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"Les Braises" de Sándor Márai 2/5 : Henri et Conrad

2025/4/27
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Le Feuilleton

Transcript

Shownotes Transcript

Les braises de Sander Maraï Adaptation et réalisation Juliette Eman Deuxième épisode

Les deux garçons, Henri et Conrad, passèrent leur conseil de révision pour intégrer l'armée et prêtèrent serment en même temps. Durant leurs années à Vienne, ils vécurent sous le même toit, car l'officier de la garde avait obtenu que son fils et Conrad fussent autorisés à faire leur service militaire à proximité de la cour de Vienne. Au premier étage d'une étroite maison grise, près du parc de Schönbrunn, ils louèrent chez la veuve d'un médecin-major un appartement de trois pièces. Conrad y fit installer un piano, mais n'en joua que rarement.

On eût dit qu'il craignait de faire de la musique. Ils vécurent dans ces trois pièces comme des frères. Mais Henri sentait parfois, avec inquiétude, que son ami lui cachait quelques secrets. Conrad était évidemment différent des autres. On osait l'interroger. Il ne discutait jamais et ne se départait jamais de son calme.

Il remplissait ses obligations, fréquentait ses camarades, allait en société et circulait dans l'univers, comme si toute l'existence ne consistait qu'en règlement militaire et comme s'il était, lui, de service nuit et jour. Le matin, les deux amis partaient ensemble au prater ou au manège, après quoi Conrad, son travail accompli, rentrait chez eux dans l'appartement de Hitzing. Des semaines passaient sans qu'il sortit le soir. Le fils de l'officier de la garde, lui, rentrait tous les soirs après minuit.

Et, chaque fois, il apercevait à la fenêtre de son ami une faible lueur vacillante. Cette lumière incertaine était pleine de reproches. Henri était torturé par le sentiment que sa conduite avait ce soir-là, une fois de plus, trahi son ami. Il arrivait chez eux, venant de ces salons des beaux quartiers de Vienne où l'on jouait une douce musique, si différente de celle qu'aimait Conrad. Une musique facile qui faisait paraître l'existence plus agréable, plus gaie,

qui faisait briller le regard des femmes et flattait la vanité des hommes. Tandis que la musique qu'aimait Conrad ne cherchait pas à l'étourdir. Elle éveillait les passions, l'inquiétude humaine et, dans les cœurs et les consciences, le sens d'une vie plus profonde. "Une pareille musique est effrayante." Henry sortit de sa poche la clé de la maison et ouvrit la lourde porte, vieille de plus de cent ans. La spacieuse cage de l'escalier, sentant le renfermé, était éclairée par la faible lueur d'une lanterne à huile.

Henri s'arrêta un instant pour regarder le jardin couvert de neige qui, au clair de lune, formait une surface blanche comme délimitée à la craie parmi des objets aux contours noirs. Bonsoir monsieur. Bonsoir André. Je peux vous débarrasser. Bien sûr. Merci. Vous pouvez disposer. Merci. Bonsoir mon cher Conrad. Conrad ne possédait pas la fortune que nécessitait sa carrière. La vie militaire soulevait pour lui une quantité de problèmes délicats.

Le fils de l'officier de la garde sentait que leur pacte d'amitié, fragile et complexe comme tous les liens humains, devait être préservé de toutes les complications causées par l'argent. Pas le moindre trait d'avarice ou d'indélicatesse ne devait le compromettre. La tâche n'était pas facile. « Je t'en prie, cher Conrad, consens à accepter mon aide. Tu sais bien que je n'ai que faire de toute cette fortune. Et toi, tu sais bien que je ne peux accepter un seul élère de ta part. »

Ils savaient l'un et l'autre que l'on ne pouvait modifier l'ordre des choses. Henri n'avait pas la possibilité de donner de l'argent à Conrad et il était obligé de vivre la vie mondaine conforme aux rangs et aux noms qu'il portait. Pendant ce temps-là, dans l'appartement de Hitzing, Conrad dînait cinq jours par semaine d'un plat aux œufs et contrôlait lui-même le linge que la blanchisseuse lui rapportait. Mais ce n'était pas grave. Ce qui était beaucoup plus important et plus pressant, c'était de sauvegarder, en dépit de l'argent,

Leur amitié qui devait durer autant que leur vie. Conrad perdait rapidement sa jeunesse. A l'âge de 25 ans, il lui fallait des lunettes pour lire. Quand le soir, son ami rentrait de quelques sorties dans le monde, l'odeur de tabac et de l'eau de Cologne imprégnant ses vêtements quand il arrivait légèrement ivre et désinvolte, les deux amis restaient longtemps à causer comme des compagnons de bonne fortune. On aurait dit que Conrad était un magicien qui...

Installé dans son fauteuil, se creusait la tête pour trouver la raison d'être de l'humanité et le sens de la vie, pendant que son apprenti courait le monde pour observer et lui rapporter les secrets de l'existence humaine. Ayant une grande affection l'un pour l'autre, il se pardonnait leurs défauts capitales. Conrad à son ami pardonnait sa fortune.

et le fils de l'officier de la garde à Conrad, sa pauvreté. Du fait de sa différence, Conrad avait pris de l'ascendance sur l'âme de son ami. Quel était le sens de cette autorité ? En toute supériorité humaine, il y a une légère part de mépris pour celui que l'on surpasse. Un homme ne peut dominer entièrement d'autres hommes que si, après avoir bien connu et compris ceux qui ont dû se soumettre,

Il leur a marqué son dédain avec beaucoup de tact. Et les entretiens nocturnes dans la maison de Yixing prirent peu à peu le ton et le caractère d'une conversation entre un professeur et son élève. Il vivait ainsi dans la lueur étincelante de la jeunesse en remplissant un rôle, celui de leur métier. Rôle qui, en même temps, conférait à leur existence une tension et une consistance intérieure.

Des mains de femmes aussi frappaient parfois à la porte de l'appartement de Yijing. Elles frappaient avec discrétion, émotion et bonne humeur. Pourtant, au-delà des femmes et du monde, s'était affirmé en eux un sentiment plus fort que tous les autres. Seuls les hommes connaissent ce sentiment. Il se nomme « amitié ». Il était 7 heures passées quand le général sortit de sa chambre.

Appuyé sur sa canne à poignée d'ivoire, il parcourut à palans et mesurés le long corridor qui reliait les chambres de cette aile aux grandes pièces de réception. Les parois du corridor étaient couvertes de tableaux, des portraits d'ancêtres, d'arrières-grands-pères et d'aïeuls, d'amis, de vieux serviteurs, de camarades de régiment, d'illustres visiteurs d'antan. À côté l'un de l'autre...

Le portrait de son père, en uniforme d'officier de la garde, et celui de sa mère, la comtesse, coiffée d'un chapeau à plumes, une cravache à la main, comme une écuyer de cirque. Ensuite, entre deux tableaux, une place vide d'un mètre carré, ourlée d'une légère ligne grise, témoignait qu'à cet emplacement se trouvait aussi, autrefois, un tableau fixé sur le mur blanc. Le général, le visage impassible, passa devant les carrés des garnis et parvint au tableau de paysage qui suivait.

Tu regardes les tableaux, Henri ? Parfaitement. Veux-tu que nous remettions le portrait ? Il existe toujours ? Oui. Non, je ne le sais pas. J'ignorais que tu les gardais. Je pensais que tu l'avais brûlé depuis longtemps. Brûler des tableaux n'a pas le moindre sens. En effet, cela n'a aucun sens. Car cela ne changerait rien. Durant ces dernières heures, le château s'était animé comme une mécanique dont le ressort a été remonté.

non seulement les meubles les fauteuils et les canapés libérés de leurs housses blanches d'été avaient repris un air vivant mais aussi les tableaux sur les murs les grands candélabres en fer forgé ainsi que les bibelots dans les vitrines et sur les cheminées on avait l'impression que les objets avaient acquis soudain un sens et voulait prouver que toute chose au monde n'avait de signification et d'importance qu'en raison de leur rapport avec les hommes et quand elle devenait partie intégrante de la destinée de ceux-ci du haut de l'escalier

Le général contempla le grand vestibule, les fleurs sur la table devant la cheminée et la disposition des fauteuils. Ce fauteuil de cuir se trouvait à droite. Tu t'en souviens si bien ? Oui. Conrad était assis du côté de la pendule, là, près du feu. J'étais assis au milieu, dans le fauteuil florentin, en face de la cheminée, et vis-à-vis de moi, Christine, dans un fauteuil que ma mère s'était fait envoyer de France. Es-tu bien sûr de tout cela ? Parfaitement.

Dans le vase en cristal bleu, il y avait des dahlias. 41 années se sont écoulées depuis lors. En effet. Tes souvenirs sont exacts, sans aucun doute. Certes, je m'en souviens très bien. As-tu fait mettre le couvert avec le service de porcelaine française ? Le service à fleurs. Très bien. Que serviras-tu à notre invité ? Des truites. Un potage et des truites. Puis un plat de viande à l'anglaise et de la salade. Ensuite, un parfait.

Le cuisinier n'en a pas fait depuis une dizaine d'années. Peut-être sera-t-il bon quand même. Veille à ce qu'il soit réussi. Ce soir-là, on avait aussi servi des écrevisses. Certainement. C'est vrai que Christine aimait les écrevisses. Surveille aussi les vins. Fais monter de la cave ce pommard de l'année 86 et fais servir du chablis avec le poisson. Aussi, une bouteille de moum. Un magnum. Sauras-tu le trouver ? Certainement. Que veux-tu de cet homme ? La vérité.

« La vérité, tu la connais parfaitement ? » « Non, je ne la connais pas. La vérité exacte, je ne la connais pas. » « Mais tu connais pourtant les faits. » « Les faits sont loin d'être la vérité. Les faits n'en sont qu'une partie. Christine elle-même n'a pas dit la vérité. Conrad, peut-être. Oui, peut-être la connaissait-il. Maintenant, je vais la lui arracher. » « Il faut que je te dise encore une chose. Quand Christine fut sur le point de mourir, elle t'a réclamé. Elle était seule avec moi. »

Vers l'aube, elle a prononcé ton nom. C'est toi qu'elle a appelé. Je te le dis pour que ce soir tu ne l'ignores pas. Veille au vin et surtout le service. Le voilà. Les bougies, tu te rappelles ? Les bougies bleues pour la table. Les as-tu gardées ? Tu les mettras sur la table et tu les allumeras. Il faut qu'elles brûlent pendant le repas. Je ne m'en étais plus souvenu. Mais moi, je me les rappelle. Dans son habit noir, le général descendait l'escalier comme un vieillard,

mais le buste droit et avec solennité. En bas, la porte du salon s'ouvrit et dans l'embrasure, derrière le domestique, apparut un homme vieux. Tu vois que je suis revenu encore une fois. Je n'ai pas douté un instant que tu reviendrais. Les deux hommes se serrèrent très poliment la main. Tout en fermant à demi leurs yeux de vieillard, ils s'examinèrent avec l'attention et la lucidité qu'apportent les personnes âgées lorsqu'il s'agit d'observer les apparences physiques d'autrui. Nous nous sommes bien défendus.

Mais à cet instant, l'un et l'autre comprirent aussi que c'est l'attente qui leur avait donné la force de vivre au cours des dizaines d'années écoulées. Ils avaient présent à l'esprit qu'ils étaient comme les gens qui, s'étant préparés durant toute la vie à remplir une tâche, arrivent tout à coup à l'instant d'agir. Merci. D'où viens-tu ? De Londres. Et tu es établi là-bas ? Oui, aux environs de Londres. J'y suis propriétaire d'une petite maison.

Après mon retour des tropiques, je m'y suis accroché. Où as-tu séjourné sous les tropiques ? À Singapour. Je n'y ai séjourné que ces dernières années. Auparavant, j'ai vécu en Malaisie britannique, loin à l'intérieur de la péninsule. On prétend que les tropiques usent rapidement les gens et les font vieillir prématurément. Oui, les tropiques sont terribles. Ils abrègent toute existence d'au moins dix ans. Selon toute apparence, ils ne t'ont pourtant pas trop malmené. Sois le bienvenu. Malmené ?

Maintenant que son ancien ami, comme dominé par la magie des lieux, s'était assis dans le même fauteuil, à l'endroit précis où il s'était assis 41 ans auparavant, le général se sentait comme soulagé. « Les gens de notre espèce ne supportent pas les tropiques. Le climat y épuise leur constitution, consomme leur organisme et tue quelque chose en eux. » « Et tu es allé sur les tropiques pour tuer quelque chose en toi ? »

tournèrent leur regard vers le troisième fauteuil qui, recouvert d'une housse de soie, restait vide. Oui, et y es-tu parvenu ? Je suis déjà bien vieux. Ils restèrent ainsi, sans parler, à fixer les bûches en flamme, jusqu'à l'arrivée du domestique qui les invita à passer dans la salle à manger. Très bien, allons-y. Le général et son hôte sont assis au debout de la longue table de la grande salle à manger.

dans laquelle aucun invité n'a pénétré depuis la mort de Christine. Dans les candélabres posés sur la table brûlent de grosses bougies bleues. Dans la cheminée de marbre gris, le feu de bois flambe en flammes jaunes, rouges et noirâtres. Au centre, près de la table ornée de fleurs et éclairée aux bougies, se trouve un troisième fauteuil, tournant le dos à la cheminée et recouvert d'une tapisserie des gobelins. « Je voulais te voir une fois encore, n'est-ce pas naturel ?

« Rien n'est plus naturel au monde. » Ils sont assis là, comme perdus. Deux vieillards dans cette grande salle à manger, loin l'un de l'autre. « J'ai comme toi 73 ans, la mort est proche. C'est pourquoi je me suis mis en route, et voilà pourquoi je me trouve ici. » « On prétend qu'arrivé à notre âge, on vit aussi longtemps que la vie nous intéresse. N'est-ce pas ton impression ? » « Elle ne m'intéresse plus. Vienne, vois-tu, vienne me donner le diapason du monde. »

« Prononcer le nom de Vienne, c'était faire résonner ce diapason. Cette résonance a été la plus belle de ma vie. J'étais pauvre, mais je n'étais pas seul. Parce que j'avais un ami et Vienne était devenue une sorte d'ami. Sous la pluie des tropiques, j'entendais toujours la voix de Vienne. Tout me la rappelait. L'odeur de renfermer de l'escalier de la maison de Hitzing me revenait aussi souvent, même dans les forêts vierges. »

Ici, il n'y a pas de forêt vierge, mais j'ai une forêt. Et parfois, j'ai entendu des voix qui m'évoquaient Vienne. C'est curieux. C'est comme la musique. Tu sais bien qu'à Vienne, la musique était partout. Dans les pierres, dans le regard et les mouvements des êtres, dans tout ce que j'aimais. Elle vibrait dans le cœur humain en le purifiant. Tu comprends ce que je veux dire ? Oui, je comprends. Et maintenant, 41 ans plus tard, qu'as-tu trouvé à Vienne ? Une ville, une ville transformée.

Ici, tu n'as pas à craindre une déception de ce genre. Pour ainsi dire, rien n'y a changé. N'as-tu pas voyagé ces dernières années ? Très peu. Je n'ai fait que des voyages de service. À un moment donné, j'ai voulu quitter l'armée, comme tu l'as quitté toi-même. Oui, j'ai parfois songé à renoncer à la carrière militaire, à parcourir le monde, à faire des recherches pour trouver quelqu'un ou quelque chose. Les amis évitent maintenant de se regarder. L'hôte fixe son verre de cristal rempli de vin rouge et le général...

La flamme des bougies. Mais finalement, je suis resté. Tu sais bien ce que c'est. La servitude militaire. Peu à peu, on durcit, on s'entête. De plus, j'avais promis à mon père de rester dans l'armée jusqu'au bout. C'est pourquoi j'y suis resté. Même si j'ai pris ma retraite prématurément. Quand Christine est-elle morte ? Comment sais-tu que Christine est morte ? Elle n'est pas assise entre nous deux ? Ou donc pourrait-elle être sinon dans la tombe ? Elle est enterrée dans le parc, près de la serre, comme elle l'avait voulu.

Y a-t-il longtemps qu'elle est morte ? Huit ans après ton départ. Si elle était encore en vie, elle aurait maintenant 61 ans. Oui, elle serait une vieille femme comme nous sommes des hommes vieux. De quoi souffrait-elle ? On a diagnostiqué une anémie pernicieuse, une maladie assez rare. Pas si rare que cela. Sous les tropiques, elle est même fréquente. Les conditions de vie des hommes se modifient là-bas et la composition du sang s'en trouve altérée. C'est bien possible. Ce vin est d'une année dont tu te souviendras peut-être ?

L'année 1886. C'est l'année où nous avons prêté serment. Pour commémorer ce grand jour, mon père fit remplir de ce vin un fût de notre cave. Il y a de cela bien des années, presque une vie entière. C'est maintenant un vin très vieux. Les valeurs et les hommes pour lesquels nous avions prêté serment n'existent plus. Tous sont morts ou partis. Ils ont renoncé à ce que nous avions juré de défendre. Il existait autrefois un ordre mondial pour lequel il valait la peine de consacrer sa vie ou de mourir.

Ce monde-là est mort. Avec l'Ordre Nouveau, je n'ai rien de commun. C'est tout ce que j'ai à dire à ce sujet. Pour moi, le monde d'autrefois reste vivant, même si en apparence il a disparu. Il vit parce que je lui ai prêté serment de fidélité. Pour moi, c'est tout ce qu'il y a à dire à ce sujet. Oui, tu es resté un vrai militaire. Après ton départ, nous avons cru longtemps que tu reviendrais. Tout le monde t'attendait ici ?

Parce que chacun avait de l'amitié pour toi. Ta conduite était certes un peu bizarre, excuse-moi de te le dire franchement, mais nous comprenions ton originalité car nous savions bien que pour toi la musique passait avant tout. Ton départ nous a surpris, mais nous l'avons néanmoins admis. Car nous pensions que, sans aucun doute, des raisons sérieuses le motivaient. Auriez-vous trouvé une explication à ma démission de l'armée ? Enfin, je veux dire... Nous savions bien que tu supportais tout plus difficilement que nous, les vrais militaires.

Ce qui pour toi ne représentait qu'une situation était pour nous une mission et une vocation. Ce que tu portais comme un masque était notre vrai visage. Voilà pourquoi nous ne fûmes pas étonnés de te voir rejeter le masque. Quand nous avons dîné ici pour la dernière fois, nous étions trois. Christine était assise là, au milieu. Et ce même surtout garnissait la table. Tu as raison. Maintenant qu'ils ont mangé et bu, la gêne orgueilleuse de la première demi-heure est dissipée.

Le sang circule plus vite dans leurs artères sclérosées. Sur leur front et sur leur temple, les veines sont gonflées. Les domestiques apportent des fruits mûris en serre et les deux vieux se régalent de raisins et de neffles. Il est peut-être préférable que nous prenions le café là-bas. Fermez toutes les fenêtres et apportez d'autres candélabres. Dans l'obscurité, les deux amis se taisent. Seul le feu de bois et deux bougies que le vent n'a pas éteintes éclairent la pièce. Nous allons nous installer là-bas.

chancelants et vacillants, comme leurs ombres projetées sur les murs, les deux amis se rendent en silence, à travers des salons froids, dans une pièce où ne se trouve qu'un piano à queue grande ouverte et trois fauteuils près d'une grosse cheminée. Ils s'installent et, à travers les rideaux blancs des fenêtres, contemplent le paysage sombre. Le domestique place le café, des cigares et des liqueurs sur une petite table, à leur portée.

et pose sur le bord de la cheminée un chandelier d'argent garni de chandelles de la grosseur d'un bras d'enfant. Puis, les amis allument leur cigare et restent un bon moment sans parler. Les jambes allongées, ils jouissent de la bonne chaleur que répand le feu de bois. Les braises de Sender Marai Traduction Marcel et Georges Régnier Adaptation Juliette Eman Deuxième épisode

Avec Pascal Rénéric, le narrateur, Alain Rimoux, le général, Claude-Bernard Perrault, Conrad, Samuel Charles, Henri Jeune, Sylvain Levitte, Conrad Jeune, Dominique Jair, Nini. Et les voix de Xavier Bazin, Yron Picard, Olivier Sadouane, Valentin Capron, Damien Pézan et Milan Isard. Musique originale et interprétation Floriane Bonnani.

Bruitage, Elodie Fiat Conseillère littéraire, Emmanuelle Chevrière Prise de son, montage et mixage Claire Levasseur, Kevin Delcourt Assistante à la réalisation Claire Chéneau Réalisation, Juliette Eman Les Bresses de Sender Maraille est publiée aux éditions Albain Michel