas marcher si loin. » « Hé, hé ! » dit mon père. « Tu vas donc mentir à ton frère ? » « Je ne mentirai pas, mais je ne lui dirai rien. » « Mais s'il t'en parle, » dit ma mère, « je lui mentirai, parce que c'est pour son bien. »

« Il a raison, » dit mon oncle. Puis, me regardant bien dans les yeux, il ajouta, « Tu viens de dire une parole importante. Tâche de ne pas l'oublier. Il est permis de mentir aux enfants lorsque c'est pour leur bien. » Il répéta, « Ne l'oublie pas. »

« Qu'est-ce qui te prend ? » dit mon père. « Je prends des forces pour demain. » « Que comptes-tu faire demain ? » demanda l'oncle sur un ton d'affectueuse curiosité. « Eh bien, dis-je, l'ouverture ! » « L'ouverture ? Mais ce n'est pas demain ! » s'exclama-t-il. « Demain, c'est dimanche ! » Je fus consterné. « Mais alors, quand est-ce ? » « C'est lundi, après-demain. » C'était une désolante nouvelle, car cette journée d'attente allait être un très long martyr. Que faire ?

Je me résignais de fort mauvaise grâce mais sans maudire. Puis l'oncle Jules ayant annoncé qu'il tombait de sommeil, tout le monde alla se coucher. Quand ma mère nous eut bordé et qu'elle fut sortie de la chambre, le petit Paul parla. « Moi, je le savais qu'il ne te mènerait pas à l'ouverture. » Je répondis hypocritement. « Je n'ai jamais demandé à y aller. L'ouverture, ce n'est pas pour les enfants. » « Tu es un grand menteur. J'ai entendu tout ce que vous avez dit et tout ce que tu as pleuré. »

« Et même tu as promis qu'il faut me dire des mensonges. » « Mais moi, je m'en fous bien d'aller à la chasse. » « Les vrais coups de fusil, ça me fait trop peur. » « Mais quand même, tu es un menteur. » « Et l'oncle Jules est encore plus menteur que toi. » « Pourquoi ? » « Parce que c'est demain. » « Moi, je le sais. » « Maman a fait l'omelette aux tomates cet après-midi. » « Et puis elle l'a mise dans les carniers avec un grand saucisson... » « Et des côtelettes crues et du pain et la bouteille de vin. » « Moi, j'ai tout vu. » « Et les carniers, ils sont cachés dans le placard de la cuisine... » « Pour pas que tu les vois. »

Ils vont partir de bonne heure et toi tu te brosseras. » Cette révélation était accablante, mais je refusais d'y croire. Soudain, un souvenir terrible traversa mon esprit. Dans l'après-midi même, quand j'avais eu la sottise de dire que j'allais mentir à Paul parce que c'était pour son bien, l'oncle Jules avait saisi la balle au bon. Il m'avait hautement approuvé pour justifier par avance sa criminelle comédie. Je fus désespéré par cette trahison et je me mis à pleurer en silence. Au loin,

La flûte d'argent de la chouette ajoutait à mon désespoir. Toute la maison paraissait dormir, je me levai sans le moindre bruit. Je descendis sur mes pieds nus, aucune marche ne craqua. Dans la cuisine, le clair de lune me permit de trouver les allumettes et une bougie. Alors, devant la porte du placard fatidique, j'hésitai un moment. Derrière cette plaque de bois mort, j'allais découvrir la scélératesse de l'oncle Jules ou la perfidie de Paul.

Ce serait de toute façon une catastrophe sentimentale. Je fis tourner lentement la clé. Je tirai, le vent aïvint à moi. J'entrais dans le vaste placard, je haussais la bougie, ils étaient là, les deux gros carniers de cuir fauves avec leur poche de filet. Ils étaient gonflés à crever et, de chaque côté, pointaient le goulot bouché d'une bouteille

Sur une étagère, à côté des carniers, les deux cartouchières que j'avais garnies moi-même. Quelle fête se préparait ! Une grande indignation me souleva et je pris une décision farouche. J'irai avec eux, malgré eux. Plus tard dans la nuit, Paul me tira doucement les cheveux. « Je les ai entendus, » dit-il. « Ils sont passés devant la porte, ils ont écouté. J'ai vu la lumière par le trou de la serrure. Après, ils sont descendus sur la pointe des pieds.

La lune s'était couchée, il faisait nuit noire. À tâtons, je trouvais mes vêtements. « Qu'est-ce que tu fais ? » dit Paul. « Je vais avec eux. » « Ils ne te veulent pas. » « Je vais les suivre de loin, à l'Indienne, pendant toute la matinée. » « À midi, ils ont dit qu'ils mangeraient près d'un puits. » « Alors, à ce moment, je me ferai voir. » « Et s'ils veulent me renvoyer, je dirai que je vais me perdre. » « Et alors, ils n'oseront pas. » « Peut-être que tu vas recevoir une bonne gifle. » « Tant pis. J'en ai reçu d'autres, et des fois pour rien du tout. »

Dans le silence, nous entendîmes des pas sur des souliers ferrés. Puis la porte s'ouvrit et se referma. J'embrassai Paul, qui se recoucha aussitôt, et je descendis au rez-de-chaussée. Rapidement, je rallumai la bougie, je déchirai une page de mon cahier. « Ma chère petite maman, ils ont fini par m'emmener avec eux. Ne te fais pas de mauvais sang. Je te fais deux mille bises. »

Puis je glissais dans ma musette un morceau de pain, deux barres de chocolat, une orange. Enfin, je m'élançais sur la piste des fusilleurs. Je montais la pente en courant aussi légèrement que je pus jusqu'à l'orée de la pinède. Je m'arrêtais, j'écoutais. Il me semble apercevoir plus haut un bruit de pas dans les pierres. Je repris ma course en rasant les forêts. J'arrivais à la fin de la première pinède, au bord d'un plateau, et je vis au loin une casquette et un béret.

Mon père et l'oncle Jules avaient encore le fusil à l'épaule et marchaient d'un bon pas. Près d'un grand pin, ils s'arrêtèrent. Le béret descendit sur le flanc du coteau, vers la gauche, tandis que la casquette continua tout droit. Mais elle montait et plongeait tour à tour, comme une casquette qui marche pas à pas sur la pointe des pieds. Je compris que la chasse était commencée. Mon cœur battit plus vite. Je retins mon souffle et j'attendis.

Une détonation puissante éclata soudain et se répercuta longuement en sautant d'un écho à l'autre contre les apiques du vallon. Je courus au pin le plus proche et j'y grimpai, épouvanté. Je m'assis à califourchon sur une grosse branche, craignant l'apparition subite d'un sanglier blessé. Mais le béret apparut sur ma gauche, au-dessus d'un cad. Il tenait en l'air, à bout de bras, un oiseau noir, de la taille d'un petit pigeon, et il criait « C'est un beau merle ! »

La casquette, émergeant d'une forêt de genets, vint rapidement vers lui. Ils semblèrent se concerter, puis se séparèrent de nouveau. Je me laissai glisser jusqu'au sol, et j'étais un conseil avec moi-même. Fallait-il descendre derrière eux au fond du vallon ? La hauteur des broussailles m'empêcherait de voir la chasse, et d'autre part, comme l'avait dit mon père, je m'exposais à recevoir par erreur un coup de fusil. Tandis que si je continuais à suivre la crête, juste au bord de la barre, mais derrière les térébintes, je pourrais tout voir sans être vu.

Je filai donc à travers les kermesses qui griffaient mes mollets, les cadres et les genévriers. Je fis d'abord un assez grand détour sur le plateau, puis je me glissai sous le fourré et je parvins au bord de la pique. Ils étaient au fond d'un large vallon de roches bleues. De mon côté, mon père marchait à mi-pente. Il tenait son fusil pointé devant lui, la crosse sous le coude, la main droite sur la gâchette, la main gauche sous le pontet. Il avançait à pas prudents, le dos voûté, en jambant les broussailles. Il était beau à voir.

beau et menaçant, et je fus assez fier de lui. Sur la pente d'en face, l'oncle suivait un chemin parallèle. Je les voyais bien mieux que si j'avais été avec eux. Bientôt, comme ils avaient dépassé mon observatoire, je me retirai avec précaution, et sur l'immense plateau de Garrigue, je décrivis un nouvel arc de cercle afin de les dépasser à mon tour. Le soleil étincelait à deux mètres au-dessus de l'horizon, et je courais dans l'odeur des lavandes matinales que j'écrasais au passage.

Comme j'arrivais au bord de la pique, deux détonations presque simultanées retentirent. Je vis mon père qui venait de tirer et qui suivait du regard le vol plané de belles perdries. Mais toutes glissaient dans l'air du matin sans le moindre frémissement. C'est alors que, d'une grande touffe de genet, surgit le béret qui était surmonté d'un fusil. Il tira posément. La première perdrie bascula sur la gauche et tomba décrochée du ciel. Les autres firent un crochet vers la droite.

Le fusil décrivit un quart de cercle et le second coup retentit. Une autre perdrie parut exploser et s'abattit presque à la verticale. À voix basse, je criais de joie. Les deux chasseurs, après quelques recherches, ramassèrent les victimes, qui étaient à 50 mètres l'une de l'autre, et les brandirent à bout de bras. Mon père criait « Bravo ! » Mais pendant qu'il mettait la perdrie dans son carnier, je le vis faire un petit saut sur place et retirer fébrilement les douilles vides de son fusil.

Un beau lièvre qui venait de lui passer entre les jambes n'attendit pas la fin de l'opération et s'enfonça dans la broussaille, la queue en l'air et les oreilles droites. L'oncle Jules levait les bras au ciel. « Malheureux ! Il fallait recharger tout de suite ! Dès qu'on a tiré, on recharge ! » Mon père, navré, ouvrit des bras de crucifié et rechargea tristement. J'étais consterné par notre échec qui prit pour moi les proportions d'une catastrophe.

Il avait manqué deux fois le coup du roi, et ce lièvre, pour se moquer de lui, l'avait forcé à battre un petit entrechat avant de lui montrer son derrière. C'était d'un comique navrant. Qu'allait-il se passer maintenant ? Allait-il réussir un coup honorable ? Lui, mon père, maître d'école, examinateur au certificat, qui tirait si bien aux boules, allait-il rentrer bredouille, tandis que l'oncle Jules serait tapissé de perdrix et de lièvres comme la devanture d'un magasin ? Non, non !

« Cela ne serait pas. Je le suivrai toute la journée et je lui enverrai tant de volatiles et de lapins et de lièvres qu'il finirait bien par en tuer un. » J'avais fait ces réflexions, adossé un pain, et je mâchais nerveusement une brindille de romarin. Je repris ma route, pensif, les mains dans les poches, la tête basse. Un coup de fusil, assourdi par la distance, me tira de mes réflexions. Je courus vers le bord de la barre. Les chasseurs étaient déjà loin.

Ils arrivaient au bout du vallon qui débouchait sur une grande plaine rocheuse. Je courus pour les rattraper, mais je les vis tourner sur la droite et disparaître dans une pinède derrière la base du Taoumé qui se dressait maintenant devant moi. Je décidai de descendre au fond du vallon et de suivre leurs traces. Mais n'allais-je pas me perdre dans ces solitudes ? Je repoussai en ricanant cette crainte enfantine. Il n'y avait qu'à garder le sang-froid de la détermination d'un vrai Comanche.

Puisqu'ils avaient contourné le pic par la base, en allant de gauche à droite, je les rencontrerais forcément si je marchais tout droit devant moi. J'examinais la masse du Taoumé. Elle était considérable, et la distance à parcourir serait sans doute assez longue. Je décidai de ménager mes forces en adoptant le trot léger des Indiens. Les coudes au corps, les mains croisées sur la poitrine, les épaules en arrière, la tête baissée.

courir sur la pointe des pieds, un arrêt tous les 100 mètres pour écouter les bruits de la forêt et faire trois inspirations calmes et profondes. Au bout de 20 minutes, j'arrivais sous le pic et le paysage changea. Le plateau rocheux était coupé par la morse d'un ravin sauvage, entre les blocs éboulés de grands pins et de hautes broussailles. J'en atteignais facilement le fond, mais il me fut impossible de franchir la barre opposée. La distance m'avait trompé sur sa hauteur.

Je suivis donc le pied de la falaise, sûr que j'étais d'y trouver une cheminée. Autour de moi, je ne pouvais voir à plus de dix mètres. Les arbres, les fourrés et les deux parois de la gorge me cachaient le reste de l'univers. Je commençais à être vaguement inquiet. Je regardais derrière moi, pour mesurer le chemin parcouru, et je vis, là-haut, dans le ciel, une montagne inconnue, dont le sommet rocheux s'allongeait sur au moins 500 mètres. C'était le Taoumé, mais comme je n'avais jamais vu que sa face,

Je ne le reconnus pas. Ainsi, le premier astronome qui verra l'autre côté de la Lune cataloguera un astre nouveau. Je fus d'abord perplexe, puis inquiet. Je regardais encore et de tous côtés. Je ne vis aucun repère. Je décidai alors de retourner à la maison, ou plutôt vers la maison, car pour sauver la face, je ne me montrerai pas. J'attendrai à la lisière d'épinède le retour des chasseurs et je rentrerai avec eux. Je revins donc sur mes pas, ce qui me paraissait facile,

j'avais compté sans la malice des choses les chemins qu'on laisse derrière soi en profitent pour changer de visage le sentier qui partait vers la droite a changé d'idée au retour il s'en va vers la gauche il descendait par une pente douce le voilà qui monte comme un remblai et les arbres jouent aux quatre coins je revins sur mes pas en bons comme hanches je cherchais mes traces une empreinte une pierre déplacée une branche brisée je ne vis rien j'arrivai soudain à une sorte de carrefour

Le val se divisait en trois gorges qui remontaient en pied de poule jusqu'au flanc du mystérieux sommet. Je n'avais pas vu, à la descente, les deux autres. Où était ma route ? J'aurais dû raisonner et comprendre que j'étais descendu dans le premier ravin à ma gauche, puisque sur le plateau je n'avais traversé aucun des deux autres. Mais le malheureux chef Comanche acheva de perdre le nord. Il tomba assis par terre et se mit à pleurer. Cependant, je compris bien vite l'inutilité honteuse de ce désespoir.

Il fallait faire quelque chose, il fallait agir rapidement comme un homme, et d'abord reprendre des forces, car malgré l'incroyable dureté de mes mollets, je ressentais une très inquiétante fatigue. Après un repos de quelques minutes, j'ouvris ma musette et je mangeais de grand appétit mon pain et mon chocolat. Puis je me mis en marge d'un pas léger. Le ravin où je descendis était hérissé de broussailles.

Mes mollets étaient striés de longues raies rouges qui se croisaient comme les fils d'un grillage et un grand nombre de fines épines y étaient plantées. Patiemment, je les arrachais l'une après l'autre entre deux ongles. Puis, comme tant de petites blessures me brûlaient, j'allais cueillir quelques plantes. Chacun sait que les plantes des collines cicatrisent rapidement les plaies.

Je dus sans doute me tromper de plante, car après une bonne friction avec du thym et du romarin, je ressentis de si vives brûlures que je me mis à danser en poussant des cris de douleur. Pour me réconforter, je mangeais aussitôt la moitié de l'orange, ce qui me fit le plus grand bien. Je tentais alors de monter sur le plateau, mais l'ascension de l'éboulis final fut plus difficile que je ne pensais, et je découvris que les éboulis ont une tendance naturelle à s'ébouler.

Lorsque j'arrivais presque au sommet, en avançant à quatre pattes, je repartais en arrière sur un tapis roulant de cailloux. J'allais désespérer de mon succès final lorsque je découvris une cheminée praticable, un peu étroite pour un homme, mais faite pour moi. J'arrivais enfin sur le plateau. Il était immense et fort pauvrement boisé. Toujours des kermesses, des romarins, des caddes, du thym, de la rue, des lavandes. Je fis le tour de l'horizon.

J'étais entouré de collines, cernées elles-mêmes par un cercle lointain de montagnes que je ne connaissais pas. La situation était grave. Je décidai qu'il fallait d'abord m'orienter. Mon père m'avait dit cent fois « Si tu regardes le Levant, bien en face, le couchant est derrière toi. À ta gauche, tu as le Nord, à ta droite, le Midi. C'est simple comme bonjour. » Eh oui, très simple. Mais où était le Levant ? Je regardais le soleil.

Il avait quitté le milieu du ciel, et comme je savais que midi était passé, je fus assez content d'avoir découvert le couchant. Je lui tournais donc le dos, j'étendis les bras, et j'affirmai à haute voix, « À ma droite, le midi, à ma gauche, le nord. » Après quoi, je m'aperçus que, faute d'un point de repère, cette merveilleuse connaissance ne pouvait me servir à rien. Dans quelle direction était ma maison ? Je fus absolument découragé. Voilà où m'avait mené ma désobéissance et la félonie de l'oncle Jules.

Alors me revint en mémoire une phrase que mon père répétait souvent et qu'il m'avait fait copier plusieurs fois quand il me donnait des leçons d'écriture cursives, rondes, bâtardes. Il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. Je la répétais plusieurs fois et comme par une formule magique, je sentis que je devenais un petit homme. J'eus honte d'avoir désespéré. Je m'étais perdu dans la colline. La belle affaire !

Depuis mon départ de la maison, j'avais presque toujours monté des pentes assez raides. Je n'avais qu'à redescendre et je trouverais certainement un village, ou du moins une route civilisée. Je mangeais gravement la seconde moitié de l'orange, puis, les mollets brûlants et les pieds meurtris, je m'élançais au pas de course sur la faible pente du plateau. Je me répétais la phrase magique et je bondissais par-dessus les cadres et les genévriers.

Sur ma droite, le soleil commençait à rougeoyer derrière des écharpes de nuages comme sur les boîtes de confiserie que donnent les tentes à la Noël. Je courus ainsi plus d'un quart d'heure, d'abord léger comme une gerboise, puis comme une chèvre, puis comme un veau, et je m'arrêtais pour reprendre haleine. En me retournant, je constatais que j'avais parcouru au moins un kilomètre. Du côté du couchant, il me semble à distinguer la rive opposée d'un vallon. Je m'approchais d'un pas de promeneur pour économiser mes forces avant de reprendre ma course.

J'étais encore à cinquante pas du bord de la barre lorsqu'une détonation retentit. Puis, deux secondes plus tard, une autre. Le son venait d'en bas. Je m'élançai, bouleversé de joie, lorsqu'un vol de très gros oiseaux, jaillissant du ballon, piqua droit sur moi. Mais le chef de la troupe chavira soudain, ferma ses ailes et, traversant un grand genévrier, vint frapper lourdement le sol. Je me penchai pour le saisir quand je fus à demi assommé par un choc violent qui me jeta sur les genoux.

Un autre oiseau venait de me tomber sur le crâne et je fus un instant ébloui. Je frottais vigoureusement ma tête bourdonnante. Je vis ma main rouge de sang. Je crus que c'était le mien et j'allais fondre en larmes. Lorsque je constatai que les volatiles étaient eux-mêmes ensanglantés, ce qui me rassura aussitôt. Je les pris tous deux par les pattes qui tremblaient encore du frémissement de l'agonie. C'était des perdries, mais leur poids me surprit.

Elles étaient aussi grandes que des coques de basse-cour et j'avais beau hausser les bras, leur bec rouge touchait encore le gravier. Alors mon cœur sauta dans ma poitrine. Des barcavels, des perdries royales. Je les emportais vers le bord de la barre. C'était peut-être un doublé de l'oncle Jules. Mais même si ce n'était pas lui, le chasseur qui devait les chercher me ferait sûrement grand accueil et me ramènerait à la maison. J'étais sauvé.

Comme je traversais péniblement un fourré d'argérasse, j'entendis une voix sonore qui faisait rouler les airs aux échos. C'était celle de l'oncle Jules, voix du salut, voix de la providence. À travers les branches, je le vis. L'oncle Jules venait de la rive d'en face et il criait sur un ton de mauvaise humeur. « Mais non, Joseph, mais non ! Il ne fallait pas tirer ! Et venez vers moi ! C'est vos coups de fusil pour rien qui les ont détournés ! »

J'entendis alors la voix de mon père, que je ne pouvais pas voir car il devait être sous la barre. « J'étais à bonne portée, je crois bien que j'en ai touché une. » « Allons donc ! » répliqua l'oncle Jules avec mépris. « Vous auriez pu peut-être en toucher une si vous les aviez laissé passer. Mais vous avez eu la prétention de faire le coup d'Urwa et en doubler. » « J'avoue que je me suis un peu pressé, » dit mon père d'une voix coupable.

« Mais pourtant, pourtant, » dit l'oncle d'un ton tranchant, « vous avez bel et bien manqué des perdries royales, aussi grandes que des cerfs-volants. Le plus triste, c'est que cette occasion unique, nous ne la retrouverons jamais. Et si vous m'aviez laissé faire, elle serait dans notre carnier. » « Je le reconnais, j'ai eu tort, » dit mon père. « Pourtant, j'ai vu voler des plumes. » « Moi aussi, » ricana l'oncle Jules. « J'ai vu voler de belles plumes qui emportaient les barthavèles à soixante à l'heure jusqu'en haut de la barre où elles doivent se foutre de nous. »

Je m'étais approché et je voyais le pauvre Joseph. Sous sa casquette de travers, il mâchonnait nerveusement une tige de romarin et hochait une triste figure. Alors, je bondis sur la pointe d'un cap de roche qui s'avançait au-dessus du vallon et, le corps tendu comme un arc, je criai de toutes mes forces « Il les a tués ! Toutes les deux, il les a tués ! »

Je haussais vers le ciel la gloire de mon père en face du soleil couchant. La gloire de mon père de Marcel Pagnol Extrait lu par Hervé Pierre Cinquième et dernier épisode Conseillère littéraire Emmanuelle Chevrière Prise de son, montage et mixage Claire Levasseur Antoine Viosa Assistante à la réalisation Claire Chéneau

Réalisation Juliette Eman France Culture remercie l'Odé Colline édition de La Treille et les éditions Grassey et Fasquel.