Dans la fraîcheur du vestibule à colonne, le garde-chasse attendait son maître pour lui remettre une lettre.
Que fais-tu là ? Depuis des années, le général n'avait ouvert ni lu une seule lettre. Un messager a porté cette lettre. Le général reconnut alors l'écriture de l'enveloppe. Il prit la lettre et la mit dans sa poche. Puis il pénétra dans le vestibule et, sans rien dire, tendit son chapeau et sa canne au garde-chasse. De son étui à cigares, il tira ses lunettes. Par les fentes des jalousies, à moitié baissées,
Il pénétrait assez de lumière dans la pénombre de la pièce pour déchiffrer la lettre près de la fenêtre. « Attends, dis à Calman d'atteler à six heures, le lendemain, car le temps est à la pluie, et qu'il mette sa livrée de gala. » « Bien, Excellence. » « Toi de même, et que tout reluise. Mettez-vous immédiatement à nettoyer les harnais et la voiture. Tu ne mettras qu'ensuite ta livrée et tu t'assieras à côté du cocher. Compris ? » « Parfaitement, Excellence. À six heures, tout sera prêt. »
« Vous vous mettrez en route. En ville, vous vous présenterez à l'auberge de l'aigle blanc. Là, tu diras seulement que c'est moi qui t'envoie et que la voiture attend monsieur le capitaine. Répète. » « À six heures et demie, nous nous mettons en route. » Le garde répéta. Quand il eut terminé, le général leva la main et laissa aérer son regard vers la voûte, comme s'il avait encore quelque chose à dire. Mais il n'ajouta rien et monta l'escalier conduisant à l'étage du château. « Toujours regardé à vous. »
jusqu'à ce que la silhouette trapue aux larges épaules eût disparu au tournant de l'escalier derrière la rampe en pierre sculptée. Le général entra dans sa chambre et s'approcha du secrétaire haut et étroit. Au milieu du bureau, une lampe à la bajoure vert veillait sur le bon ordre. Le général alluma cette lampe car il faisait sombre dans la pièce. Cependant, derrière les jalousies baissées, dans le jardin roussi et flétri,
L'été jetait ses dernières lueurs comme un incendiaire qui, dans un accès de rage aveugle, livre tout aux flammes autour de lui avant de s'éclipser. Le général sortit la lettre de sa poche, la déchiffonna soigneusement et, les lunettes sur le nez, il relut attentivement les lignes courtes et droites de l'écriture au caractère anguleux. Un calendrier pendait au mur et indiquait 14 août. 14 août, 2 juillet, 41 ans. Non, 40 ans.
41. Oui, le 2 juillet 1899. C'était bien le jour de cette chasse. 41 ans et 43 jours. Oui, c'est exactement cela. Au milieu de la pièce se dressait une colonne qui soutenait le plafond voûté. Le château avait été bâti deux siècles auparavant. Autrefois, deux pièces se trouvaient là au lieu d'une. Celle du fond, plus sombre, dont les fenêtres donnaient sur le jardin et sur les bâtiments d'administration,
était la chambre à coucher de sa mère. L'autre pièce, plus claire et plus sympathique, lui servait de cabinet de toilette. Il y avait de nombreuses années, le général ne comptait plus que par dizaines d'années et n'aimait pas les chiffres précis qui lui rappelaient des choses qu'il valait mieux oublier. Il avait donné l'ordre de démolir la paroi entre les deux pièces lesquelles avait formé cette salle assez mal éclairée. 17 pas de la porte au lit, 18 pas du mur côté jardin jusqu'au balcon.
C'était exactement cela. Il avait bien souvent compté ses pas. Comme quelqu'un qui finit par s'habituer à l'étendue de son mal, il vivait dans cette pièce faite à sa mesure. Les années passèrent et jamais on ne le vit se rendre dans l'autre aile du château où se suivaient des salons verts, bleus et rouges avec des lustres dorés. Là-bas, les fenêtres donnaient sur le parc et sur les marronniers dont les branches garnies de fleurs se penchaient, au printemps, par-dessus les balcons. Le voilà donc revenu.
Après 41 ans et 43 jours. Général. Que Nini monte me voir. Je la prie de monter. Bien général. Nini était la fille du maître de poste de la localité. A 16 ans, elle mit un enfant au monde et ne révéla à personne le nom du père. Le maître de poste la chassa de chez lui. Elle entra alors en service au château, ne possédant que la seule robe qu'elle avait sur le dos ainsi que, dans une enveloppe, une boucle des cheveux de son enfant mort.
Elle arriva juste pour la naissance du général dont elle devint la nourrice. Elle vécut ainsi 75 ans au château sans jamais parler d'elle et toujours souriante. Son nom résonnait dans toutes les pièces. Quand les gens du château le prononçaient, on avait l'impression qu'ils voulaient attirer l'attention sur une chose. C'était comme si en disant « Nini », ils avaient dit « Vous voyez bien qu'il y a autre chose au monde que l'égoïsme, que la passion effrénée, que la vanité ».
Le courage de cette femme emplissait la maison, traversait les gens, les murs, les objets, agissant comme le pouvoir mystérieux qui, dans les théâtres ambulants de marionnettes, actionne Guignol et le gendarme. Il y avait des moments où les habitants du château sentaient qu'elle soutenait tout et tous. Après la mort de sa femme Christine, le général s'installa dans l'aile la plus ancienne du château. Il fit fermer la partie plus moderne qu'il avait habitée avec elle. Durant les trente-deux années écoulées depuis la mort de la Chatelaine,
Nini et les domestiques étaient les seuls à entrer dans ses pièces pour en faire le nettoyage tous les deux mois. Malgré ses 91 ans, Nini se présenta promptement. « Prends place, Nini. » Au cours des dernières années, la nourrice avait bien vieilli. À 90 ans passés, on vieillit autrement qu'après la cinquantaine ou la soixantaine. On vieillit sans se sentir offensé. « Conrad a écrit. Te rappelles-tu ? » « Oui, Henri. »
« Il est descendu à l'aigle blanc et ce soir il viendra me voir. Je lui ai envoyé la voiture. Il dînera ici. » « Ici ? Où ? » « Dans l'autre aile du château. Est-ce possible ? » « Nous y avons fait le ménage il y a un mois. C'est donc possible. » « Ce soir à 8h, pourra-t-on être prêt ? Dans la grande salle à manger ? Il est maintenant midi. » « Alors je vais donner immédiatement des instructions. Jusqu'à 6h on aérera puis on mettra le couvert. » Le général l'observait avec curiosité.
Son existence et la sienne s'écoulaient au même rythme lent des très vieilles gens. Ils en savaient davantage l'un sur l'autre que n'en savent mère et fils. La communauté qui liait leurs êtres était plus profonde et plus intime que tous les autres liens. La vie avait mélangé leurs jours et leurs nuits, et ils connaissaient réciproquement leurs corps et leurs pensées. Veux-tu que tout soit disposé comme autrefois ? Oui, c'est ce que je voudrais. Il faut que tout soit comme autrefois, exactement comme la dernière fois. Bien. Henri ?
« Promets-moi de ne pas t'énerver. » « Je te le promets. » Jusqu'à cinq heures, nul signe de vie ne vint de la chambre. Derrière les murs frais, l'été bourdonnait et fermentait. Dans son demi-sommeil, le général percevait le bouillonnement de la lumière torride, le bruissement du vent chaud dans les feuillages flétris et les mille rumeurs du château. Remis de sa première surprise, il ressentait une grande fatigue. On se prépare parfois, la vie durant, à quelque chose.
On commence par être blessé et on veut se venger. Puis, on attend. Le général attendait depuis fort longtemps et ne savait même plus à quel moment l'offense et le désir de vengeance s'étaient transformés en attente. Dans le temps qui s'écoule, rien ne se perd. Mais petit à petit, tout pallie. Comme ces très vieilles photographies faites sur une plaque métallique, la lumière et le temps effacent leurs traits nets et caractéristiques. Pour reconnaître par la suite le portrait sur la surface devenue floue,
il faut le placer sous un certain angle de réflexion. Ainsi palissent nos souvenirs avec le temps. Cependant, un jour, la lumière tombe par hasard sous l'angle voulu et nous retrouvons soudain le visage effacé. Les deux enfants avaient dix ans quand ils firent connaissance à l'Académie Militaire de Vienne. De vieux officiers y tenaient le rôle de professeurs. Les élèves apprenaient le grec, la balistique, l'histoire et le comportement du soldat au combat.
Dans cette académie de 400 enfants régnait un calme comme celui qui précède l'orage. Au dortoir, le lit de Conrad se trouvait non loin de celui de Henri, le fils de l'officier de la garde. Bien que maigre, Conrad était vigoureux comme les enfants de très vieille race chez lesquels l'ossature prévaut sur la chair. Il était plus haut que son camarade, nullement paresseux, plutôt volontairement réservé.
Son père, fonctionnaire en Galicie, avait été fait baron en récompense de ses services loyaux. Sa mère était d'origine polonaise. Dès les premiers instants, les deux enfants vécurent en frères. Leur amitié était profonde et grave comme les sentiments qui doivent durer une vie entière. Mais ils avaient aussi compris, dès le premier instant, que leur rencontre leur imposerait des obligations durant toute la vie. Henri avait grandi trop vite. Il était élancé et de constitution délicate.
Ses poumons étant à surveiller, le docteur l'examinait chaque semaine. Sur la demande du directeur de l'académie, un vieux colonel de Moravie, l'officier de la garde se rendit à Vienne et eut de longues conciliabules avec les médecins. En réalité, l'enfant n'est pas malade pour l'instant, mais il est indiscutablement prédisposé aux maladies. En somme, il se trouve menacé.
L'officier de la garde était descendu à l'hôtel au Roi de Hongrie, situé dans une ruelle que surplombait le dôme de Saint-Etienne et avait décidé de prendre son jeune fils avec lui durant son séjour à Vienne. Ils habitaient donc ensemble dans cet hôtel. Le soir, ils allaient au théâtre. Père et fils soupaient ensuite au restaurant. Leur salon particulier était retenu et une quantité de serveurs apportait plats et boissons. Avec un savoir-vivre précoce, l'enfant restait assis près de son père sans rien dire.
comme s'il avait à supporter et à pardonner quelque chose. À l'académie, on prétend que tu es en danger. Si tu le désires, tu peux rentrer à la maison. Mais en ce qui me concerne, je préférerais que nul danger ne te fie peur. Je n'ai nullement peur. Ce que je voudrais, c'est que Conrad restât toujours avec nous. Sa famille n'est pas riche. Ne pourrait-il passer les vacances d'été chez nous ? Est-il ton ami ? Oui. Il est aussi le mien. Satisfait, l'enfant se taisait.
Il savait bien que l'on pouvait se fier à ce que disait son père. Le jour de son départ, Henri devait lui présenter Conrad. La veille au soir, il s'était endormi avec des battements de cœur. C'était comme s'il allait célébrer ses fiançailles. « Je sais que tu es l'ami de mon fils. Veuillez tous deux à honorer cette amitié. » Son père se montra magnanime, cordial, tout à fait grand seigneur. D'une seule poignée de main, il avait introduit Conrad dans sa famille. À partir de ce jour, l'atout du jeune garçon diminua.
Désormais, il n'était plus seul. Ce qu'il ne pouvait supporter, en somme, c'était de se sentir seul parmi les gens. Lorsque, à la fin de leurs premières vacances d'été, les deux garçons montèrent en voiture pour regagner Vienne, la maman française d'Henri, debout devant le portail du château, les suivit longtemps du regard. Puis elle dit en souriant à Nini, « Enfin, deux êtres qui sont heureux ! » Mais Nini ne souriait pas. Elle était inquiète.
peut-être aussi un peu jalouse. Cette amitié durait depuis quatre années. Les jeunes garçons commençaient à fuir la société et se faisaient des confidences en grand secret. Le fils de l'officier de la garde était fier de Conrad, il tirait vanité de l'ami. Il aurait aimé le faire voir à tout le monde, de même qu'en présence de compagnons émerveillés, on est fier d'exhiber une création superbe, un chef-d'œuvre unique. Mais en même temps, il veillait jalousement sur lui.
Ils craignaient que le monde ne lui ravit celui qu'il aimait. « C'en est trop, madame. Un beau jour, Conrad partira et Henri en souffrira énormément. » « Souffrir est la destinée des hommes, Nini. Un jour ou l'autre, nous devons perdre l'être que nous aimons. Celui qui ne peut supporter cela n'est pas intéressant, parce qu'il n'est pas un vrai homme. » Leurs condisciples ne se moquèrent pas longtemps de cette amitié. Ils s'y habituèrent comme on s'habitue à un phénomène naturel.
D'ailleurs cette amitié ne prêtait guère aux railleries ni au sarcasme, car elle était faite de tendresse, de sérieux et de dévouement absolu l'un pour l'autre. Il y avait en elle quelque chose d'inéluctable dont le rayonnement ôtait toute envie de plaisanter. Les deux enfants comprenaient qu'ils vivaient un moment privilégié, miraculeux de la vie. Quand ils parvinrent à l'âge ingrat et prirent plaisir à dire des choses sales, quand ils se mirent aussi à vouloir découvrir les secrets des adultes avec de grands airs,
Conrad fit jurer à Henri qu'il vivrait dans la chasteté. Ils respectèrent longtemps ce serment. Tous les quinze jours, après avoir préparé ensemble la liste de leurs péchés, ils allaient à Confesse. Mais ils furent assaillis de désirs indéfinissables. Au changement de saison, ils pâlissaient et se plaignaient de vertige. Cependant, ils restèrent purs, comme si leur amitié, enveloppant leur jeune existence d'une cape magique, les dédommageait de tout ce que poursuivaient les autres.
les curieux, les inquiets, frissonnant de fièvre cruelle. À l'académie militaire, il régnait une stricte discipline dont les principes avaient été établis d'après l'expérience et la pratique de nombreux siècles. Henri apprenait facilement, Conrad avec difficulté, mais ce qu'il avait appris, il le retenait avec l'avidité de l'avare dont se serait toute la fortune. En société, Henri se comportait avec aisance et désinvolture.
comme si la vie ne pouvait plus rien lui apprendre. Quant à Conrad, il était gauche et se contentait d'observer scrupuleusement les usages. Un été, alors qu'ils avaient déjà le grade d'officier, ils se rendirent ensemble chez les parents de Conrad en Galicie. L'appartement du baron ne comprenant que trois petites pièces, les jeunes officiers s'étaient logés dans un hôtel. Le premier soir, ils s'installèrent dans un coin de la salle à manger, sous les palmiers ornementaux couverts de poussière. Leur pensée allait au baron,
Alors tu les as vus ? Oui.
Maintenant tu peux te faire une idée de ce qui a été fait ici en ma faveur depuis 22 ans et ce que l'on y fait encore actuellement. Je le comprends. Chaque paire de gants que je dois acheter quand nous allons ensemble au Bourg Théâtre vient d'ici. Lorsque j'ai besoin d'une nouvelle selle, ici, ils ne mangent pas de viande durant trois mois. Pour que je puisse donner un pourboire, mon père se prive de tabac pendant une semaine. Et il en est ainsi depuis 22 ans. Note que je ne manque jamais de rien.
Quelque part en Pologne, après la frontière russe, se trouvait une maison entourée d'un grand jardin. Elle appartenait à ma mère. Moi, je ne l'ai jamais vue. Cette demeure et le jardin qui l'entourait ont tout payé. L'uniforme, le prix de ma pension, les abonnements de théâtre, même le bouquet de fleurs que j'ai envoyé à ta mère quand au cours de son voyage elle est passée par Vienne. Et les droits d'inscription à mes examens. Je te demande pardon ?
Je ne t'en veux pas. Je voulais seulement qu'une bonne fois tu vois et saches tout cela. Quand chez vous je donne un pourboire à un domestique, je dispose d'une parcelle de leur existence. Dans ces conditions, la vie ne me paraît pas drôle. Pour quelle raison ? Ne crois-tu pas que tout cela leur convenait ? Peut-être à eux. J'ai toujours l'impression de ne pas m'appartenir. Si une maladie me cloue au lit...
Je suis torturé par la crainte de gaspiller le bien d'autrui, ma santé ne m'appartenant pas exclusivement. Me comprends-tu maintenant ? Mes parents n'entreprirent aucun voyage, ne firent l'acquisition d'aucun article d'habillement, ne s'accordèrent aucune vacance. Tout cela uniquement parce que je devais devenir un être exceptionnel, un chef-d'œuvre, ce qu'ils avaient été trop faibles pour réaliser eux-mêmes dans leur existence. Parfois au moment d'agir, mon bras reste en l'air, inerte.
Le sentiment de la responsabilité le paralyse. J'ai même désiré leur mort. Les deux amis restèrent quatre jours dans la ville. Au moment de leur départ, ils sentirent clairement que, pour la première fois, il était intervenu quelques divergences dans leur vie. Il leur semblait que l'un d'eux était redevable de quelque chose à l'autre. Le définir avec précision n'était toutefois guère possible. Conrad disposait d'un refuge, d'une retraite cachée, où le monde ne pouvait l'atteindre. La musique.
Henri, qui n'était pas musicien et se contentait de musique zygane et de valse viennoise, ne pouvait pas l'y suivre. À l'académie militaire, la musique n'avait pas véritablement droit de citer. Maîtres et élèves la toléraient seulement et l'excusaient comme on excuse une sorte de péché de jeunesse. Que la musique pût exprimer le douloureux, le pathétique et le solennel, personne ne s'en préoccupait. Pour Conrad cependant, c'était cela la vraie musique qui, chaque fois qu'elle frappait ses oreilles, le faisait tressaillir.
Toute musique le touchait comme un coup porté à son corps. Elle lui communiquait des émotions dont les autres ne pouvaient avoir la moindre idée. Dès qu'il entendait de la musique, son attitude raide et crispée paraissait se détendre, comme lorsque dans l'armée, après une longue et fatigante parade, retentit soudain le commandement « Repos ». À ce moment-là, il oubliait son entourage. Le regard fixe, brillant, il ne voyait plus ses supérieurs ni ses condisciples, ni les jolies femmes autour de lui.
Dans cet état, Conrad n'était plus militaire. Un soir d'été, Conrad et la mère d'Henri exécutaient un morceau à quatre mains. En attendant de passer à table, assis dans un coin du salon, l'officier de la garde et son fils les écoutaient poliment. Leur attitude patiente semblait signifier « la vie est faite d'obligations, la musique doit être, elle aussi, supportée ». D'ailleurs, il n'est pas convenable de manifester son ennui devant les femmes.
La Comtesse et Conrad jouaient avec passion. Ils interprétaient Chopin avec un tel feu que, dans la pièce, tout paraissait vibrer. Tandis que dans leur fauteuil, le père et le fils attendaient avec courtoisie et résignation la fin du morceau, ils comprenaient qu'une véritable métamorphose s'était opérée chez les deux pianistes. De ces sonorités, une force magique s'échappait,
capable d'ébranler les objets en même temps qu'elle réveillait ce qui est enfoui au plus profond des cœurs. Dans leurs coins, les auditeurs polis découvraient que la musique pouvait être dangereuse en libérant un jour les aspirations secrètes de l'âme humaine. Chopin, son père était français ? Sa mère, polonaise. Ma mère était sa parente. Tous prétèrent attention à Conrad, car dans sa voix on percevait une grande tristesse, comme dans celle des exilés qui parlent de leur pays et de leur désir de le revoir.
L'officier se pencha et regarda l'ami de son fils avec étonnement, comme s'il le voyait pour la première fois. Dans la soirée, lorsque, au fumoir, il se trouva seul avec son fils, il lui dit « Horat ne sera jamais un vrai militaire. » « Et pourquoi ? » « Parce qu'il est différent de nous. » Ce n'est que de très nombreuses années plus tard, lorsque son père n'était plus de ce monde depuis longtemps, que le général comprit le sens exact de ses paroles. L'hébrez de Sender Marai
Traduction Marcel et Georges Reynier Adaptation Juliette Eman Premier épisode Avec Pascal Réneric Alain Rimoux Claude Bernard Perrault Samuel Charles Sylvain Levitte Alexis Mazard Marin Rayon Dominique Jair Zoé Bessemont de Seneville Laurent Ménoré Myriam Ajar Serge Roumy Laurent Motte Les voix de Léo Grange
Julien Éricot, Antoine Melchior, Stéphane Zestac, Virginie Maillard, Stéphanette Martelet, Julien Muller, Xavier Bazin, Edouard Michelon, Damien Pézan et Milan Isard. Musique originale et interprétation Floriane Bonany. Bruitage Elodie Fiat. Conseillère littéraire Emmanuelle Chevrière. Prise de son montage et mixage Claire Levasseur, Kevin Delcourt.
Assistante à la réalisation Claire Chéneau. Réalisation Juliette Eman. L'Ebres de Sender Maraï est publiée aux éditions Albain Michel.