C'est charmant. Vous savez où nous sommes ? C'est un couloir humide ?
Cigle de la MWRD sur les murs. Je dirais du côté du canal sanitaire. Les égouts ? A l'origine, le canal a été construit pour drainer les eaux usées et accessoirement, les corps des mauvais payeurs de la mafia. Attendez, ce sont des infrastructures de la ville. Vous voulez dire qu'ils utilisent des locaux officiels ? C'est plus compliqué que ça. En fait, le canal est géré par un service indépendant. Ça lui permet d'être plus ou moins autonome juridiquement. Ils savent la plupart des enquêtes de routine pénibles.
Donc il y a une sorte de no man's land en périphérie de la ville et tout le monde est au courant. Mais n'importe quelle petite frappe n'a pas les moyens d'accéder à un bâtiment comme celui-ci. Notre ravisseur doit avoir du soutien. Un dingo dans une bouche d'égout et l'odeur qui va avec. Au vu de son passé, vous ne croyez pas si bien dire. Vous en parlez comme si vous le connaissiez. C'est qui, un de vos amours de jeunesse ?
C'est une longue histoire. Non, c'est la seconde fois que vous me dites ça sans m'expliquer clairement les choses. Si vous croyez que ça vous donne une contenance, vous avez tout faux. C'est juste que vous êtes vieux, vous aimez jouer au détective mystérieux, ça n'a rien d'accident, c'est juste pénible à coucher, quoi, un bon coup. Bon, très bien, je vais vous le faire court. L'homme qui dirige le musée des horreurs, c'est un ancien chercheur du Troisième Reich. Je vous demande pardon. Un nazi, aux Etats-Unis ? Hermann von Kruger, un scientifique qui prenait les prisonniers de guerre pour des souris de laboratoire.
Mais attendez, comment s'est-il retrouvé aux Etats-Unis ? Je veux dire, les officiers et scientifiques ont été jugés et condamnés après la guerre, non ? Blanquons-nous là. C'est bon ? Il est parti. En 44, j'ai fait partie d'une équipe d'intervention qui a été envoyée derrière les lignes ennemies. Avec Decker, c'est ça ? Oui. Il était lieutenant à l'époque, le chef d'expédition, quoi.
La mission était simple, on devait infiltrer une base scientifique pour collecter le plus de documents possible et ramener le responsable des travaux. Le ramener pour le juger, c'est bien ça ? Oui, on n'a pas pris le temps de nous expliquer pourquoi à l'époque. La mission s'est bien déroulée jusqu'à ce qu'on mette la main sur Von Kruger et Descartes et moi avons eu un désaccord. Sur la mission ? Descartes a refusé de ramener Von Kruger vivant...
Et moi, j'ai pas voulu déroger aux ordres. Qu'est-ce que c'est, Maudlin ? Vous avez réussi à le convaincre, mais le nazi en question n'a été ni jugé, ni condamné ? Dans les grandes lignes, c'est ça. J'ai pas vraiment les détails de ce qui est arrivé à Fankruger après, mais apparemment, l'oncle Sam s'est contenté de lui taper sur la main. Et il lui a offert un petit bail locatif dans les égouts, là. Et NZP ? Northern Central Epositronics, c'est quoi exactement ? C'est un sigle qu'on a tous vu là-bas, dans la base scientifique. Et peu de temps après la guerre...
Descartes a continué à enquêter. Moi, je... Je pouvais pas croire que le gouvernement faisait ça à l'époque. Je pensais que Descartes avait une obsession. Après la guerre, on n'est plus jamais pareil. Et alors ? Il a retrouvé l'adresse de Von Kruger et il a découvert qu'il a été financé par le gouvernement. Il a NZP pour poursuivre ses travaux, apparemment. Mais si le gouvernement a fait venir un nazi, on peut trouver des preuves, les faire condamner. Les gens réagiront à ça. Un alcoolo et une gamine qui jouent à Miss Marple, ça fait un peu juste comme équipe d'intervention, non ? On n'a clairement pas les moyens de s'éterniser dans le repère de Zdang.
Bordel, ils savent comment s'échapper là ! Non, t'es pas là, bouclez là ! Je sais quoi tout ça ? Probablement son bureau ou un truc dans le genre. Il doit y avoir une sortie. Il y a des dossiers avec des titres bizarres. Soumission de l'esprit par le son. Ils cherchent à contrôler les gens. Bon man, il y a des photos. Je crois que c'est Angela Morelli. Avec un instrument sur la bouche. C'est affreux. Merde, ils arrivent !
Il y a une issue de secours, là. Ida, qu'est-ce que vous foutez ? Vous-même. Elles sont forcément ici, dans le bâtiment, et elles sont en danger. Oui, ben on pourra rien faire si on finit à la morgue. On va chercher des renforts. Tirons-nous. Maintenant ! La porte coupe-feu ne s'ouvre pas de l'extérieur. J'attends que la moume soit passée pour la refermer sur moi. C'est la seule solution pour qu'elle s'en sorte. Ida, écoutez-moi. Si on part tous les deux, on n'a aucune chance.
Je vais les ralentir, revenez avec des renforts. Prévenez Anderson, c'est lui qui enquête sur la mort de Werner. Espèce de salaud, Momad ! Ne faites pas ça ! J'ai pas le choix, Ida. Je dois sauver Lizzie, c'est la seule chance qu'on a. Revenez avec la police, j'y arriverai pas tout seul. Au moins, elle reste en vie. Les gangsters ne sont pas loin. J'ai juste le temps de me planquer près de la porte. Tiens, j'ai pas perdu l'âme. Le barillet est plein. J'ai toujours été celui qui reste sur le quai, qui attend le prochain train, en amour, en affaires...
Aujourd'hui, c'est fini. Je fais boucler ce dossier ouvert depuis bien trop longtemps. Les dix sont là-haut ! Et de deux. Pour la première fois depuis longtemps, je sais ce que j'ai à faire. Von Kruger ne doit pas me croire assez con pour revenir tout seul. Perdus. Je vais les cueillir un par un. Du temps où j'avais ma plaque, j'aurais jamais abattu un gars de sang-froid. Mais on arrive sur la fin de l'histoire. Plus le temps de prendre des pincettes. À deux centimètres près, je négocie une remise de peine avec Saint-Pierre.
J'approche du but. Une salle immense, type hangar. N'importe qui pourrait surgir des pontons de fer qui la surplombent. Au centre, un labo, blindé comme un bunker. La porte est frappée du logo NZP. Derrière une grande vitre, j'aperçois Von Kruger dans la salle de contrôle. Tu ne peux rien pour attendre, mon salaud. On va se faire un remake de la dernière fois. Sauf que j'ai réécrit la fin. Si la mitrailleuse pouvait m'aider à affaiblir la vitre de sécurité... Parfait, la vitre est fissurée.
C'est l'occasion ou jamais. Il ne faut pas que je me loupe ni que je m'expose trop longtemps. L'équation est simple : deux tirs de couverture, plus un fausse-bury catastrophique à travers la vitre. Allez Carl, tu retires ça doucement. Bordel, je commence à pisser le sang. Ça tiendra ce que ça tiendra. Lizzie est attachée à un siège en plein milieu d'une cage de verre. Elle a une sorte de masque sur le visage.
Le tout relié à... des micros ? Tout sera bientôt fini. Voyez-vous ? Il me reste juste à isoler la fréquence mère que l'organe parfait de Mademoiselle Universe est capable d'émettre. Et je pourrai me passer d'elle définitivement. Un peu de patience ! C'est tout ce que je vous demande ! De petites décharges électriques parcourent le corps de Lizzie. Probablement pour lui faire émettre un son. J'ai plus beaucoup de temps. C'est fini Kruger ! Laissez-la sortir ! Et réunions ça tous les deux ! Vous m'appelez pour qui, Beaumont ?
Un américain en mal de sensation ? Je suis un scientifique et rien ne se mettra entre moi et ma vision. Lydie, courage ! Je vais vous sortir de là ! C'est bien, petit oiseau ! Continue de donner de la voix ! Bientôt tout sera fini ! À ce rythme-là, Lydie va y passer dans les dix prochaines minutes. Avec un peu de chance, si Kruger ne tire plus, c'est peut-être qu'il n'est pas en mesure de le faire. À trois. Un, deux, un. Ah !
Arrêtez ce truc ! C'est fini pour vous ! Dans cinq minutes, l'endroit sera farci de fédéraux ! Vous ne comprenez rien, Bowman. Il ne m'arrivera rien, et vous le savez. Votre vengeance personnelle ne vous mènera nulle part. Vous n'êtes qu'un parasite sur le chemin de la science. Mais qu'est-ce que vous faites ? Idiot ! Ne tirez pas sur la machine ! La fréquence n'est plus catalysée. La machine va monter dans les hautes fréquences avant d'exploser. Ne tirez plus ! Ne tirez pas ! Vous allez nous tuer tous les deux ! On se reverra en enfer, alors !
Il y a des moments où ton unique devoir, c'est de camper sur tes positions et de dire : "On ne sauve pas forcément le monde en cassant les règles, mais on peut tenter de le rendre meilleur." Les graves âmes ont recouvert entièrement, le corps ne répond plus, comme une vieille radio fichue. Vous êtes... encore vivant ? Vous êtes vraiment un mince, horrissible imbécile. Vous le savez autant que moi, cela n'a servi à rien.
Vous êtes un parasite. Parasite dont je vais me charger personnellement. Doc ! Ça va ? Il est venu qu'on serre le bâtiment. Il faut qu'on se tire. Une seconde, voulez-vous ? Monsieur Jean-Gomad, et moi-même n'en avons pas fini. Doc, il est cuit. Barons-nous ! Si les flics sont là, c'est qu'Ida a réussi à s'en sortir.
Elle ira loin.