L'atmosphère est encore électrique en entrant dans la pièce.
Comme si un orage venait tout juste d'éclater au-dessus de nos têtes. Lady Rivers est là, attachée à une chaise avec un masque étrange sur le visage. Il s'est passé quoi ici ? Une reconstitution de par l'arbre ? Bon les gars, déblayez-moi tout ça. Respecteur Anderson, il y a une fille ici. Elle est secouée et blessée. On dirait que ce truc en acier la protégeait. Ne bougez pas mademoiselle, je vais vous détacher. Non, non, non, hé, hé, Sherlock, tu touches à rien. T'appelles l'équipe de secours.
On t'a rien appris à l'école ? Allez, reste pas plantée là. Je devrais m'approcher de Lizzie, la rassurer. Mais non, mais bordel, mais arrêtez de toucher à tout, bande d'idiots, vous allez finir par me blesser. Miss Cunningham, s'il vous plaît, restez en arrière. Je voudrais pas qu'une civile porte plainte contre la police. Inspecteur, si je n'étais pas venue vous chercher, vous seriez encore en train de regarder le journal sportif. Donc si vous voulez que j'évoque l'inefficacité de la police de Chicago dans mon prochain article, continuez comme ça. Je pense que le maire appréciera.
Je me précipite pour aider le policier à le dégager des décombres.
Il est salement blessé à la tête, du sang a coulé sur son visage. Il n'a pas l'air bien au point. Il est toujours comme ça. J'essaye de me donner une contenance pour refouler l'angoisse. Le policier s'est agenouillé pour prendre son poudre. Je suis désolé mademoiselle. Sa main est crispée sur quelque chose dans sa poche. Une petite chaîne argentée. Une plaque militaire. Matthews ! Jim ! Sortez-moi cet homme de là et couvrez-le. Prévenez la mort vous. Gargoman est un ancien tinou alors traitez-le avec le respect qu'il mérite.
Je prends la plaque militaire de Karl. Vous avez trouvé votre poche ? Et la glisse dans ma poche. C'est négatif. Il y a beaucoup de matériel. Ça va prendre des plombes de tout lister, inspecteur. Vous ferez des heures suivantes. En me relevant, je vois une porte derrière ce qui devait être la console de l'énorme machine. J'ai l'impression qu'il y a un passage par ici. Attention mademoiselle, il y a des morceaux de verre partout. Oui.
La porte s'entrouve, mais reste bloquée de l'autre côté. Une forte odeur d'eau usée. Les égouts. Un peu de sang sur la porte. C'est probablement par là que Von Kruger s'est échappé. Vous voyez quelque chose ? Je crois que je sais où ils sont passés. Inspecteur, venez voir. Ils ont filé comme des rats par les égouts. La porte est bloquée de l'intérieur ?
Il faudrait du matériel pour l'ouvrir. Envoyez des hommes à leur poursuite, ils doivent pas être très loin. Aspecteur Anderson ! Quoi ? Il y a quelqu'un qui veut vous parler ? Non mais écoutez, si c'est un fouille-merde, tu peux les dire de se barrer. Surveillez votre langage, inspecteur Anderson. Il y a une dame parmi nous. Et vous, vous êtes qui ? Donald Campbell, adjoint du secrétaire à la défense. Ce site est désormais sous notre responsabilité. Il relève du secret militaire. Secrétaire à la défense ? À la défense, en effet. Vous connaissez ?
Vous plaisantez ? Je ne suis pas payé pour plaisanter, inspecteur. Ne vous en faites pas. Votre travail sera apprécié à sa juste valeur. Considérez simplement que nous prenons la suite. Attendez, on perd du temps. Von Kruger s'est échappé par les égouts, il est blessé en douale poursuit. Vous essayez de comprendre... Mademoiselle Cunningham, je vous suggère de quitter les lieux. Ni les civils, ni les journalistes ne sont autorisés sur un site militaire. Un site militaire ? Vous voulez dire que vous aviez connaissance de tout ce qui se passe ici ?
Les enlèvements ? Notre séquestration ? La mort de cet homme qui a simplement voulu connaître la vérité ? Mais Miss Cunningham, calmez-vous. Fermez-la, espèce de serpillière ! Et vous ne comptez pas vous en tirer comme ça. J'ai vu tout ce qui s'est passé ici. Je sais qui vous coûte... Miss Cunningham, je vous suggère de vous calmer et de peser vos mots avant que cela ne prenne des proportions que vous ne pourrez plus contrôler.
Nous venons d'apprendre l'existence de ce site et pour des raisons de sécurité, nous prenons en charge toute investigation future le concernant. Les gars, vous avez entendu ? On remballe tout ! Inutile de préciser que je compte sur votre loyauté pour garder toute la discrétion nécessaire sur ce qui vient de se passer ici. Comptez-y, oui ! Bon, ne rendez pas la situation plus difficile ! Allez, je vous raccompagne. Laissez-moi, c'est bon, je suis remplie ! Beaumane est mort il y a à peine quelques heures.
Je vais passer la nuit à éplucher les dossiers que j'ai récupérés dans l'antre de Farnkruger. Les rapports semblent confirmer certaines implications. Il y a de quoi taper fort. J'arrive ! Miss Cunningham ? Agent Johnson. Je m'attendais à votre visite, mais... Pas aussi rapidement, vous ne perdez pas de temps. Entrez. Toutes mes condoléances. Non, pas la peine, c'est bon. Vous voulez quoi ? Écoutez, je vais être franc. J'ai reçu un coup de fil que je n'aime pas du tout et... Je sais que vous n'allez pas l'apprécier non plus. Mais je n'ai pas vraiment le choix. Je vais vous donner un petit coup de fil.
J'ai beaucoup trop entendu ça dernièrement. Je n'ai pas le choix. On vous demande quoi ? De faire pression ? De me faire taire ? Oubliez cette histoire, Miss. Reprenez votre train-train. Les D-Rivers et Saneso, elles vont retrouver une vie normale. Faites de même. Vous ne gagnerez pas cette bataille. Cette bataille ? Mais je peux parler. Je peux écrire sur ce qui vient de se passer. Écoutez, je n'apprécie pas forcément la méthode, mais disons que...
Si vous vous montrez coopérative, nous avons les moyens de faciliter votre carrière. Dans un journal peut-être plus important, par exemple. Un journal plus imp... Vous vous foutez de moi ? Vous voulez m'acheter pour me faire taire ? Ça s'appelle de la corruption ! Bon, écoutez, je sais que c'est frustrant. Ne croyez pas que je souhaite que ça se passe comme ça. Mais si vous écrivez une ligne sur ce qui s'est passé ou si vous en parlez à qui que ce soit, alors toutes vos théories d'enlèvement mystérieux de journalistes risquent de devenir bien réelles d'un seul coup.
La carotte ou le bâton, hein ? Soit je prends le poste pour lequel je me bats depuis des années en crachant sur la tombe de Beaumane, soit je le rejoins à Patresse dans des circonstances mystérieuses, c'est ça ? Mais dans les deux cas, je suis finie. Tous les combats ne sont pas bons à gagner, Miss. Par moments, il faut savoir reculer pour mieux sauter. Bon, allez, sortez de chez moi, vous et vos expressions à la con. J'ai l'horrible sensation d'avoir vendu mon âme et trahi la mémoire de Karl. Je sais qu'ils vont me surveiller. Chacun de mes mots sera relu, analysé,
Une prison à l'air libre, en quelque sorte. Chicago, 1953. Intérieur jour. Un café. Deux années viennent de passer. Deux ans depuis l'enterrement de Karl Bauman. Son ex-femme était présente. Seule. Je n'ai pas osé lui parler, de crainte de la mettre en danger. Je n'ai pas eu une seule visite du FBI. L'affaire du labo de Von Kruger a été mise sous le tapis. Elle n'est même pas répertoriée dans les archives de la police. Ida ? Par ici !
Excusez-moi du retard. C'est la folie à la rédaction du journal en ce moment. Et le tram a été ralenti avec toute cette pluie. Y'a pas de mal, vous avez l'air épuisée ma pauvre. Eh bah c'est le métier qui rentre. Alors vous en revanche, vous êtes rayonnante. Merci. J'ai été très étonnée de votre coup de fil. Vous partez ? Oui. Ma carrière s'est un peu accélérée, on m'a proposé une tournée en Europe. Je suis pas sûre de revenir à Chicago.
Je suis même pas sûre d'en avoir envie, pour être honnête. Alors j'ai voulu vous laisser un... un petit quelque chose avant de partir. Qu'est-ce que c'est ? Une petite liste des gens qui ont demandé des services à la mafia pendant la guerre. Y a du beau monde. Comment est-ce que vous avez obtenu ça ? Golfie. Lydie, vous n'étiez pas obligée. Non, je sais. Mais vous n'étiez pas non plus obligée de venir à mon aide. Et puis, j'ai peur que ce soit plus un cadeau empoisonné qu'autre chose. Ne vous inquiétez pas, les cadeaux empoisonnés, ça me connaît. Bonne chance en Europe. Je vous enverrai une carte d'Allemagne.
Chicago, 1957. Intérieur jour. Rédaction du Chicago Daily. Six ans ont passé depuis la mort de Bowman. J'ai maintenant un poste permanent au Chicago Daily, probablement avec le coup de pouce promis par le FBI. J'ai presque le même salaire qu'un reporter masculin à temps partiel. Mon premier reportage sur les internements forcés dans les différents asiles de l'État ne m'a pas valu le Pulitzer, mais il a fait forte sensation à la rédaction.
Hé, Tannigam, le directeur de l'asile a encore appelé. À croire qu'il est amoureux. Vu que c'est toi qui décroche à chaque fois, j'ai plutôt l'impression que c'est toi qui lui fais de l'effet, George. J'ai accumulé l'équivalent d'une bibliothèque sur l'extradition des scientifiques allemands organisés par le gouvernement américain à la fin de la guerre. On compte leurs noms par dizaines. Et la plupart avaient du sang sur les mains.
Mais la rédaction m'a rapidement fait comprendre qu'elle ne voulait prendre aucun risque avec le pouvoir en place. Quant à Von Kruger, il semble s'être évaporé dans la nature. Mais je refuse de baisser les bras. Karl serait mort pour rien et cette idée m'est insupportable. « Caninga, il y a du courrier pour toi. » « Probablement un admirateur secret. » « Au moins j'en ai un, moi, George. »
Par moments, il faut savoir reculer pour mieux sauter. À vous de voir pour la suite. Ça a pris votre temps, Agent Johnson. Chicago, 1957. Intérieure nuit. Studio de radio. Le ton s'est durci ce soir entre le chancelier Adenauer et l'ambassadeur américain David Bruce.
lorsque le chef du gouvernement allemand a révélé l'existence d'un dossier complet sur une opération nommée « Opération Paperclip ». Berlin a, en outre, ouvertement accusé le président Truman d'avoir soustrait à la Cour de justice internationale des scientifiques du Troisième Reich, alors accusés de crimes de guerre.
Pour en discuter ce soir, nous recevons la journaliste à l'origine de cet article sulfureux paru il y a moins d'une semaine, Ida Cunningham. Miss Cunningham, la première question qui brûle sur toutes les lèvres est, est-ce que vous avez subi des pressions depuis l'apparition de votre article ? Depuis et même avant l'apparition, bien évidemment, mais ça fait partie du métier.
Heureusement, je suis accompagnée par des personnes qui n'ont jamais reculé pour permettre de la faire éclater au grand jour. Et qu'est-ce qui vous a poussé à mener cette enquête sur un sujet aussi complexe ? Racontez-nous comment a commencé cette enquête. C'était il y a 6 ans et j'enquêtais sur des disparitions inquiétantes, disparitions de femmes notamment. Cette enquête m'a amenée à me rendre au commissariat de Chicago où j'ai rencontré...
C'était extraordinaire, mademoiselle Cunningham, extraordinaire. Je pense que nous avons dépassé tous les records d'audience. Vous savez raconter une histoire, ça ne fait aucun doute. Merci. La radio ne vous a jamais tenté. Il se trouve que j'ai un poste de chroniqueur qui se libère. Peut-être que nous pourrions en parler autour d'un repas ou... Merci, c'est gentil, mais je vais rentrer. La journée était forte en émotions. Il pleut des cordes, est-ce que vous voulez qu'on vous raccompagne chez vous ? C'est gentil, mais ça ira, j'ai besoin de prendre l'air. Et la pluie n'a jamais tué personne. J'insiste pas.
Mais je suis sérieux pour le poste, vous pouvez y réfléchir. L'occasion ne se représentera peut-être pas avant longtemps et nous avons besoin de personnes comme vous. J'y penserai. Miss Cunningham ? Oui ? L'affaire Beaumane, de Nicolas Henry et Zéphiriel Casini, avec Clément Bresson de la Comédie Française,
Juliette Roudet, Charles Morillon, Stéphane Konarske, Bruno Abraham Crémer, Christophe Audan, Emma Liégeois, Antoine Crozet, Mathias Simon, Stéphane Sestac, Mexiano Medenou, Peggy Martineau, Manika Auxir, Vanessa Dolmen, Didier Brice, Xavier Robic, Corrado Invernizzi,
Paul Fougère, Rodolphe Congé, David Houry, Théo Touvet, Louis Astier, Martin Golob, Yanis Kouta, Daniel Sampore, Frédéric Rose, Léo Reynaud, Alexandre Ruby, Charles Van de Viveur, Pierre-Marie Schneider, Johannes Hamm, Victor Fradet, Hugo Cuchel, Alexandra Flandrin, Fabio Gorgolini.
et la participation du chien Iron, dresseur Timothée Lecomte et Jonathan Leigh, agence Orphea. Composition originale, François Clot et Thibaut Lefranc. Interprétation, Stan Delanois, Anthony Caillet, Raphaël Schwab, François Clot, Thibaut Lefranc. Quintette de jazz, Edouard Pen, Amorify, César Poirier, David Grébile, Emma Liégeois.
Sound design, Hervé Boulet. Bruitage, Élodie Fiat. Prise de son, montage, mixage, Éric Boisset, Titouan Labarre. Distance à la réalisation, Sophie Pierre. Réalisation, Laurence Courtois. L'affaire Beaumane est un texte lauréat de l'appel à projet France Culture SACD. Retrouvez le générique complet sur le site de France Culture.