Neuf contes d'Andersen. Choix des textes et adaptations. Baptiste Guitton. Réalisation. Mélanie Péclat. Bonjour, je suis Claire Fégreux et je vais vous lire Le briquet. Un soldat marchait sur la grande route. Une, deux. Il avait le sac sur le dos et le sabre aux côtés. Il avait fait la guerre et maintenant il revenait chez lui. Chemin faisant, il rencontra une vieille sorcière.
Elle était bien vilaine et sa lèvre inférieure tombait sur sa poitrine. « Bonsoir, soldat, » dit-elle, « que ton sabre est beau, que ton sac est grand. Tu m'as l'air d'un vrai soldat. Aussi, je vais te donner autant d'argent que tu voudras. » « Merci, vieille sorcière, » répondit le soldat. « Vois-tu ce grand arbre ? » continua la sorcière en désignant un arbre tout voisin.
« Il est entièrement creux. Monte au sommet, tu verras un grand trou. Laisse-toi glisser par ce trou jusqu'au fond de l'arbre. Je vais te passer une corde autour du corps pour pouvoir te hisser quand tu m'appelleras. » « Que ferai-je dans l'arbre ? » « Tu chercheras de l'argent. Une fois au fond de l'arbre, tu te trouveras dans un grand corridor bien éclairé car il y brûle plus de cent lampes. »
« Tu verras trois portes. Tu pourras les ouvrir, les clés sont aux serrures. Si tu entres dans la première chambre, tu apercevras au milieu du plancher une grosse caisse avec un chien dessus. Les yeux de ce chien sont grands comme des tasses à thé, mais n'y fais pas attention. »
« Je te donnerai mon tablier à carreaux bleus. Tu l'étendra sur le plancher. Marche alors courageusement sur le chien. Saisis-le, dépose-le sur mon tablier. Ouvre la caisse et prends-y autant de sous que tu voudras. Tous sont de cuivre. Si tu aimes mieux l'argent, entre dans la seconde chambre. Là est assis un chien dont les yeux sont aussi grands que la roue d'un moulin.
« N'y fais pas attention, mets-le sur mon tablier et prends de l'argent à ta guise. Si c'est de l'or que tu préfères, tu en auras aussi autant que tu voudras. Pour cela, il te suffit d'entrer dans la troisième chambre. » Mais le chien qui est assis sur la caisse a des yeux aussi grands que la grosse tour ronde. « Voilà qui me convient, » dit le soldat. « Mais que veux-tu que je te donne, vieille sorcière ? Il te faut ta part aussi, je pense. »
« Non, je ne veux pas un sou. Tu m'apporteras seulement le vieux briquet que ma grand-mère a laissé là lors de sa dernière visite. » « Bien, passe-moi la corde autour du corps. » « La voici, et voici de même mon tablier à carreau bleu. » Le soldat monta sur l'arbre, se laissa glisser par le trou et se trouva, comme avait dit la sorcière, dans un grand corridor éclairé de cent lampes.
Il ouvrit la première porte. Ouf ! Le chien était assis et il fixa sur lui ses yeux grands comme des tasses à thé. « Tu es un beau garçon », dit le soldat en le saisissant. Il le déposa sur le tablier de la sorcière et prit autant de sous de cuivre qu'en pouvait contenir ses poches. Puis il ferma la caisse, replaça le chien dessus et s'en alla vers l'autre chambre. Le chien était assis, celui qui avait les yeux grands comme une meule de moulin.
« Prends garde de me regarder trop fixement, » dit le soldat. « Tu pourrais gagner mal aux yeux. » Puis il plaça le chien sur le tablier de la sorcière. Mais en voyant la grande quantité de monnaie d'argent que contenait la caisse, il jeta tous ses sous de cuivre et bourra d'argent ses poches et son sac. Puis il entra dans la troisième chambre. C'était horrible. Le chien avait en effet des yeux aussi grands que la tour ronde. Il tournait dans sa tête comme des roues.
« Bonsoir ! » dit le soldat en faisant le salut militaire, car de sa vie, il n'avait jamais vu un pareil chien. « Suffit ! » pensa-t-il. Il le descendit à terre et ouvrit la caisse. Grand Dieu ! Que d'or il y avait ! Il y avait de quoi acheter toute la ville de Copenhague. Tous les porcs en sucre des marchands de gâteaux, tous les soldats de plomb, tous les jouets, tous les dadas du monde. Oui, il y en avait de l'or !
Le soldat jeta toute la monnaie d'argent dont il avait rempli ses poches et son sac et il la remplaça par de l'or. Il chargea tellement ses poches, son sac, sa casquette et ses bottes qu'il pouvait à peine marcher. Était-il riche ? Il remit le chien sur sa caisse, ferma la porte et cria par le trou de l'arbre. « Maintenant, hissez-moi, vieille sorcière ! As-tu le briquet ? » demanda-t-elle. « Diable ! Je l'avais tout à fait oublié !
Il retourna pour le chercher. Puis, la sorcière le hissant, il se trouva de nouveau sur la grande route, les poches, le sac, les bottes et la casquette plein d'or. « Que vas-tu faire de ce briquet ? » demanda le soldat. « Cela ne te regarde pas. Tu as eu ton argent ? Donne-moi le briquet. » « Pas de temps de sornette. Dis-moi tout de suite ce que tu vas en faire ou je tire mon sabre et je te décapite. » « Non, » répondit la sorcière.
Le soldat lui coupa la tête. La voilà étendue. Lui, il noua son argent dans le tablier, le chargea sur son dos, mit le briquet dans sa poche et se rendit à la ville. C'était une bien belle ville. Il entra dans la meilleure auberge, demanda la meilleure chambre et s'aimait de prédilection. Il était si riche ! Voilà donc le soldat devenu grand seigneur.
On lui fit l'énumération de tout ce qu'il y avait de beau dans la ville et on lui parla du roi et de la charmante princesse, sa fille. « Comment faire pour la voir ? » demanda le soldat. « C'est bien difficile, lui répondit-on.
Elle demeure dans un grand château de cuivre, entourée de murailles et de tours. Personne, excepté le roi, ne peut entrer chez elle, car on a prédit qu'elle serait un jour mariée à un simple soldat. Et le roi en est furieux. « Je voudrais bien pourtant la voir », pensa le soldat. « Mais comment obtenir cette permission ? »
En attendant, il menait joyeuse vie, allait au spectacle, se promenait en voiture dans le jardin du roi et faisait beaucoup d'aumônes, ce qui était très beau. Il savait par expérience combien il est dur de n'avoir pas le sou. Maintenant, il était riche, il avait de beaux habits et avec cela des amis qui répétaient en chœur « Vous êtes aimable, vous êtes un parfait cavalier ». Cela flattait les oreilles du soldat.
Mais comme tous les jours il dépensait de l'argent sans jamais en recevoir, un beau matin, il ne lui resta que deux sous. La belle chambre qu'il habitait, il fallut la quitter et prendre à la place un petit trou sous les toits. Là, il était obligé de cirer lui-même ses bottes, de les raccommoder avec une grosse aiguille et aucun de ses amis ne venait le voir et il y avait trop d'escaliers à monter. Un soir bien sombre, il n'avait pas eu de quoi s'acheter une chandelle.
Il se rappela soudain qu'il s'en trouvait un petit bout dans le briquet de l'arbre creux. Il saisit donc le briquet et le bout de chandelle. Mais au moment même où les étincelles jaillirent du caillou, la porte s'ouvrit tout à coup et le chien, qui avait les yeux aussi grands que des tasses à thé, se trouva debout devant lui et lui dit « Monseigneur, coordonnez-vous ! » « Qu'est-ce que cela ? » s'écria le soldat. « Voilà un drôle de briquet ! »
« J'aurai donc de cette manière tout ce que je voudrais ? Vite, apporte-moi de l'argent ! » Oups, l'animal est parti. Le voilà de retour, tenant dans sa gueule un grand sac rempli de sous. Le soldat savait maintenant quel précieux briquet il possédait. S'il battait une fois, c'était le chien de la caisse aux sous qui paraissait. Battait-il deux fois, c'était le chien de la caisse d'argent, trois fois celui qui gardait l'or.
Il retourna dans sa belle chambre, reprit ses beaux habits et ses amis de revenir en hâte. Il l'aimait tant. Un jour, le soldat pensa « C'est pourtant une chose bien singulière qu'on ne puisse parvenir à voir cette princesse. Tout le monde est d'accord sur sa parfaite beauté, mais à quoi sert la beauté dans une prison de cuivre ? N'aurait-il pas un moyen pour moi de la voir ? Où est mon briquet ? » Il fit feu. « Oups ! » Voila le chien avec les yeux comme des tasses à thé qui est déjà présent.
« Pardon, il est bien tard, » dit le soldat, « mais je voudrais voir la princesse, ne fût-ce qu'un instant. » Et voilà le chien parti. Le soldat n'avait pas eu le temps de se retourner qu'il était revenu avec la princesse. Elle était assise sur son dos, si belle qu'en la voyant, on devinait une princesse. Le soldat ne put s'empêcher de l'embrasser car c'était un vrai soldat. Puis le chien s'en retourna avec la princesse.
Mais le lendemain, tout en prenant le thé avec le roi et la reine, elle leur raconta un rêve bizarre qu'elle avait eu la nuit d'un chien et d'un soldat. Elle était montée à cheval sur un chien et le soldat l'avait embrassée. « C'est une histoire très jolie », dit la reine. Cependant, la nuit suivante, on fit veiller une des vieilles dames d'honneur auprès de la princesse pour voir si c'était un véritable rêve.
Le soldat mourait d'envie de revoir la belle princesse. Le chien revint la nuit et l'emporta au grand galop. Mais la vieille dame d'honneur mit une paire de bottes à l'épreuve de l'eau et courut bien vite après lui. Lorsqu'elle eut vu la maison où il était entré, « Je sais maintenant l'adresse », pensa-t-elle. Et avec un morceau de craie, elle fit une grande croix sur la porte. Ensuite, elle retourna se coucher et peu de temps après, le chien revint aussi avec la princesse.
Mais s'étant aperçu qu'il y avait une croix blanche sur la porte du soldat, il prit un morceau de craie et fit des croix sur toutes les portes de la ville. Assurément, c'était très spirituel, car maintenant, comment la dame d'honneur pourrait-elle retrouver la porte ? Le lendemain matin de bonheur, le roi, la reine, la vieille dame d'honneur et tous les officiers allaient pour voir où s'était rendue la princesse.
dit le roi en apercevant la première porte marquée d'une croix. « Non, c'est là, mon cher mari ! » répliqua la reine en voyant la seconde porte également marquée d'une croix. « En voilà une ! En voilà une ! En voilà une ! » dirent-ils tous, car ils virent des croix sur toutes les portes. Alors, ils comprirent qu'il était inutile de chercher. Mais la reine était une femme d'esprit qui savait faire autre chose qu'aller en carrosse.
Elle prit ses grands ciseaux d'or, coupa un morceau de soie et cousit une jolie petite poche. Elle l'a remplie de grains de sarrasin, l'attacha au dos de la princesse et y fit un petit trou. Ainsi, les grains devaient tomber tout le long de la route que suivrait la princesse. Dans la nuit, le chien revint, prit la princesse sur son dos et la porta chez le soldat. Celui-ci l'aimait si fort qu'il aurait bien voulu être prince pour en faire sa femme.
Les grains de sarrasin tombaient toujours depuis le château jusqu'à la porte du soldat. Le chien ne s'en apercevait pas. Le lendemain, le roi et la reine apprirent aisément où leur fille avait été. Le soldat fut pris et mis au cachot. Le voilà donc enfermé. Quelle nuit, quelle tristesse. Et puis, on vint lui dire « Demain, tu seras pendu ». Ce n'était pas une bonne nouvelle et il avait oublié, le malheureux, son briquet dans l'auberge.
Le jour suivant, il vit à travers les barreaux de sa fenêtre le peuple qui sortait en foule de la ville afin de le voir pendre. Tout le monde courait. Un garçon cordonnier avec son tablier et des pantoufles courait même si fort qu'une de ses pantoufles s'échappa de son pied et vint frapper justement le mur derrière lequel était assis le soldat, regardant à travers les barreaux. « Hé, cordonnier, ne te presse pas tant ! » lui cria le soldat. « Sans moi, rien ne se fera ! »
« Mais si tu veux courir jusqu'à l'auberge où j'ai demeuré et chercher mon briquet, je te donnerai quatre sous. Seulement, ne laisse pas traîner tes jambes ! » Le garçon cordonnier, qui voulait bien gagner quatre sous, vola comme un trait chercher le briquet, le remit au soldat et « Maintenant, vous allez entendre. » En dehors de la ville, on avait dressé une grande potence, entourée de soldats et de plus de cent mille personnes.
Le roi et la reine étaient assis sur un trône magnifique. En face, le juge et tout le conseil. Déjà, le soldat était au haut de l'échelle. On allait lui passer la corde au cou. Il demanda la permission de formuler un dernier souhait. C'était l'habitude, observa-t-il, d'accorder cette grâce au pêcheur qui va mourir. Il avait grande envie de fumer une pipe. Ce serait la dernière. Le roi ne put lui refuser cela. Donc le soldat a pris son briquet et fit feu. Un...
« Deux, trois, voici les trois chiens qui apparaissent tout à coup. Venez à mon secours, car on va me pendre ! » Alors les chiens se précipitèrent sur les juges et sur le conseil, prirent l'un par les jambes, l'autre par le nez, et les lancèrent si haut dans l'air qu'ils retombèrent en mille morceaux. « Je ne veux pas ! » dit le roi. Mais le plus gros des chiens le prit avec la reine et les lança comme les autres.
Les soldats s'effrayèrent et le peuple de s'écriait « Petit soldat, tu seras notre roi et tu épouseras la princesse ! » Et le soldat fut placé dans le carrosse du roi. Les trois chiens dansaient devant et criaient « Hourra ! » Les gamins sifflaient dans leurs doigts et les soldats présentaient les armes. La princesse sortit du château de cuivre et devint reine, ce dont elle ne fut pas médiocrement flattée. La noce dura huit jours.
Les trois chiens y étaient invités et à table surtout, ils ouvrirent des yeux énormes. C'était Le briquet, traduit par David Soldi et lu par Claire Fégreux. Retrouvez le générique complet sur le site franceculture.fr et l'application Radio France. ...
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