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Neuf contes d'Andersen 9/9 : "Le vilain petit canard"

2025/5/9
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Le Feuilleton

Transcript

Shownotes Transcript

Neuf contes d'Anderson. Choix des textes et adaptations, Baptiste Guitton. Réalisation, Mélanie Péclat. Je m'appelle Anne Stephens et je vais vous lire Le vilain petit canard. On était au milieu de l'été. Les rayons du soleil éclairaient de tout leur éclat un vieux domaine entouré de larges fossés et de grandes feuilles de bardane descendaient du mur jusque dans l'eau.

Elles étaient si hautes que les petits-enfants pouvaient se cacher dessous et qu'au milieu d'elles, on pouvait trouver une solitude aussi sauvage qu'au centre de la forêt. Dans une de ces retraites, une canne avait établi son nid et couvait ses œufs. Il lui tardait bien de voir ses petits éclores. Elle ne recevait guère de visite car les autres aimaient mieux nager dans les fossés que de venir jusque sous les bardanes pour barboter avec elle. Enfin, on entendait...

C'étaient les petits canards qui vivaient et tendaient leurs coux au dehors. « Wap wap ! » dirent-ils ensuite en faisant tout le bruit qu'ils pouvaient. Ils regardaient de tous côtés sous les feuilles vertes et la mère les laissa faire car le ver réjouit les yeux. « Que le monde est grand ! » tirent les petits nouveau-nés à l'endroit même où ils se trouvèrent au sortir de leur œuf. « Vous croyez donc que le monde finit là ? » dit la mère.

« Oh non ! Il s'étend bien plus loin, de l'autre côté du jardin jusque dans les champs du curé. Mais je n'y suis jamais allée. » « Êtes-vous tous là ? » continua-t-elle en se levant. « Non, le plus gros œuf n'a pas bougé. Dieu, que cela dure longtemps ! J'en ai assez ! » Et elle se mit à couver, mais d'un air contrarié. Enfin, le gros œuf creva, fit le petit, et il sortit, comme il était grand et vilain,

La canne le regarda et dit « Quel énorme canneton ! Il ne ressemble à aucun de nous. Serait-ce un dindon ? Ce sera facile à voir. Il faut qu'il aille à l'eau quand je devrais l'y traîner. » Le lendemain, il faisait un temps magnifique.

Le soleil rayonnait sur toutes les vertes bardanes. La mère des canards se rendit avec toute sa famille au fossé. « Platch ! » Et elle sauta dans l'eau. « Pwap, pwap ! » dit-elle ensuite. Et chacun des petits plongea l'un après l'autre et l'eau se referma sur les têtes. Mais bientôt, ils reparurent et nagèrent avec rapidité. Les jambes allaient toutes seules et tous se réjouissaient dans l'eau, même le vilain grand caneton gris. « Ce n'est pas un dindon ! » dit-elle.

Comme il se sert habilement de ses jambes et comme il se tient droit. C'est mon enfant aussi. Il n'est pas si laid lorsqu'on le regarde de près. Venez maintenant avec moi. Je vais vous faire faire votre entrée dans le monde et vous présenter dans la cour des canards. Seulement, ne vous éloignez pas de moi pour qu'on ne marche pas sur vous. Et prenez bien garde aux chats. Ils entrèrent tous dans la cour des canards. Quel bruit on y faisait !

Deux familles s'y disputaient une tête d'anguille et à la fin, ce fut le chat qui l'emporta. « Vous voyez comme les choses se passent dans le monde, » dit la canne en aiguisant son bec, « car elle aussi aurait bien voulu avoir la tête d'anguille. Maintenant, remuez les jambes, » continue-t-elle, « tenez-vous bien ensemble et saluez le vieux canard là-bas. C'est le plus distingué de tous ceux qui se trouvent ici. »

Il est de race espagnole, c'est pour ça qu'il est si gros. Et remarquez bien ce ruban rouge autour de sa jambe. C'est quelque chose de magnifique et la plus grande distinction qu'on puisse accorder à un canard. Cela signifie qu'on ne veut pas le perdre et qu'il doit être remarqué par les animaux comme par les hommes.

« Allons, tenez-vous bien ! Non, non, non, ne mettez pas les pieds en dedans ! » Un caneton bien élevé écarte les pieds avec soin. « Regardez comme je les mets en dehors ! Inclinez-vous et dites ! » Ils obéirent. Et les autres canards qui les entouraient les regardaient et disaient tout haut. « Voyez un peu, en voilà encore d'autres, comme si nous n'étions pas déjà assez !

« Fuis donc ! Qu'est-ce que ce canet-là ? Nous n'en voulons pas ! » Et aussitôt, un grand canard vola de son côté, se jeta sur lui et le mordit au cou. « Laissez-le donc ! » dit la mère. « Il ne fait de mal à personne. » « D'accord, mais il est si grand et si drôle, » dit l'agresseur, « qu'il a besoin d'être battu. » « Vous avez de beaux enfants, la mère, » dit le vieux canard au ruban rouge. « Ils sont tous gentils. »

« Excepté celui-là, il n'est pas bienvenu. Je voudrais que vous puissiez le refaire. » « C'est impossible ! » dit la mère canne. « Il n'est pas beau, c'est vrai, mais il a un si bon caractère. Je pense qu'il grandira joliment et qu'avec le temps il se formera. Il est resté trop longtemps dans l'œuf et c'est pourquoi il n'est pas très bien fait. »

« Du reste, c'est un canard et la beauté ne lui importe pas tant. Je crois qu'il deviendra fort et qu'il fera son chemin dans le monde. » Voilà ce qui se passa dès le premier jour. Et les choses allèrent toujours de pied en pied. Le pauvre canard fut chassé de partout. Ses sœurs même étaient méchantes avec lui et répétaient continuellement « Que ce serait bien si le chat emportait, vilaine créature ! » Et la mère disait « Je voudrais que tu fusses bien loin. »

Alors il se sauva et prit son vol par-dessus la haie. « Et tout cela parce que je suis vilain », pensa le caneton. Il ferma les yeux et continua son chemin. Il arriva ainsi au grand marécage. Il s'y coucha pendant la nuit, bien triste et bien fatigué. Le lendemain, deux jarres sauvages arrivèrent dans cet endroit. Ils n'avaient pas encore beaucoup vécu, aussi étaient-ils très insolents.

« Écoute, camarade, dire ces nouveaux venus, tu es si vilain que nous serions contents de t'avoir avec nous. Veux-tu nous accompagner et devenir un oiseau de passage ? Ici, tout près, dans l'autre marécage, il y a des oies sauvages charmantes, presque toutes demoiselles et qui savent bien chanter. Qui sait si tu n'y trouveras pas le bonheur malgré ta laideur affreuse ? »

Et l'eau devint rouge comme du sang. Pif ! Paf ! Et des troupes d'oies sauvages s'envolèrent des roseaux. Une vapeur bleue semblable à de petits nuages sortait des arbres sombres et s'étendait sur l'eau. Puis les chiens arrivèrent au marécage. Platch ! Platch ! Et les joncs et les roseaux se courbaient de tous côtés. Quelle épouvante pour le pauvre caneton ! Il plia la tête pour la cacher sous son aile, mais en même temps, il aperçut devant lui un grand chien terrible !

Sa langue pendait hors de sa gueule et ses yeux farouches étincelaient de cruauté. Le chien tourna la gueule vers le caneton, lui montra ses dents pointues et « Platch ! Platch ! » Il alla plus loin sans le toucher. « Dieu merci ! » soupira le canard. « Je suis si vilain que le chien lui-même dédaigne de me mordre. » Vers la fin de la journée seulement, le bruit cessa. Mais le pauvre petit n'osa pas encore se lever. Il attendit quelques heures.

regarda autour de lui et se sauva du marais aussi vite qu'il put. Il passa au-dessus des champs et des prairies. Une tempête furieuse l'empêcha d'avancer. Sur le soir, il arriva à une misérable cabane de paysans, si vieille et si ruinée qu'elle ne savait pas de quel côté tomber. Aussi restait-elle debout. La tempête soufflait si fort autour du caneton qu'il fut obligé de s'arrêter et de s'accrocher à la cabane. Tout allait de mal en pire.

Alors il remarqua qu'une porte avait quitté ses gonds et lui permettait, par une petite ouverture, de pénétrer dans l'intérieur. C'est ce qu'il fit. Là, demeurait une vieille femme avec son matou et avec sa poule. Et le matou, qu'elle appelait son petit-fils, savait arrondir le dos et filer son rouet. Il savait même lancer des étincelles pourvu qu'on lui frotta convenablement le dos à roue brousse-poil.

La poule avait des jambes fort courtes, ce qui lui avait valu le nom de courte jambe. Elle pondait des œufs excellents et la bonne femme l'aimait comme une fille. Le lendemain, on s'aperçut de la présence du caneton étranger. Le matou commença à gronder et la poule a gloussé. « Qui a-t-il ? » dit la femme en regardant autour d'elle. Mais comme elle avait la vue basse, elle crut que c'était une grosse canne qui s'était égarée. « Voilà une bonne prise ! » dit-elle.

« J'aurai maintenant des œufs de canne, pourvu que ce ne soit pas un canard. Enfin, nous verrons. » Elle attendit pendant trois semaines, mais les œufs ne vinrent pas. Dans cette maison, le matou était le maître et la poule la maîtresse. Aussi, ils avaient l'habitude de dire « nous » et « le monde », car ils croyaient faire à eux seuls la moitié et même la meilleure moitié du monde.

Le caneton se permit de penser que l'on pouvait avoir un autre avis, mais cela fâcha la poule. « Sais-tu prendre des œufs ? » demanda-t-elle. « Non. » « Eh bien alors, tu auras la bonté de te taire. » Et le matou le questionna à son tour. « Sais-tu faire le gros dos ? Sais-tu filer ton rouet et faire jaillir des étincelles ? » « Non. » « Alors tu n'as pas le droit d'exprimer une opinion quand les gens raisonnables causent ensemble. »

Et le caneton se coucha tristement dans un coin. Mais tout à coup, un air vif et la lumière du soleil pénétrèrent dans la chambre. Cela lui donna une si grande envie de nager dans l'eau qu'il ne put s'empêcher d'en parler à la poule. « Qu'est-ce donc ? » dit-elle. « Tu n'as rien à faire et voilà qu'il te prend des fantaisies. Ponds des œufs ou fais ronron et ses caprices te passeront. C'est pourtant bien joli de nager sur l'eau, » dit le petit canard.

Quel bonheur de la sentir se refermer sur sa tête et de plonger jusqu'au fond. Ce doit être un grand plaisir, en effet, répondit la poule. Je crois que tu es devenu fou. Demande un peu à Minet, qui est l'être le plus raisonnable que je connaisse, s'il aime à nager ou à plonger dans l'eau. Demande même à notre vieille maîtresse. Personne dans le monde n'est plus expérimenté. Crois-tu qu'elle ait envie de nager et de sentir l'eau se refermer sur sa tête ? Vous ne me comprenez pas.

« Nous ne te comprenons pas. Mais qui te comprendrait donc ? Te croirais-tu plus instruit que Minet et notre maîtresse ? » « Je ne veux pas parler de moi. » « Ne t'en fais pas à croire, enfant. Mais remercie plutôt le Créateur de tout le bien dont il t'a comblé. Tu es arrivé dans une chambre bien chaude, tu as trouvé une société dont tu pourrais profiter et tu te mets à raisonner jusqu'à te rendre insupportable. Ce n'est vraiment pas un plaisir de vivre avec toi. »

« Crois-moi, je te veux du bien. Je te dis sans doute des choses désagréables, mais c'est à cela que l'on reconnaît ses véritables amis. Suis mes conseils et tâche de pondre des œufs ou de faire ronron. » « Je crois qu'il me sera plus avantageux de faire mon tour dans le monde, » répondit le canard. « Comme tu voudras, » dit le poulet. Et le canard s'en alla nager et se plonger dans l'eau. Mais tous les animaux le méprisèrent à cause de sa laideur. L'automne arriva.

Les feuilles de la forêt devinrent jaunes et brunes. Le vent les saisit et les fit voltiger. En haut dans les airs, il faisait bien froid. Des nuages lourds pendaient, chargés de grêle et de neige. Un soir, que le soleil se couchait glorieux, toute une foule de grands oiseaux superbes sortit des buissons. Ils étaient d'une blancheur éblouissante. Ils avaient le cou long et souple. C'était des signes. Le son de leur voix était tout particulier.

Ils étendirent leurs longues ailes éclatantes pour aller loin de cette contrée, chercher dans les pays chauds des lacs toujours ouverts. Ils montaient si haut, si haut, que le vilain petit canard en était étrangement affecté. Il tourna dans l'eau comme une roue, il dressa le cou et le tendit en l'air vers les signes voyageurs et poussa un cri si perçant et si singulier qu'il se fit peur à lui-même.

Il lui était impossible d'oublier ces oiseaux magnifiques et heureux. Aussitôt qu'il cessa de les apercevoir, il plongea jusqu'au fond et lorsqu'il remonta à la surface, il était comme hors de lui. Il ne savait comment s'appeler ces oiseaux, ni où ils allaient. Mais cependant, il les aimait comme il n'avait encore aimé personne. Il n'en était pas jaloux, car comment aurait-il pu avoir l'idée de souhaiter pour lui-même une grâce si parfaite ?

Il était couché dans le marécage entre les joncs, lorsqu'un jour le soleil commença à reprendre son éclat et sa chaleur. Les alouettes chantaient, il faisait un printemps délicieux. Alors, tout à coup, le caneton put se confier à ses ailes qui battaient l'air avec plus de vigueur qu'autrefois, assez fortes pour le transporter au loin.

Et bientôt, il se trouva dans un grand jardin où les pommiers étaient en pleine floraison, où le sureau répandait son parfum et penchait ses longues branches vertes jusqu'au fossé. Comme tout était beau dans cet endroit, comme tout respirait le printemps, et des profondeurs du bois sortirent trois cygnes blancs et magnifiques. Ils battaient des ailes et nagèrent sur l'eau. Le canet connaissait ces beaux oiseaux.

Il fut saisi d'une tristesse indicible. « Je veux aller les trouver, ces oiseaux royaux. Ils me tueront pour avoir osé, moi, si vilain, m'approcher d'eux. Mais cela m'est égal. Mieux vaut être tué par eux que d'être mordu par les canards, battu par les poules et que de souffrir les misères de l'hiver. » Il s'élança dans l'eau et nagea à la rencontre des cygnes. Ceux-ci l'aperçurent et se précipitèrent vers lui les plumes soulevées. « Tuez-moi !

dit le pauvre animal, et penchant la tête vers la surface de l'eau, il attendait la mort. Mais que vit-il dans l'eau transparente ? Il vit sa propre image au-dessous de lui. Ce n'était plus un oiseau malfait, d'un gris noir vilain et dégoûtant. Il était lui-même un cygne. Il n'y a pas de mal à être né dans une basse-cour lorsqu'on sort d'un œuf de cygne.

Maintenant, il se sentait heureux de toutes ses souffrances et de tous ses chagrins. Et les grands cygnes nageaient autour de lui et le caressaient de leur bec. De petits enfants vinrent au jardin et jetèrent du pain et du grain dans l'eau. Et le plus petit d'entre eux s'écria. Et les autres enfants poussèrent des cris de joie. « Oui, oui, c'est vrai, il y en a encore un nouveau ! »

Et ils dansaient sur les bords, puis battaient des mains, et ils coururent à leur père et à leur mère, et revinrent encore jeter du pain et du gâteau. Et ils dirent tous, le nouveau et le plus beau, qu'il est jeune, qu'il est superbe. Et les vieux cygnes s'inclinèrent devant lui. Alors il se sentit honteux et cacha sa tête sous son aile. Il ne savait comment se tenir car c'était pour lui trop de bonheur. Mais il n'était pas fier. Un bon cœur ne le devient jamais.

Il songeait à la manière dont il avait été persécuté et insulté partout et voilà qu'il les entendait tous dire qu'il était le plus beau de tous ces beaux oiseaux. Alors ses plumes se gonflèrent, son cou élancé se dressa et il s'écria de tout son cœur « Comment aurais-je pu rêver tant de bonheur pendant que je n'étais qu'un vilain petit canard ? »

C'était le vilain petit canard, traduit par David Soldi et lu par Anne Stephens. Retrouvez le générique complet sur le site franceculture.fr et l'application Radio France. ...

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