L'effet du chloroforme commence à se dissiper. Mes synapses peinent à se reconnecter, mais je suis assez réveillé pour comprendre la situation.
Il fait sombre. Deux types viennent d'entrer. Un costaud et un plus petit. Laurel et Hardy version mafioso. Vache, t'as mis la dose. Ils sont encore chaos. Je sais ce que je vais faire, t'inquiète pas. Pose-le sur la chaise roulante. Il pèse son poids l'animal. Et la gonzesse ? On la laisse. Elle en a encore pour un moment. La gonzesse, ça doit être Ida.
Effectivement, dans le coin de la pièce, je crois voir une silhouette assise et immobile. Il faut que je tente un truc. Alors, t'as réveillé mon mignon ? Tu voulais te faire la malle, c'est ça ? Attends, je vais arranger ça. Avec les mains saucissonnées, tu nous feras moins chier. Il est réveillé ? Parfait, on l'amène au patron.
Ça va pas passer un bon moment avec le patron, mon gars. Il n'est pas de bonne humeur. Son petit oiseau se montre pas très coopératif. La chanteuse ? Je peux passer un peu de temps avec elle, si elle veut. Avec moi, elle chantera. Dis pas de conneries. C'est un coup à rejoindre sa galerie des horreurs. Putain, ça me colle les chocottes, son truc. Ça fait deux nouvelles d'un coup. La bonne, c'est que Lizzie est encore en vie.
La mauvaise, c'est que leur employeur a l'air d'un cinglé de première. Alors, la belle au bois dormant, on se réveille ? Puisque tu ouvres les yeux, on va te faire rapidement le tour du propriétaire. Qu'est-ce que tu fous ? Le patron attend. T'inquiète, on fait juste un petit détour pour lui montrer le musée. La lumière blafarde me renseigne sur les lieux. Regarde, regarde ce qui t'attend, si t'es pas sage. Je sais ce qu'il y a à voir.
Je l'ai déjà vu. Les corps s'entassent dans des pièces aveugles, nus, désarticulés et vivants. Ils ont un numéro sur le torse. L'un d'entre eux rampe vers nous, incapable d'utiliser ses jambes. Putain, il me dégoûte ! Moi, ça me fait marrer. Alors ça, ce sont les ratés. On les fout ici et on attend de voir. Le patron veut étudier leur comportement. Il ne me demande pas comment on les nourrit. Le gorille me montre le fond de la pièce.
Des corps sont entassés, certains présentent des marques de morsure, d'autres n'ont plus de chair laissant apparaître les os. Mon estomac se révulse, j'ai toutes les peines du monde à ne pas vomir. Arrête, le patron va s'impatienter. Tu sais comment il est avec les horaires. La lumière est trop blanche ici, forte comme dans un hôpital. Des lits, des lampes, des instruments, je parie que la plupart de ces trucs portent les lettres NZP sur leur boîtier. On est arrivé ?
Comment tu t'appelles, princesse ? J'ai oublié. Qu'est-ce qu'il raconte ? Il n'est pas encore bien réveillé. Mais il a eu une paf pour le motiver. C'est bon, tu te sens plus réveillé, là ? T'inquiète pas, le patron va te remettre sur pied. Alors, il est conscient ? Cette voix... Euh, bah oui, patron. Et la fille ? Toujours dans les vapes à cause du... avec le produit, là. On a cherché dans ses affaires. C'est une fouille de merde d'un journal local. Son état ?
Bah, c'est un peu tôt pour le dire, parce que le produit fait que... Il est imbécile. Même la plus simple étage, c'est difficile à effectuer pour des singes de votre espèce. Relevez sa manche. La troisième silhouette se détache dans la lumière. Plus fine, plus maniérée. Une silhouette qui hante encore mes cauchemars. Avec cette petite piqûre, Manfred, vous devriez être plus... Cooperatif. Tu m'entends ? C'est quoi ton nom ? Euh... Oui ?
Dis-moi ton putain de nom ! Hermann von Kruger. Je suis flatté que vous vous souveniez de moi, sergent Beaumont. Vous êtes un chasseur particulièrement obstiné, Herr Beaumont. C'est un talent rare de nos jours. Je vous ai connu plus amical autrefois, plus respectué en tout cas. Je devrais vous remercier cependant, c'est grâce à vous que je peux aujourd'hui contribuer au progrès de l'humanité. Vous voyez ?
La science ne laisse que peu de loisirs à ses serviteurs.
J'aimerais donc que nous finissons cette conversation assez vite sans être contraints d'en venir à des méthodes qui ne plairont ni à vous, ni à moi. Quatre minutes. Le pont total devrait être à son pic d'efficacité. À moins que l'alcool qui compose pour pâtir votre sang n'y ralentisse à progression. Après tout, le véritable responsable dans l'affaire, c'est vous tous. Nous n'aurions pas eu besoin de nouveaux patients témoins si votre petite équipe d'hommes préhistoriques n'avait pas saccagé mon laboratoire en Allemagne.
Mais je saurais ne pas me montrer ingrat envers mon sauveur. Après tout, nous ne sommes pas si différents. Nous aimons que les choses obéissent aux règles. Bien. Maintenant, la question est simple. Pour qui travaillez-vous ? La police de Chicago ne bougera pas le petit doigt pour ce genre de faits divers. Monsieur, comment déjà ? Werner ? Il n'a pas eu le temps de dire quoi que ce soit. Personne. Je travaille pour personne. Vous devez comprendre une chose, Malleba Freund. Nul ne se soucie de votre sort.
Ni votre femme, ni votre fille. Si vous venez à disparaître, personne ne s'étonnera. Encore moins votre gouvernement qui a des priorités bien plus pragmatiques. Vous appartenez à l'ancien monde, hein, Abouman ? Pétri d'idiot héroïque, de valeur, d'affrontement entre le bien et le mal et de naïveté. Il n'y a plus de telle distinction aujourd'hui. Il n'y a que des nuances de gris. Mais vous le savez déjà, n'est-ce pas ? Vous êtes prêt à accepter n'importe quel croisade pour vous sentir exister. Mais qui en est le vrai commanditaire ? Steve... Steve Decker.
Vous me prenez pour un imbécile. Vraiment ? Herr Decker a été un chien de chasse particulièrement vigoré ces dernières années, mais il a passé ses derniers jours en notre compagnie. Il a eu droit à un traitement, disons, spécial. Au fond de moi, je savais que l'état de Decker était dû à ce cinglé. L'ancien tortionnaire nazi bénéficie aujourd'hui d'un blanc-seing auprès de personnages influents. Et tout ça parce que j'ai pas su y mettre un terme.
J'aurais tout essayé. Vous me voyez dans l'obligation d'en venir à des actes que je réprouve profondément. Sachez qu'en agissant de la sorte, vous condamnez également votre campagne. Voyons. Ceci... Ceci se sert à bien pour commencer. Éclairé ? Les outils de travail de Von Kruger pourraient avoir leur place au musée des horreurs. Maintenez-lui la tête en arrière, vite. Allons. Herr Buhmann.
Un peu de dignité. Où est passé le récipiendaire de la Silversa qui faisait trembler les lignes allemandes ? Ouvrez la bouche, voulez-vous ? La tige risque de mettre du sang partout si elle leur porte une gencive. Espèce de dingue ! C'est des cœurs ! Je vous ai dit que... Sergent Vaughan, je suis excessivement vexé que vous puissiez avoir recours à une ruse aussi grossière. Nous savons tous les deux que le lieutenant Steve Decker n'a pas pu vous donner le moindre ordre.
Maintenant, ouvrez cette bouche. La situation devient critique. Je vais crever sous la torture en enquêtant sur une affaire qui me dépasse complètement. Docteur, on vous demande. Plus tard, je suis occupé. Docteur, ce sont eux. Ils disent que c'est urgent. Urgent, urgent, tout est toujours urgent avec les Américains. Je suis désolé de ce contre-temps à Beaumont. Nous reprendrons notre conversation plus tard. Rangez tout ça. Ramenez-le et gardez un œil sur lui.
Entendu, Doc. Je pense qu'on continuera la conversation avec votre jeune amie. Peut-être que elle sera plus locasse. Ramène-le en cellule. Et toi, occupe-toi de ranger ici, sinon le Doc va encore péter un plan. Ça roule. On n'est plus que tous les deux pour la promenade. Retour à la case départ. Bien, allons-y.
Si l'effet du pan total est loin d'être dissipé, au moins j'ai presque retrouvé l'usage de mes jambes. Hey, reste tranquille ! Tu m'as pété le nez, espèce de... Laisse-moi corriger ça d'un coup de pied, alors. Carl... Ida, vous pouvez bouger ? Mais je crois... C'est qui ce type ? Qu'est-ce qui se passe ? Ma tête... Alors, ces types, ce sont nos faussoyeurs. Si vous m'aidez pas à me détacher de ces foutues cordes rapidement...
Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est trop serré votre truc là ! Pourquoi vous êtes dans un fauteuil roulant ? C'est une longue histoire, pas le temps d'expliquer. Il doit y avoir un canif dans la doublure de mon manteau. Vite hein ! Mais je fais ce que je peux. Ne vous privez pas de me raconter l'histoire surtout. Vous n'avez rien ? Vous avez pu voir qui était derrière tout ça ? Euh non et oui. Et ça sent pas bon. Si on trouve pas une sortie très vite, on risque de finir les corps chez le vif.
littéralement. Vous avez rien de plus cryptique. Je suis journaliste, pas télépathe, vous savez. Allez ! Tiens ! Ça y est. Parfait. Mais qu'est-ce que vous faites ? Je croyais qu'on n'avait pas le temps. Je l'attache pour qu'il ne donne pas l'alarme quand il se réveillera. Et je le fouille. J'espère qu'il a sa pièce d'identité sur lui. Non, mais il a un flingue. Et 100 dollars. C'est toujours ça le prix. C'est bon, vous avez fini vos courses, on peut y aller ? Après vous.
Après l'agrément ici, vous êtes sûr de la direction ? Absolument pas. Mais je vais dans le sens opposé de là où ils m'ont amené tout à l'heure.
Merde... C'est fermé ? Il faut peut-être pas... Et en poutant que ça fâche, j'ai doute qu'elle ne s'ouvre avec un coup de pied, Karl ! Attends, moi je tente des choses... Bordel, rien à faire... Bon, aidez-moi à trouver un truc qui puisse faire baigner. Quand vous aurez fini de jouer à la bagarre, je pourrais peut-être vous prêter une épargne à cheveux. Ça a bien marché la dernière fois. Je vois que vos traits d'esprit reviennent. J'en déduis que vous allez mieux. Je m'adapte à mon public. Personne. Allons-y. Karl ! Là !
A suivre : Retrouvez le générique complet sur le site de France Culture.