France Culture Louride, les années velvettes de Christine Spianti Premier épisode Radio Nouveau Free Part Free Part 1958
Une petite ville de Long Island, à une heure et demie de Manhattan, au bord de l'océan Atlantique, face à l'Europe. Ses villas en bois, ses bateaux amarrés dans la marina et de longues et larges avenues rectilignes bordées d'arbres et de pavillons. On y joue au baseball sur les pelouses, au volet dans le sable.
Les collégiennes vont en robe écossaise et chemisier blanc, les garçons en pantalon gris, cravate et veste bleu marine à écusson. Quand tu grandis dans une petite ville, tu te dis que personne de célèbre n'est jamais sorti d'ici et tu fais une dépression nerveuse.
Et tu penses que tu n'y échapperas jamais, à ce que tu es, ou à l'endroit où tu vis. D'où Picasso venait-il ? Il n'y a pas de Michel-Ange qui vient de Pittsburgh. Si l'art est la pointe de l'iceberg, alors je suis la partie submergée. Est-ce que tu es fait pour quelque chose ? Me tirer d'ici.
Freeport, un rêve de parent dans les années 50. Toby et Sydney Joseph Reed, nés Rabinovitch, juifs de Brooklyn, habitent New York. En 1951, le père trouve un poste de comptable à Selucraft, une petite entreprise de Long Island. La famille déménage à Freeport. Louis, le fils aîné, a 9 ans et sa sœur Elisabeth, 2 ans.
Elle dira que la transition entre Brooklyn, où ils jouaient librement dans les rues, et leur maison isolée a été très difficile pour Lou. La nuit, au premier étage de la maison, 35 Oakfield Avenue, Louise Reed, allongée dans son lit, l'oreille collée au poste, écoute tout bas la radio new-yorkaise. L'émission d'Alan Freed, Moondog's Rock'n'Roll Party.
C'est un désastre d'imaginer que tout, partout, ressemble à ce qui se fait à Freeport, Long Island. Totalement désespérant, mais il y a le rock que j'entends à la radio. Et je sais qu'il y a de la vie sur Terre. Garnier, pays de Galles. De l'autre côté de l'océan Atlantique, dans le sombre pays de Galles, il y a un autre garçon qui écoute Moondog's Rock'n'Roll Party du DJ Alan Freed. Il s'appelle John Kay. Couché dans ma petite chambre sous des couvertures bien au chaud.
écouter Alan Freed, le génie qui a inventé le terme rock'n'roll et branche un million d'adolescents, ça change le monde. La pop d'Elvis et de Bill Haley, le skiffle de Lonnie Donegan, le jazz, le classique, j'apprends tout à la radio. Coucher dans mon lit à me trémousser sur le beat de That's Alright Mama d'Elvis ou à apprécier le sax de Coltrane, savoir qu'à seulement 5000 kilomètres et 5 heures plus tard, tous ces gens-là font réellement toutes ces choses, maintient mon cœur en vie.
Jenny a dit que quand elle n'avait que 5 ans, il ne se passait vraiment rien chaque fois qu'elle allumait la radio. Mes parents, tu sais, c'est notre amour à tous. De postes de télé et de cadillac, c'est pas ça qui va m'aider. Mais un beau matin...
Elle s'est branchée sur une radio de New York et elle n'en croit pas ses oreilles. Elle s'est mise à bouger sur cette super, super musique. Tu sais, sa vie a été sauvée par le rock'n'roll. Malgré tous les coups de l'heure, tu pouvais toujours danser au son de cette radio rock'n'roll. Jenny a dit quand elle avait 5 ans « Tu sais, mes parents vont être les meilleurs de nous tous. » 2 téléphones et 2 voitures de la cause.
...
L'Amérique de 1958, l'Amérique de la peur et de la guerre, de la menace. Et pour se sauver, rien que le rock'n'roll. À Freeport, Long Island, tout commence vraiment au lycée pour Lou Reed avec le premier groupe qu'il forme, The Jades.
Il a aussi écrit deux chansons avec un copain et signé chez Mercury pour un 45 tours. Il a 16 ans. Le disque passe chez DJ Murray Kaufman sur la station de radio 1010 Wins, New York. J'ai une radio allumée en permanence dans ma tête. Je l'ai entendue pour la première fois. Je devais avoir 14 ans. Je l'entends en ce moment même. C'est une station sur laquelle je suis le seul à être branché. Radio Lou. J'y entends des conversations, des histoires drôles, des poèmes.
Pays de Galles De l'autre côté de l'océan Atlantique, dans le sombre Pays de Galles, John Cale grandit dans la cité minière où il est né.
Son père travaille à la mine Jelly Seydrim, à Garnet, une terre noire, où l'on chante des hymnes qui demandent à Jésus que les faibles aient la force des conquérants pour vaincre la puissance des forts qui les écrasent. Même si on raconte que Merlin, le magicien de la cour du roi Arthur, est né tout près, un enfant d'ici sait ce qui l'attend. Pour John Cale, ce sera différent.
Sa mère est directrice de l'école du village. Elle fait des recherches en méthode pédagogique et elle a un seul objectif pour son fils. Oxford, Cambridge. Le Moul, Oxbridge. Je commence le piano classique à 3 ans, puis l'alto à 7. Au collège, j'écris ma première toccata dans le style de Cacciaturian. À 13 ans, je lis Russell, Bergson et Kant et le Capital de Marx dans le bus du collège. Et en même temps, je suis altiste au National Welsh Youth Orchestra.
L'orchestre joue dans tout le Pays de Galles la symphonie numéro 1 de Gustave Mahler. Mon sport préféré est le cross. Suracuse, Orange Bar, quartier de l'université. À l'université, je remplis mes cahiers de nouvelles et de poèmes. Je lis de la poésie, de la philosophie, ce qui ne m'empêche pas de répéter tous les jours avec le groupe de rock que j'ai monté. J'étais son professeur d'écriture créative.
à la University's College of Arts and Sciences de Syracuse, à 400 kilomètres de New York. Lou Reed était en troisième année de licence de lettres quand je l'ai rencontré. Il avait créé une revue littéraire. Je ne me souviens pas de son titre. Lonely Woman Quaterly. En hommage à Ornette Coleman et son saxophone alto, Selmer Mark Ford Coleman. Quelqu'un qui parle à son instrument, qui l'écoute.
comme ils le feraient d'un humain. En 1957, la ségrégation raciale a été officiellement abolie et neuf étudiants noirs sont admis à l'université de Little Rock à Kansas. Le gouverneur fait interdire leur entrée par la garde nationale. Pour faire respecter la loi, Eisenhower envoie la 101e division aéroportée qui les escorte jusque dans leur classe.
Honnête Coleman parle à cet Amérique de la guerre froide, prise de paranoïa destructrice, crispée par la peur d'une attaque atomique qui jette les enfants sous les tables d'école lors des exercices et qui s'attend à tout voir exploser d'une minute à l'autre, missiles et classe sociale. « Coleman, c'est comme si tu risquais ta vie à chaque note que tu joues. Quelque chose de si fabuleux. Qu'est-ce que les gens peuvent objecter à ça ? Lonely Woman, ma chanson favorite. »
Tout ce que j'ai entendu avant a disparu. Beauty is a rare thing. Il a tout changé. C'est à l'époque Hornet Coleman que j'ai rencontré Lou à Syracuse. Sterling Morrison et Lou Reed sont tous deux étudiants en littérature et ils viennent tous deux des banlieues classe moyenne de Long Island. Ils ont un autre point commun, la guitare électrique. Moi c'est Chuck Berry, T-Bone Walker, Jimmy Reed et Lightning Hopkins qui m'inspirent. Le soir, Lou joue à la guitare des mélodies tristes.
Parfois je me sens heureux.
Parfois je me sens si triste. Parfois je me sens si heureux. Mais le plus souvent, tu me rends juste fou. Et persiste. Tes yeux bleus pâles. Je te voyais comme mon sommet. Je te voyais comme mon apogée. Je te voyais comme tout ce que je n'ai pas su garder. Royaume uni.
Le fils de mineur, à présent étudiant à Londres, écoute BBC Third, Schönberg, Stockhausen, Maurice Jarre, Webern, Nono, Boulez. Et puis John Cage, qui aura un rôle considérable dans la vie de John Cale. « 4 minutes 33 secondes de silence, c'est ce qui fait la réputation de Cage, faire du silence une partie intégrante de la musique. Ce morceau me bouleverse totalement. »
Surtout, c'est un encouragement d'entendre parler de la musique en des termes aussi intelligents. À Londres, John Keyes suit le cursus au Goldsmith College qui prépare au professorat de musique. À Noël 1961, au concert de l'école, il joue le premier mouvement de la truite Schubert à l'alto. J'ignore totalement que les Rolling Stones jouent dans le pub du coin. Je préfère faire la connaissance de Cornelius Guardio qui m'ouvre les portes de la base londonienne de Fluxus.
La mouvance dans laquelle gravitent John Cage et la Monty Young. Suracuse, Orange Bar, quartier de l'université. À l'University's College of Arts and Science de Suracuse, en troisième année de licence de lettres, Camus, Hegel, Sartre, Kierkegaard sont au programme. Lou Reed, Lucie Chandler, Selby, Kerouac, Ginsberg and Burroughs et Joyce.
Son professeur d'écriture créative, Delmar Schwartz, en fait la lecture quand il se retrouve avec quelques étudiants à l'Orange Bar. Maintenant, on va se remettre au courant de nouveau et de se replonger au panorama de toutes les fleurs de langage.
si un être humain, doument fatigué par le charbon de ses occupations de la journée... Juif d'origine roumaine, né en 1913 à Brooklyn, comme Lou Reed, Delmar Schwartz est diplômé de Harvard.
À Syracuse, il est chargé des cours sur Yeats, Joyce, Dostoevsky, Keats et Shakespeare. Comme acteur, je suis nul. Parler, c'est la panique. Quant au journalisme, le professeur dit que mes articles sont trop personnels, pas assez objectifs. Mais le cours de littérature de Delmorgeois, ça c'est quelque chose. Si donc un tel être en ce instant, uniquement réel de futile préterite,
suivant un état d'examen suspensif. Je l'admire. Quand je rencontre Delmore Schwartz, il est déjà sur le déclin, alcoolique et à moitié dingue. Mais je n'ai jamais entendu quelqu'un d'aussi brillant. Il a tout lu. Il est incroyablement drôle. Je suis tous ses cours. Quoi qu'il enseigne, je suis là. Je ne me quitte pas d'une semaine. Si donc un tel être était gratifié,
d'une vue auriculaire de Dublin Higgs. Est-ce que dans cette nuit sans pareil, passer dans un premier temps de silence en un état seconde de sommeil ? Louis, une fois par semaine, se rend à la station de radio du campus pour y faire son émission « Excursion on a Wobbly Rail », titre d'un morceau de Cecil Taylor.
Dans le studio derrière la baie Vitrée, la radio va emporter les étudiants de Syracuse loin dans la nuit grâce à Arnold Coleman, Archie Shett, Ike and Tina Turner, James Brown. Lou passe aussi du « do what ».
Ce qu'il préfère, les polyphonies vocales. Et Delmont Schwartz, à Laurent Schwartz, parle des polyphonies vocales de Joyce. « Ce nylon de nambes s'y saillant autour d'une tête de femme fumée, s'agitant instable dans son sein à cheval vers la mer. »
Dévalons par tout un roncevaux de vallées rivales, Simultanément éveillant Shakespeare au désastre. Finnegan shake again, et la beauté tisse les fils pâles de son sueur. Le rose rouge et la orangée deviennent jaunes et verts, Et le regard perçant semble perdu dans ses lettres.
et se défaire comme un tapisserie dans tout cet obscurantisme ? Réponse. C'est un collédioscope. Je n'ai jamais réussi à lire Finnegan's Wake de Joyce, mais quand Schwartz en déclame quelques pages à l'Orange Bar, je comprends tout. Il y a peu de choses meilleures dans l'existence.
que de se consacrer entièrement à Joyce. En 1937, dans le premier numéro de la revue freudo-marxiste anti-stalinienne Partisan Review, Delmore Schwartz avait publié une nouvelle saluée par Ezra Pound et Williams Carlos Williams. Dans les rêves commencent les responsabilités. Un texte qui fait seulement cinq pages. Je le lis et le relis.
Je me dis que c'est extraordinaire d'arriver à cela dans une langue toute simple. Et un jour, je comprends. Je comprends ce que je veux réaliser. Écrire des chansons rock avec des textes littéraires. L'idée est banale, mais personne ne l'a encore jamais fait. Je me suis libérée. J'étais bloquée par le souvenir des nuages du passé.
Maintenant, je suis libre. Libre de trouver une nouvelle illusion. J'étais aveugle. Et maintenant, je peux voir ce qui m'est arrivé en réalité. Le prince des contes qui marche à mes côtés. Et maintenant, je suis libre. Libre de trouver une nouvelle illusion. New York.
A Londres, ma formation classique se termine. J'entretiens depuis quelques temps une correspondance avec John Cage qui m'écrit de Stony Point, près de New York. Au matin du 7 juillet 1963, muni de la carte verte qui m'autorise à travailler, accompagné à Israël par mon père, mineur de fond, et ma mère, institutrice, je m'envole pour les Etats-Unis dans un avion de la Panaméricaine.
J'ai obtenu la bourse Leonard Bernstein pour assister à un séminaire d'été dirigé par Yanis Xenakis au Berkshire Music Centre de Tanglewood, dans le Massachusetts. En septembre, je m'installe à New York. C'est la musique du silence de John Cage qui m'a conduit là. Apparition d'une ville à la puissance démesurée.
Une ville qui ne dort jamais. Nuit et jour, les vapeurs des systèmes d'aération déversent leurs odeurs dans l'humidité de l'été. La ville dont j'ai rêvé toute mon enfance, où je pourrais tout accomplir dans la plus grande visibilité. Je suis fou amoureux de tout ce qui est disponible dans cette ville et de tout ce qui est caché.
L'Underground. À New York, dans l'Underground, la Monty Young développe une musique classique expérimentale basée sur l'amplification électrique et les notes tenues. Je dois réellement trouver quelque chose qui justifie mon existence. Je travaille dans une librairie grâce à John Cage. Il m'a donné le numéro de la Monty. Je le rencontre. La Monty décide de m'intégrer à sa formation. Le Theatre of Eternal Music.
Le théâtre de la musique éternelle. De lui, j'apprendrai l'essentiel, la discipline du travail quotidien. Le 30 octobre 1964, John Cale enregistre ses premières bandes avec la montie dans le cadre du projet Dream Syndicate. Le 22 novembre 1963, à Dallas, John Kennedy est assassiné. Lou Reed traîne ce jour-là du côté de Harlem, au nord de Manhattan, le centre de la lutte pour les droits civiques à l'époque.
là même où Malcolm X sera assassiné dans quelques mois. J'ai rêvé que j'étais le président de ces Etats-Unis. J'ai rêvé de remplacer l'ignorance, la stupidité et la haine. J'ai rêvé l'union parfaite et une loi parfaite, incontestable. J'ai rêvé que j'étais intègre et juste envers tous.
J'ai rêvé que je n'étais ni répugnant, ni indigne, ni corrompu. Et tout ce que j'avais rêvé, je l'ai oublié le jour où John Kennedy est mort. Je me souviens où j'étais ce jour-là. J'étais en banlieue nord dans un bar. L'équipe de l'université jouait au football à la télé.
Puis l'écran est devenu noir et l'annonceur a dit « Il y a eu une tragédie. Il y a des informations non confirmées selon lesquelles on a tiré sur le président et qu'il est mort ou mourant. Dans le bar, les conversations se sont tuées et quelqu'un a crié « Quoi ? » Je me suis précipité dans la rue. Les gens étaient partout rassemblés. Avez-vous entendu ce qu'ils ont dit à la télévision ?
Et puis un gars dans une Porsche, radio allumée, a klaxonné et nous a donné la nouvelle. Il a dit « Le président est mort. Il a été abattu de deux balles dans la tête à Dallas. Ils ne savent pas par qui. »
J'ai rêvé que j'étais le président de ces Etats-Unis. J'ai rêvé qu'il y avait un sens à la vie et à l'espèce humaine. J'ai rêvé que je pourrais comprendre que quelqu'un lui ait tiré en plein visage. Le jour où John Kennedy est mort.
À ce moment-là, Lou Reed a quitté l'université de Syracuse et travaille depuis la fin de l'été chez Pickwick Records. On est bouclé par équipe de quatre dans les studios Pickwick sur la 43ème pour écrire à la chaîne 10 chansons californiennes ou 10 morceaux style Motown. On enregistre 3, 4 albums dans la foulée. « The Austriche », c'est venu comme ça. Le refrain, tu mets la tête sur le plancher et quelqu'un te marche dessus. Pickwick Records a pensé que ça pouvait faire un bon single.
et ils ont inventé un groupe pour la pochette du disque : The Primitives. Le disque sort. L'émission pop American Bandstand veut The Primitives à la télé. Le groupe n'existe pas. Un producteur de chez Pickwick est désigné pour le constituer. Je le rencontre dans une fête quelque part dans l'East Side. Il pense avoir affaire à un musicien pop, à cheveux longs, style British Invasion. Il me présente Lauride. Il est né le 2 mars 1942. Moi, le 9.
On a 22 ans. J'ai regardé ce type, genre Chopin jeune et accent gallois à couper au couteau. Il disait au producteur de chez Pickwick qu'il était d'accord pour jouer dans The Primitives, que ce serait sûrement drôle à faire. Je me suis avancé pour lui serrer la main. Lou Reed. Mon nom est Kay. Vous pouvez m'appeler John. C'était Lou Reed, les années velvettes, de Christine Spianti.
Premier épisode, Radio Lou. Avec Andrea Schiffer, la voix de l'époque, Quentin Bayou, l'ouride, Nicolas Buchout, John Cale, Bastien Bouillon, Sterling Morrison, Geoffrey Carré, Delmore Schwartz et Elodie Hubert pour la voix anglaise. Conseillère littéraire, Emmanuelle Chevrière. Équipe de réalisation, Pierre Monteil, Éric Villanfin, Sophie Pierre, Jean-Mathieu Zande. Demain, deuxième épisode, réalisme expérimental.