Pardon maman, pardon maman.
Pardon à toutes les grandes personnes J'ai tout volé, j'ai tout mangé Tout découpé et tout caché C'est assez bon, je ne comprends pas Qu'on puisse être puni pour ça C'était si bien dans votre dos La crème, les fruits et les ciseaux Malheur à moi, parlez de moi J'essaye et je rate à chaque fois Je vais écorcher mes envies Je serai gentil, moi Comment font les modèles
Les petites filles, sages et jolies, qu'elles soient nues comme elles. C'est tout le malheur de Sophie. Dis-moi, comment font les modèles, sages et jolies, qu'elles soient nues pas d'êtres comme elles.
Épisode 4 Sophie était coquette. Elle aimait être bien mise et qu'on la trouve jolie. Pourquoi tu marches comme une dame ? Non, je marche normalement. Je vois que tu te regardes dans le miroir. C'est que tu te regardais aussi. Mais Sophie n'était pas un modèle, non. Elle n'était pas jolie. Elle était plus drôle que ça.
J'ai une grosse tête. Non. Si, maman me l'a déjà dit. Elle avait, c'est vrai, une bonne grosse frimousse, bien fraîche et bien gaie. Elle avait aussi un nez en l'air et un peu gros. Regarde-moi. C'est drôle. Tes yeux sont gris. Je les trouve jolis. Des cheveux blonds, très raides et coupés courts, comme ceux d'un garçon. Maman ne veut pas que je les porte longs. Pourquoi ? Elle dit que ça ne m'irait pas. Mais...
Ce serait pas son foulard ? Oui ! Rouge le vide, elle arrive ! Elle aimait être bien mise, mais elle était toujours très mal habillée. Une simple robe en percale blanche, décolletée et à manches courtes, hiver comme été, des bas un peu épais et des souliers de peau noire. Jamais de chapeau ni de gants. Mais je ne crois pas que ce soit dans les besoins d'une enfant. Sa maman pensait qu'il était bon de l'habituer au soleil, à la pluie, au vent, au froid. C'est aux enfants d'être résistants.
Pas aux vêtements. Ce que Sophie désirait beaucoup, c'était avoir les cheveux frisés. Les reflets sont radieux. On dirait des torsades de soleil. Elle avait un jour entendu admirer les jolis cheveux blonds frisés de son amie Camille de Fleurville. Et quand il pleut, les boucles sont encore plus marquées. Ah oui ? Avec l'humidité, ils sont plus frisés. Ah oui. Et depuis, elle avait toujours voulu faire friser les siens.
Entre autres inventions, voici ce qu'elle imagina de plus malheureux. Un après-midi, il pleuvait très fort et il faisait très chaud, de sorte que les fenêtres et la porte du perron étaient restées ouvertes. Pourquoi tu restes posée devant la porte ? Je regarde la pluie. Bon, regarde tant que tu voudras. Mais tu ne sors pas. Oui, oui. De temps en temps, elle allongeait le bras pour recevoir la pluie.
Juste un peu comme ça. Elle eut envie de tendre un peu le cou pour en recevoir quelques gouttes sur le visage. En passant sa tête ainsi, en dehors, elle vit que la gouttière débordait et qu'il en tombait un grand jet d'eau de pluie. Et si je mouillais mes cheveux ? Ils friseraient peut-être comme cette camille. Mais Sophie, tu n'as pas le droit de sortir. Juste quelques secondes. Bien !
Et voilà Sophie qui sort malgré la pluie et qui met sa tête sous la gouttière et qui reçoit à sa grande joie toute l'eau sur la tête, sur le cou, sur les bras, sur le dos. C'est trop froid. Ça, c'est comme ça. Lorsqu'elle fut bien mouillée, elle rentra au salon et se mit à essuyer sa tête avec son mouchoir.
Tout en les séchant, elle rebroussait ses cheveux pour les faire frisser. Son mouchoir fut trempé en une minute. Sophie voulut courir dans sa chambre pour en demander un autre à sa bonne. Lui-ci, lui-ci, est-ce que je peux avoir un mouchoir ? Lorsqu'elle se trouva nez à nez avec sa maman. Mais, mais Sophie, qu'est-ce que tu fais toute trempée ? Ah ah ah ! Ah ah ah !
Regardez-moi cette figure ! On dirait un petit chien ! Un petit chien tout mouillé, c'est ridicule ! Jacques ! Jacques ! Mon chéri ! Venez voir la tête de votre fille ! Si tu te voyais, Sophie, tu rirais comme moi ! J'ai juste pris un peu de pluie ! Parce que... Parce que tu es sortie ? Je l'avais interdit ! Je voulais rendre mes cheveux jolis ! Ils sont tout en l'air ! Ta robe trempée, voilà qui est parfait !
Bon. Voyons ce qu'en diront ton papa et ton cousin Paul. Paul ! Jacques ! Venez ! Je préférerais me changer. Non. Essuyer. Qu'est-ce que c'est que cette basse carade ? Tu vas au carnaval, Sophie ? C'est mardi gras ?
Plus Sophie rougissait et plus ses cheveux ébouriffaient et ses vêtements mouillés lui donnaient un air visible. Oui, c'est une invention pour faire friser ses cheveux. Elle veut absolument qu'ils soient comme ceux de Camille. Hein Sophie, tu as entendu dire qu'elle mouillait les siens pour les faire friser, c'est bien ça ? Ce que c'est que d'être coquette ? On veut se rendre jolie et l'on se rend affreuse. Ma pauvre Sophie va vite te sécher, te peigner et te changer. Non Paul. Si tu savais comme tu es drôle, tu ne voudrais pas rester deux minutes comme tu es. Non mon cher, c'est non. Elle va dîner avec sa belle coiffure en l'air.
Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Si. Et elle gardera aussi sa robe pleine de sable et d'eau. Oh, ma tante, je vous en prie. Laissez-la se peigner et se changer. Je fais comme Paul, cher ami, et je demande grâce pour cette fois. Si elle recommence, ce sera différent. Mais elle recommence tout le temps. Je vous assure, papa. Je ne recommencerai pas. Laissez-lui une chance. Un instant. Je réfléchis. Je voudrais dire oui. Mais... Je réfléchis. Et voici ce que j'en dis. Va te changer...
Va te peigner, mais tu ne dîneras pas à ma table ce soir. Mais, ma tante ! Non, non, non, Paul, ne demande rien. Ce sera comme j'ai dit, et puis tant pis pour Sophie. Après avoir été peignée et habillée, Sophie prit son repas dans sa chambre. Paul, lui, quitta la table le plus vite possible et se posta derrière sa porte. Sophie, je peux rentrer ? Non, Paul, laisse-moi ! Laisse-moi tranquille ! J'ai envie de rester toute seule !
Ou pas, s'il te plaît. Derrière la porte close, j'entends des choses, j'entends des choses. Des sortes de sanglots qui tombent à flots. Il pleut sur toi, cousine. Des mots cruels, des gestes tristes. Je te sens malheureuse, comme la grêle, comme la bruine.
Tu n'es pas aussi jolie que Madeleine ou bien Camille. Oh, tu as un drôle d'air, mais il me plaît. Oh, mon ami. Parfois, tu m'exasperles, tu me mets en colère. Mais parfois, je cherche ta main. Parfois, je te plains. Parfois, je veux te sauver.
Parfois, te consoler, mais je n'ose pas, je reste coincée de l'autre côté. J'ai dû trop me moquer de ta figure éboriffée, de ta robe toute trempée, ton air froncé, qui font du mal, les moqueries, les mascarades, oh.
Je n'aurais pas dû les dire Pas du neige dans ta chambre Un froid étrange vient se répandre Dans le couloir, j'aimerais te voir Parfois, tu m'exaspères Tu me mets en colère Parfois, je cherche ta main Parfois, je te plains Parfois, je vais te sauver
Parfois, je te consolais Mais je n'ose pas Et je reste coincée De l'autre côté Parfois, je t'entends pleurer Parfois, je vais t'embêter Mais crois-moi C'est juste pour jouer C'est juste pour jouer Viens avec moi, jouer
Vous avez compris maintenant que Sophie faisait toujours au moins deux fois la même bêtise, ou presque, avant d'en tirer des leçons. Alors, une autre chose qu'elle désirait beaucoup, c'était avoir des sourcils très épais. On avait dit un jour devant elle que la petite Louise de Bergue serait jolie si elle avait des sourcils. Elle a la taille de sa mère, des beaux cheveux, mais son regard n'est pas assez marqué. C'est vrai qu'il manque un peu de caractère.
« Ces sourcils sont si blonds qu'ils sont presque transparents. Ça lui donne un air étrange. » « Meuseule charmante. » « Je vous trouve gentille, je n'irai pas jusque-là. » Sophie en avait peu des sourcils, elle aussi. Et ils étaient blonds, de sorte qu'on ne les voyait pas beaucoup non plus. Elle avait entendu dire aussi que, pour faire épaissir et grandir les sourcils, il fallait les couper souvent. « Ah, vous dites qu'il faut les tailler ? » « Tout à fait ! Comme avec les cheveux. » Et voilà Sophie, un jour, face à une glace.
qui prend des ciseaux. C'est vrai que les sourcils sont de petits cheveux. Je vais les couper. Ils auraient pu se remplir d'épais. Et coupe ses sourcils aussi court que possible. Sur la longueur, sur la largeur, bien ras, c'est fait. Elle se regarde dans la glace. C'est bizarre.
C'est très bizarre. Elle a une drôle de figure. C'est bizarre. Bizarre. Bizarre. C'est très bizarre. Elle se cache les yeux. Elle n'osera jamais descendre au salon. Vous êtes prête pour le service, madame ? On attend encore Sophie. Paul, où est ta cousine ? Dans sa chambre, je crois. Va la chercher. Délude s'est dépêchée. Nous n'attendons qu'elle. Une fois de plus. Très bien. Sophie, tu viens manger ?
Oui oui, qu'est-ce que tu fais ? Mes parents sont là, tout le monde t'attend. Oui oui j'arrive. Pourquoi tu marches à reculons ? Comme ça. Bon, je redescends, rejoins-moi. Ah, enfin. Mais, quelle figure !
« Oh, elle a coupé ses sourcils ! » « Quelle est drôle, ma nièce, mais quelle est drôle vraiment ! » « Je n'ai jamais vu une figure plus singulière ! » « C'est étonnant ! Ses sourcils coupés, là, tout change ! » « Sophie, baisse tes mains, montre-toi bien, Sophie ! » Sophie restait là, les bras pendants, la tête baissée, ne sachant où se cacher.
Et toi, mon fils, est-ce que tu reconnais ta cousine ? Je la reconnais bien, là. Ma cousine, elle est comme ça. Avec sa tête un peu ratée. Elle nous fait rire. Un peu rire. C'est vrai que ça la change ! Parfois, tu m'exaspères. Tu me mets...
Je n'ai jamais vu ça !
Bon, allez, allez, ça a assez duré. Dans votre chambre, mademoiselle, vous ne faites que des sottises. Sortez. Sortez ! Et que je ne vous vois plus de la soirée. Sortez !
Oh mais quelle tête ! On dirait un petit paron ! Oh ce n'est pas vrai ! Qu'est-ce qui vous a pris ? Vous avez coupé vos sourcils ? Ce n'est pas la peine de vous moquer, merci bien, j'en ai eu assez. Oh pardon, pardon, mais cette tête, c'est irrésistible, toute rouge et sans sourcils. Oh mais j'ai une idée ! Non, laissez-moi tranquille, je ne veux plus y toucher. Mais si !
Je vais vous arranger. Je n'ai pas envie. Je peux les redessiner avec du charbon. Vous verrez, ce sera déjà mieux. Mais je n'ai pas envie. Sophie eut beau se fâcher, toutes les personnes qui la voyaient riaient aux éclats. Sophie ? Sophie, tu es là ? Oui. Un jour, Paul lui apporta un tout petit paquet, bien ficelé, bien cacheté. J'ai quelque chose pour toi. Qu'est-ce que c'est ?
Les sourcils dessinés au charbon, ça ne tient pas très bien, donc j'ai trouvé une meilleure idée. Il contenait deux énormes sourcils, bien noirs, bien épais. On dirait deux grosses moustaches ! Ce n'est pas drôle, Paul ! Ça ne me plaît pas du tout, figure-toi ! Mais c'est pour que tu les colles à l'emplacement, il n'y en a plus ! Va dedans ! Voilà ce que je fais de ton cadeau !
Mais c'est juste pour jouer Sophie, c'est juste pour s'amuser. Sors de ma chambre ! Parfois je veux te sauver, parfois te consoler, mais parfois j'aime aussi me moquer. Parfois je veux t'embêter, parfois te rire au nez, mais tout ça c'est juste pour jouer. Je veux juste jouer !
Ses sourcils mirent plus de six mois à repousser et ils ne devinrent jamais aussi épais que le désirait Sophie. Aussi, depuis ce temps, elle ne chercha plus à se faire de beaux sourcils ni de beaux cheveux. Et c'est tant mieux. Sa frimousse bien fraîche, son nez un peu gros, ses cheveux courts et fins comme ses sourcils, tout cela c'était Sophie et bien Sophie, qui ne ressemble à aucune autre petite fille. À suivre !
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