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cover of episode "La Princesse de Clèves" de Madame de La Fayette 4/5 : Le sort s'en mêle

"La Princesse de Clèves" de Madame de La Fayette 4/5 : Le sort s'en mêle

2025/2/24
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Le Feuilleton

AI Deep Dive AI Chapters Transcript
People
克莱夫先生
克莱夫先生的侍从
克莱夫夫人
内穆尔先生
玛蒂格夫人
Topics
克莱夫先生:我深爱着我的妻子,但她的爱却给了另一个人。我怀疑是内穆尔先生、吉斯骑士或圣安德烈元帅,这让我痛苦万分。国王让我护送妻子去西班牙,我本以为这能使她远离宫廷,但事与愿违。我信任我的妻子,但这信任却让她更加坚定地抵抗内穆尔先生,并做出更严格的决定。我最终得知了他们之间的秘密,这让我心碎。我无法相信我的妻子会背叛我,但证据确凿,我只能承受这巨大的痛苦。 克莱夫夫人:我爱着内穆尔先生,但我无法控制自己的感情。我害怕无法控制自己的感情,所以向丈夫坦白,希望他能带我离开宫廷。然而,我的秘密还是被泄露了,这让我陷入绝望。我后悔拒绝了内穆尔先生的最后一次拜访,如果我当时勇敢一点,或许结果会不一样。 内穆尔先生:我深爱着克莱夫夫人,但我知道她已婚,我只能默默地守护着她。我从未向任何人透露过我们的秘密,是沙特尔主教不忠地向别人讲述了我的朋友的秘密,这让我很意外也很痛苦。我试图在克莱夫夫人离开宫廷前见她一面,但最终还是被发现了。 王后:我知道内穆尔先生的秘密,并试图揭露它,但克莱夫夫人巧妙地阻止了我。 玛蒂格夫人:我无意中卷入了克莱夫夫人的秘密,并向王后描述了库洛米耶凉亭的美丽,以及克莱夫夫人在那里独自散步的乐趣,这无意中帮助了内穆尔先生。 克莱夫先生的侍从:我跟踪内穆尔先生,并目睹了他与克莱夫夫人在库洛米耶的秘密会面。我将真相告诉了我的主人,但我的主人无法承受这个打击。

Deep Dive

Shownotes Transcript

Translations:
中文

Monsieur de Clèves était allé trouver le roi, le cœur pénétré d'une douleur mortelle.

Jamais Marie n'avait eu une passion si violente pour sa femme et ne l'avait tant estimée. Ce qui l'occupait le plus était l'envie de deviner celui qui avait su lui plaire. Monsieur de Nemours lui vint d'abord dans l'esprit comme ce qu'il y avait de plus aimable à la cour. Et le chevalier de Guise et le maréchal de Saint-André comme deux hommes qui avaient pensé à lui plaire et qui lui rendaient encore beaucoup de soin.

de sorte qu'il s'arrêta à croire qu'il fallait que ce fût l'un des trois. Il arriva au Louvre et le roi le mena dans son cabinet pour lui dire qu'il l'avait choisi pour conduire Madame en Espagne. Monsieur de Clèves reçut l'honneur de ce choix comme il le devait et le regarda même comme une chose qui éloignerait sa femme de la cour sans qu'il parût de changement dans sa conduite. Il écrivit alors même à Madame de Clèves :

pour lui apprendre ce que le roi venait de lui dire, et lui demanda encore qu'il voulait absolument qu'elle revînt à Paris. Elle y revint comme il l'ordonnait, et lorsqu'ils se virent, ils se trouvèrent tous deux dans une tristesse extraordinaire. M. de Clèves lui parla comme le plus honnête homme du monde et le plus digne de ce qu'elle avait fait. « Je n'ai nulle inquiétude de votre conduite, lui dit-il. Vous avez plus de force et plus de vertu que vous le pensez. Ce n'est point aussi la crainte de l'avenir qui m'afflige. »

« Je ne suis affligé que de vous voir pour un autre des sentiments que je n'ai pu vous donner. » M. de Clèves ne se trompait pas. La confiance qu'il témoignait à sa femme la fortifiait davantage contre M. de Nemours et lui faisait prendre des résolutions plus austères qu'aucune contrainte n'aurait pu faire. Peu de jours avant celui que l'on avait choisi pour la cérémonie du mariage de Mme Sœur du Roi, Mme de Clèves alla au Louvre plus tard que de coutume.

Comme elle entra dans la chambre de la reine dauphine, cette princesse lui cria de dessus son lit qu'elle l'attendait avec une grande impatience. « Je veux vous apprendre une aventure que je suis assurée que vous serez bien aise de savoir. » Madame de Clèves se mit à genoux devant son lit et par bonheur pour elle, elle n'avait pas le jour au visage. « Vous savez, lui dit cette reine, l'envie que nous avions de deviner ce qui causait le changement qui paraît au duc de Nemours.

« Je crois le savoir, et c'est une chose qui vous surprendra. » « Il est éperdument amoureux et fort aimé d'une des plus belles personnes de la cour. » « Ses paroles, que Madame de Clèves ne pouvait s'attribuer, puisqu'elle ne croyait pas que personne sut qu'elle aimait ce prince, lui causèrent une douleur qu'il est aisé de s'imaginer. » « Je ne vois rien dans cela, répondit-elle. »

qui doivent surprendre d'un homme de l'âge de M. de Nemours, et fait comme il est, ce n'est pas aussi, reprit Mme la Dauphine, ce qui vous doit étonner. Mais c'est de savoir que cette femme, qui aime M. de Nemours, ne lui en a jamais donné aucune marque, et que la peur qu'elle a eue de n'être pas toujours maîtresse de sa passion, a fait qu'elle l'a avouée à son mari, afin qu'il l'ôta de la cour.

Et c'est M. de Nemours lui-même qui a conté ce que je vous dis. Si Mme de Clèves avait eu d'abord de la douleur par la pensée qu'elle n'avait aucune part à cette aventure, les dernières paroles de Mme la Dauphine lui donnèrent du désespoir par la certitude de n'y en avoir que trop. Elle ne put répondre et demeura la tête penchée sur le lit pendant que la reine continuait de parler, si occupée de ce qu'elle disait, qu'elle ne prenait pas garde à cet embarras.

Lorsque Madame de Clèves fut un peu remise, « Cette histoire ne me paraît guère vraisemblable, Madame, répondit-elle, et je voudrais bien savoir qui vous l'a contée. » « C'est Madame de Martigues, répliqua Madame la Dauphine, qui l'a apprise du vidame de Chartres. Vous savez qu'il en est amoureux. Il la lui a confiée comme un secret et il la sait du duc de Nemours lui-même. »

Il est vrai que le duc de Nemours ne lui a pas dit le nom de la dame et ne lui a pas même avoué que ce fut lui qui en fut aimé. Mais le vidame de Chartres n'en doute point. Comme la reine dauphine a chevé ses paroles, quelqu'un s'approcha du lit. Madame de Clèves était tournée d'une sorte qui l'empêchait de voir qui c'était. Mais elle n'en douta pas lorsque Madame la dauphine se récria avec un air de gaieté et de surprise. « Le voilà lui-même et je veux lui demander ce qui en est. »

Madame de Clèves s'avança avec précipitation vers Madame la Dauphine et lui dit tout bas qu'il fallait bien se garder de lui parler de cette aventure, qu'il l'avait confiée au vidame de Chartres et que ce serait une chose capable de l'ébrouiller. Madame la Dauphine lui répondit en riant qu'elle était trop prudente et se retourna vers Monsieur de Nemours. « Je crois, Madame, lui dit-il, que je puis penser sans témérité

« Que vous parliez de moi quand je suis entrée, que vous aviez dessein de me demander quelque chose et que Mme de Clèves s'y oppose. » « Il est vrai, répondit Mme la dauphine, mais je n'aurai pas pour elle la complaisance que j'ai accoutumé d'avoir. Je veux savoir de vous si une histoire qu'on m'a contée est véritable et si vous n'êtes pas celui qui êtes amoureux et aimé d'une femme de la cour qui cache sa passion avec soin et qui l'a avouée à son mari. »

Le trouble et l'embarras de Madame de Clèves étaient au-delà de tout ce que l'on peut s'imaginer. Et si la mort se fut présentée pour la tirer de cet état, elle l'aurait trouvé agréable. Mais Monsieur de Nemours était encore plus embarrassé s'il est possible, et il lui fut impossible d'être maître de son visage. Madame la Dauphine, voyant à quel point il était interdit, « Regardez-le, regardez-le ! » dit-elle à Madame de Clèves,

et juger si cette aventure n'est pas la sienne. Cependant, M. de Nemours, revenant de son premier trouble et voyant l'importance de sortir d'un pas si dangereux, se rendit mettre tout d'un coup de son esprit et de son visage. « J'avoue, madame, dit-il, que l'on ne peut être plus surpris et plus affligé que je le suis de l'infidélité que m'a faite le vidame de Chartres en racontant l'aventure d'un de mes amis que je lui avais confiée. »

« Je pourrais m'en venger, » continua-t-il en souriant avec un air tranquille, « qui ôta quasi à Madame la Dauphine les soupçons qu'elle venait d'avoir. » « Mais je ne sais, Madame, » poursuivit-il, « pourquoi vous me faites l'honneur de me mêler à cette aventure. » « Le vidame ne peut pas dire qu'elle me regarde, puisque je lui ai dit le contraire. » « La qualité d'un homme amoureux me peut convenir, mais pour celle d'un homme aimé, je ne crois pas, Madame, que vous puissiez me la donner. »

« Votre ami a une passion bien aisée à satisfaire, » dit Mme la dauphine, « et je commence à croire que ce n'est pas de vous dont vous parlez. » « Il ne s'en faut guère, » continua-t-elle, « que je ne sois de l'avis de Mme de Clèves qui soutient que cette aventure ne peut être véritable. » « Je ne crois pas, en effet, qu'elle le puisse être, » reprit Mme de Clèves, qui n'avait point encore parlé. « Et quand il serait possible qu'elle le fût, par où l'aurait-on pu savoir ?

Il n'y a pas d'apparence qu'une femme capable d'une chose si extraordinaire eût la faiblesse de la raconter. Apparemment, son mari ne l'aurait pas racontée non plus. Ou ce serait un mari bien indigne du procédé que l'on aurait eu avec lui. M. de Nemours, qui vit les soupçons de Mme de Clèves sur son mari, fut bien aise de les lui confirmer. « La jalousie, répondit-il, et la curiosité d'en savoir peut-être davantage qu'on ne lui en a dit,

peuvent faire faire bien des imprudences à un mari. Madame de Clèves était à la dernière épreuve de sa force et de son courage. Et ne pouvant plus soutenir la conversation, elle allait dire qu'elle se trouvait mal, lorsque par bonheur pour elle, la duchesse de Valentinois entra, qui dit à Madame la Dauphine que le roi allait arriver. Cette reine passa dans son cabinet pour s'habiller. Monsieur de Nemours s'approcha de Madame de Clèves comme elle la voulait suivre.

« Je donnerai ma vie, madame, lui dit-il, pour vous parler un moment. Mais de tout ce que j'aurai d'important à vous dire, rien ne me le paraît davantage que de vous supplier de croire que, si j'ai dit quelque chose où madame la dauphine puisse prendre part, je l'ai fait par des raisons qui ne la regardent pas. »

Madame de Clèves ne fit pas semblant d'entendre M. de Nemours. Elle le quitta sans le regarder et se mit à suivre le roi qui venait d'entrer. Comme il y avait beaucoup de monde, elle s'embarrassa dans sa robe et fit un faux pas. Elle se servit de ce prétexte pour sortir d'un lieu où elle n'avait pas la force de demeurer et, feignant de ne se pouvoir soutenir, elle s'en alla chez elle. M. de Clèves vint au Louvre

et fut étonné de n'y pas trouver sa femme. On lui dit l'accident qui lui était arrivé. Il s'en retourna à l'heure même pour apprendre de ses nouvelles. Il la trouva au lit et il sut que son mal n'était pas considérable. « Qu'avez-vous, madame ? » lui dit-il. « Il me paraît que vous avez quelque autre douleur que celle dont vous vous plaignez. » « J'ai la plus sensible affliction que je pouvais jamais avoir, » répondit-elle.

Quel usage avez-vous fait de la confiance extraordinaire, ou pour mieux dire folle, que j'ai eue en vous ? Ne méritais-je pas le secret ? Fallait-il que la curiosité de savoir un nom que je ne dois pas vous dire vous obligeât à vous confier à quelqu'un pour tâcher de le découvrir ? Cette aventure est sûre, et on me la vient de compter, ne sachant pas que j'y eusse le principal intérêt.

« Que me dites-vous, madame ? Vous m'accusez d'avoir compté ce qui s'est passé entre vous et moi, et vous m'apprenez que la chose est sûre. Je ne me justifie pas de l'avoir redite. Vous ne le sauriez croire, et il faut sans doute que vous ayez pris pour vous ce que l'on vous a dit de quel côté. » « Ah ! monsieur, reprit-elle, il n'y a pas dans le monde une autre aventure pareille à la mienne. Il n'y a point une autre femme capable de la même chose. »

Madame la dauphine vient de me conter toute cette aventure. Elle l'a su par le vidame de Chartres qui la sait de M. de Nemours. « M. de Nemours ? » s'écria M. de Clèves. « Quoi ? M. de Nemours sait que vous l'aimez et que je le sais ? » « Vous voulez toujours choisir M. de Nemours plutôt qu'un autre, réplicateur. Je vous ai dit que je ne vous répondrai jamais sur vos soupçons. »

J'ignore si M. de Nemours sait la part que j'ai dans cette aventure et celle que vous lui avez donnée, mais il l'a contée au vidame de Chartres et lui a dit qu'il la savait d'un de ses amis qui ne lui avait pas nommé la personne. Il faut que cet ami de M. de Nemours soit des vôtres et que vous vous soyez fiés à lui pour tâcher de vous éclaircir. A-t-on un ami au monde à qui on voulait faire une telle confidence ?

reprit M. de Clèves. « Songez plutôt, madame, à qui vous avez parlé. Il est plus vraisemblable que ce soit par vous que par moi que ce secret soit échappé. N'achevez point de m'accabler, s'écria-t-elle, et n'ayez point la dureté de m'accuser d'une faute que vous avez faite. Pouvez-vous m'en soupçonner ? Et puisque j'ai été capable de vous parler, suis-je capable de parler à quelqu'autre ? » L'aveu que Mme de Clèves avait fait à son mari était une si grande marque de sa sincérité

et elle niait si fortement de s'être confiée à personne que M. de Clèves ne savait que penser. D'un autre côté, il était assuré de n'avoir rien redit. C'était une chose que l'on ne pouvait avoir devinée, elle était sûre, ainsi il fallait que ce fût par l'un des deux. Mais ce qui lui causait une douleur violente était de savoir que ce secret était entre les mains de quelqu'un et qu'apparemment il serait bientôt divulgué.

Les fiançailles de madame, qui se faisaient le lendemain, et le mariage, qui se faisait le jour suivant, occupaient tellement toute la cour que madame de Clèves et monsieur de Nemours cachèrent aisément au public leur tristesse et leur trouble. Enfin, le jour du tournoi arriva. Quoique le roi fût le meilleur homme de cheval de son royaume, on ne savait à qui donner l'avantage.

Monsieur de Nemours avait un agrément dans toutes ses actions qui pouvait faire pencher en sa faveur des personnes moins intéressées que Madame de Clerc. Sitôt qu'elle le vit paraître au bout de la lisse, elle sentit une émotion extraordinaire. Et à toutes les courses de ce prince, elle avait de la peine à cacher sa joie lorsqu'il avait heureusement fourni sa carrière. Sur le soir, comme tout était presque fini et que l'on était prêt de se retirer,

Le malheur de l'état fit que le roi voulut encore rompre une lance. Il manda au comte de Montgomery, qui était extrêmement adroit, qu'il se mit sur la lisse. Le comte supplia le roi de l'en dispenser et alléga toutes les excuses dont il put s'aviser. Mais le roi, quasi en colère, lui fit dire qu'il le voulait absolument. La reine manda au roi qu'elle le conjurait de ne plus courir.

qu'il avait si bien fait qu'il devait être content et qu'elle le suppliait de revenir auprès d'elle. Il lui répondit que c'était pour l'amour d'elle qu'il allait courir encore et entra dans la barrière. Il courut, les lances se brisèrent et un éclat de celle du comte de Montgomery lui donna dans l'œil et y demeura. Ce prince tomba du coup. Ses écuyer furent étonnés de le voir si blessé. Mais le roi ne s'étonna point. Il dit que c'était peu de choses.

et qu'il pardonnait au comte de Montgomery. Sitôt que l'on eut porté le roi dans son lit et que les chirurgiens eurent visité sa plaie, ils la trouvèrent très considérable. Monsieur le connaîtable se souvint dans ce moment de la prédiction que l'on avait faite au roi qu'il serait tué dans un combat singulier. Et il ne douta point que la prédiction ne fut accomplie. Le mal du roi se trouva si considérable que le septième jour,

Il fut désespéré des médecins. Il reçut la certitude de sa mort avec une fermeté extraordinaire et d'autant plus admirable qu'il perdait la vie par un accident si malheureux qu'il mourait à la fleur de son âge, heureux, adoré de ses peuples et aimé d'une maîtresse qu'il aimait éperdument. La veille de sa mort, il fit faire le mariage de Madame, sa sœur, avec Monsieur de Savoie, sans cérémonie.

Peu de jours après la mort du roi, on résolut d'aller à Reims pour le sacre de François II. Sitôt qu'on parla de ce voyage, Madame de Clèves, qui avait toujours demeuré chez elle feignant d'être malade, pria son mari de trouver bon qu'elle s'en alla à Coulomiers prendre l'air et songera sa santé. Il n'eut pas de peine à consentir à une chose qu'il avait déjà résolue. Quelques bonnes opinions qu'il eut de la vertu de sa femme,

Il voyait bien que la prudence ne voulait pas qu'il l'exposa plus longtemps à la vue d'un homme qu'elle aimait. M. de Nemours sut bientôt que Mme de Clèves ne devait pas suivre la cour. Il ne put se résoudre à partir sans la voir. Et la veille du départ, il alla chez elle, aussi tard que la bienséance le pouvait permettre, afin de la trouver seule. Elle envoya une de ses femmes à M. de Nemours, qui était dans son antichambre,

pour lui dire qu'elle venait de se trouver mal et qu'elle était bien fâchée de ne pouvoir recevoir l'honneur qu'il lui voulait faire. Quelle douleur pour ce prince de ne pas voir Madame de Clèves et de ne la pas voir parce qu'elle ne voulait pas qu'il la vit. Sitôt que Madame de Clèves fut un peu remise du trouble que lui avait donné la pensée de la visite de ce prince, toutes les raisons qui la lui avaient fait refuser disparurent.

Elle trouva même qu'elle avait fait une faute. Et si elle eut osé, ou qu'il eut encore été assez à temps, elle l'aurait fait rappeler. Elle s'en alla à Coulomiers, et en y allant, elle eut soin d'y faire porter de grands tableaux qu'elle avait fait copier sur des originaux, qu'avait fait faire Madame de Valentinois pour sa belle maison d'année. Toutes les actions remarquables qui s'étaient passées du règne du roi étaient dans ces tableaux. Il y avait entre autres le siège de Meuse,

et tous ceux qui s'y étaient distingués étaient peints fort ressemblants. M. de Nemours était de ce nombre, et c'était peut-être ce qui avait donné envie à Mme de Clèves d'avoir ces tableaux. Mme de Martigues vint à Coulomiers, comme elle l'avait promis à Mme de Clèves. Elle la trouva dans une vie fort solitaire. Mme de Martigues n'avait jamais vu Coulomiers. Elle fut surprise de toutes les beautés qu'elle y trouva, et surtout de l'agrément du pavillon.

Madame de Clèves et elle y passaient tous les soirs. La liberté de se trouver seule, la nuit, dans le plus beau lieu du monde, ne laissait pas finir la conversation entre deux jeunes personnes qui avaient des passions violentes dans le cœur. Et quoi qu'elles ne s'en fissent point confidence, elles trouvaient un grand plaisir à se parler. Madame de Martigues aurait eu de la peine à quitter Coulomiers si, en le quittant, elle n'eût dû aller dans un lieu où était le vidame.

Elle partit pour aller à Chambord, où la cour était alors. La reine témoigna une grande joie de revoir Madame de Martigues et elle lui demanda des nouvelles de Madame de Clèves et de ce qu'elle faisait à la campagne. Monsieur de Nemours et Monsieur de Clèves étaient alors chez cette reine. Madame de Martigues, qui avait trouvé Coulomiers admirable, en compta toutes les beautés et elle s'étendit extrêmement sur la description de ce pavillon de la forêt.

et sur le plaisir qu'avait Madame de Clèves de s'y promener seule une partie de la nuit. Monsieur de Nemours qui connaissait assez le lieu pour entendre ce qu'en disait Madame de Martigues, pensa qu'il n'était pas impossible qu'il y pût voir Madame de Clèves sans être vu que d'elle. Dès le lendemain, il demanda congé au roi pour aller à Paris, sur quelques prétextes qu'il inventa. Monsieur de Clèves ne douta point du sujet de ce voyage,

Mais il résolut de s'éclaircir de la conduite de sa femme et de ne pas demeurer dans une cruelle incertitude. Crayant que son départ ne parut extraordinaire et que M. de Nemours, en étant averti, ne prit d'autres mesures, il résolut de se fier à un gentil homme qui était à lui, dont il connaissait la fidélité et l'esprit. Il lui ordonna de partir sur les pas de M. de Nemours, de l'observer exactement,

de voir s'il n'irait pas à Coulomiers et s'il n'entrerait point la nuit dans le jardin. Cet homme suivit M. de Nemours jusqu'à un village, à une demi-lieue de Coulomiers, où ce prince s'arrêta. Sitôt que la nuit fut venue, il entendit marcher. Et quoi qu'il fît obscur, il reconnut aisément M. de Nemours.

Il le vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s'il n'entendrait personne, et pour choisir le lieu par où il pourrait passer le plus aisément. Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière pour empêcher qu'on ne pût entrer, en sorte qu'il était assez difficile de se faire passage. M. de Nemours en vint à bout néanmoins. Sitôt qu'il fut dans le jardin, il n'eut pas de peine à démêler où était Mme de Clair. Il vit beaucoup de lumière dans le cabinet,

Toutes les fenêtres en étaient ouvertes et il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il était aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres qui servait de porte pour voir ce que faisait Madame de Clèves. Il vit qu'elle était seule, mais il la vit d'une si admirable beauté qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud et elle n'avait rien sur sa tête et sur sa gorge.

que ses cheveux confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans. Elle en choisit quelques-uns, et M. de Nemours remarqua que c'était des mêmes couleurs qu'il avait portées au tournoi. Il vit qu'elle en faisait des nœuds à une canne des Indes fort extraordinaire, qu'il avait portée quelque temps et qu'il avait donnée à sa sœur,

à qui Madame de Clèves l'avait prise, sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à Monsieur de Nemours. Après qu'elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur qui répandaient sur son visage les sentiments qu'elle avait dans le cœur, elle prit un flambeau et s'en allait proche d'une grande table vis-à-vis du tableau du siège de Metz, où était le portrait de Monsieur de Nemours. Elle s'assit,

et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner. On ne peut exprimer ce que sentit M. de Nemours dans ce moment. Voir, au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu'il adorait, la voir sans qu'elle sût qu'il la voyait, et la voir toute occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu'elle lui cachait, c'est ce qui n'a jamais été goûté

ni imaginé par nul autre amant. Quand il fut un peu remis, il pensa qu'il devait attendre à lui parler qu'elle alla dans le jardin. Mais voyant qu'elle demeurait dans le cabinet, il prit la résolution d'y entrer. Il avança quelques pas, mais avec tant de trouble qu'une écharpe qu'il avait s'embarrassa dans la fenêtre en sorte qu'il fit du bruit. Madame de Clèves tourna la tête et elle crut le reconnaître.

Sans balancer ni se retourner du côté où il était, elle entra dans le lieu où étaient ses femmes. Elle y entra avec tant de trouble qu'elle fut contrainte pour le cacher de dire qu'elle se trouvait mal. Monsieur de Nemours passa la nuit entière dans le jardin et trouva quelques consolations à voir du moins les mêmes objets qu'elle voyait tous les jours. Mais enfin, la crainte d'être découvert l'obligea à s'en aller.

Le gentilhomme de M. de Clèves l'avait toujours observé. Il revint aussi à Paris. Son maître attendait son retour, comme ce qui allait décider du malheur de toute sa vie. Sitôt qu'il le vit, il jugea par son visage et par son silence qu'il n'avait que des choses fâcheuses à lui apprendre. « Allez, lui dit-il, je vois ce que vous avez à me dire, mais je n'ai pas la force de l'écouter. » Ce gentilhomme fut contraint de laisser son maître abandonner à son désespoir.

La princesse de Clèves, de Madame de Lafayette, épisode 4, Le sort s'en mêle. Lus par Marcel Bozonnet. Prises de son, montage et mixage, Antoine Vieuxat et Étienne Collin. Assistant à la réalisation, Pablo Valero. Sélection des extraits et réalisation, Sophie Haute-Piccon.