Marianne accepte sur le champ.
espérant y retrouver Willoughby. Quelques jours après que Willoughby ait déposé sa carte de visite chez Mrs Jennings, Marianne n'avait toujours reçu aucun signe de lui, aucune lettre de sa part. Les deux sœurs devaient accompagner Lady Middleton à une réception à laquelle Mrs Jennings ne pouvait aller. Marianne, qui était découragée, qui se négligeait et qui se moquait bien d'y aller ou non, se prépara pour cette réception, le regard terne et sans joie. Vous allez voir, cette demeure est délicieuse.
Elles arrivèrent sur place à l'heure dite, gravirent l'escalier, entendirent prononcer leur nom haut et fort d'une pièce à l'autre,
et entrèrent dans un salon magnifiquement éclairé, noir de monde et où il faisait une chaleur étouffante. Après s'être inclinées poliment pour saluer la maîtresse de maison, elles purent se mêler à la foule et subir à leur tour la chaleur et le désagrément auquel leur arrivée ne pouvait que contribuer un peu plus. Après quelques temps passés à dire trois fois rien et à en faire encore moins, Lady Middleton s'assit pour jouer au casino.
Et puisque Marianne n'était pas d'humeur à déambuler d'une pièce à l'autre, elle et sa sœur s'installèrent non loin de la table de jeu après avoir eu la chance de trouver une chaise. Elle n'était pas assise depuis bien longtemps lorsque Elinor aperçut Willoughby, debout à quelques mètres d'elle deux, en pleine conversation avec une jeune femme habillée à la dernière mode. Elle croisa bientôt son regard et il lui adressa aussitôt un salut de la tête,
Sans toutefois esquisser le moindre mouvement pour venir lui parler ou s'approcher de Marianne, même s'il lui était impossible de ne pas la voir, il continua à s'entretenir avec la même jeune femme. C'est immense. Grand Dieu. Il est là. Il est là !
Pourquoi ne me regardes-tu pas ? Pourquoi ne puis-je pas lui parler ? Je t'en prie, ne me regardes-tu pas ? Ne me regardes-tu pas de faire étalage de tes sentiments devant tout le monde ? Tu n'as peut-être pas... Elle n'en croyait néanmoins elle-même pas un mot. Et il fut dès lors impossible et impensable pour Marianne de maîtriser ses nerfs. Je vais y aller. Je vais y aller.
Oui, Louby. Bonsoir, Miss Dashwood. Comment se porte, Miss Dashwood ? Et depuis combien de temps êtes-vous donc toutes les deux à Londres ? Voyons, oui, Louby. Qu'est-ce que tout cela signifie ? Vous n'avez donc pas vu mes lettres ? Vous ne me serrez pas la main ? Il ne put alors plus l'éviter.
Mais ce contact parut lui être pénible, et il ne lui retint que très brièvement la main. Pendant ce temps, il était évident qu'il faisait tout pour retrouver son calme. Je me suis permis de passer à Berkeley Street mardi dernier. J'ai beaucoup regretté de ne pas avoir eu la chance de vous trouver chez vous, vous et Mrs Jennings. Dites-moi, ma carte n'aurait pas été égarée, j'espère ? Mais vous n'avez donc pas eu mes billets ? Il y a certainement eu un malentendu. Un terrible malentendu ?
Qu'est-ce que tout ceci peut bien vouloir dire ? Dites-moi, Willoughby, pour l'amour du ciel, dites-moi que se passe-t-il ? Oui, j'ai eu le plaisir d'apprendre votre arrivée en ville, donc vous avez eu l'amabilité de m'informer. John, allons boire un verre de brandy. On va le trouver, l'innorant.
Et force lui à venir me voir. Dis-lui que je dois immédiatement lui parler. Je n'aurai pas un seul instant de paix tant que je n'aurai pas d'explication. Ou il s'est produit un terrible malentendu ou bien... Va le voir tout de suite. Comment veux-tu que je fasse ? Oh Marianne chérie, il faut attendre. C'est un lieu mal choisi pour s'expliquer. Attends au moins demain. Oui ?
D'ailleurs, il s'en va. Marianne, garde ton calme, je t'en prie. Eleanor va demander à Lady Middleton de nous raccompagner chez nous. Je me sens trop mal pour rester ne fût-ce qu'une minute de plus. Elle va nous raccompagner, Marilou. Je...
Le trajet jusqu'à Berkeley Street se fit dans un silence de plomb. Marianne, les dents serrées, était en proie au pire tourment et n'avait même pas la force de pleurer. Mrs Jennings n'étant fort heureusement pas encore rentrée, elles purent se rendre directement dans leur chambre. Marianne fut bientôt déshabillée et mise au lit,
Et comme elle semblait vouloir qu'on la laisse seule, sa sœur partit. En attendant le retour de Mrs Jennings, Elinor eut tout le loisir de réfléchir à ses dernières péripéties. Elle était sûre qu'un vague projet de fiançailles avait été envisagé entre Willoughby et Marianne, que Willoughby se fût lassée ne semblait pas moins évident. Même si Marianne pouvait encore prendre ses désirs pour des réalités, elle-même trouvait impossible d'attribuer un tel comportement à une quelconque incompréhension ou un malentendu.
Ses sentiments avaient dû changer du tout au tout, c'était là la seule explication rationnelle. L'absence avait peut-être affaibli son affection, et l'intérêt avait pu contribuer à les lui faire oublier, mais que des sentiments aient effectivement existé entre eux, cela, elle en était absolument certaine. Le lendemain, avant que la femme de chambre ait allumé le feu, ou que le soleil ait réchauffé cette froide et morne matinée de janvier...
Marianne, qui n'était qu'à moitié habillée, s'était agenouillée sur l'une des banquettes situées au-dessous des fenêtres pour bénéficier du peu de lumière qu'elle procurait, et elle écrivait aussi vite que le flot continu de ses larmes le lui permettait. C'est dans cette position qu'Elinor, tirée de son sommeil par l'agitation et les sanglots de sa sœur, la trouva. Marianne, je peux te poser une question ? Non, Elinor, ne me demande rien. Tu sauras bientôt tout. Ne m'adresse surtout pas la parole.
Après le petit déjeuner, on apporta une lettre pour Marianne qu'elle prit fébrilement des mains du domestique avant de quitter immédiatement la pièce en courant, blanche comme un linge. J'aimerais bien savoir de qui ça peut être. Elinor n'avait pas eu besoin de lire l'adresse pour comprendre qu'elle devait être de Willoughby et elle sentit alors monter en elle un vertige qui l'empêcha de se tenir droite. Croyez-moi, de ma vie, je n'ai jamais vu jeune femme aussi désespérément amoureuse.
J'espère du fond du cœur qu'il ne va pas la faire attendre beaucoup plus longtemps. Car on a peine à la voir si malade et désemparée. Savez-vous quand ils ont prévu de se marier ? Chère madame, je vous jure que rien ne pourrait plus me surprendre que la nouvelle de leur mariage. De grâce, de grâce, Miss Dashwood !
Comment pouvez-vous parler ainsi ? Est-ce qu'on n'est pas tous autant que nous sommes au courant que ce mariage doit avoir lieu et qu'ils sont tombés follement amoureux l'un de l'autre du jour où ils se sont rencontrés ? Allons, allons. Vous ne m'aurez pas... Mais madame, vous faites fausse route. Vous nous rendez un très mauvais service en répandant ce bruit. Et vous serez amenée un jour à le reconnaître si vous ne me croyez pas maintenant. » Mrs Jennings se remit à rire. Mais Elinor n'était pas d'humeur à en dire davantage.
Brûlant de savoir ce que Willoughby avait pu écrire, elle se précipita dans la chambre où, après avoir ouvert la porte, elle vit Marianne affalée sur le lit, quasiment asphyxiée par le chagrin, une lettre à la main et deux ou trois autres posées à côté d'elle. « Cher Elinor Lee ! » « Longstreet, janvier. Chère mademoiselle. »
Je viens d'avoir l'honneur de recevoir votre lettre dont je vous accuse bien sincèrement réception. Je suis tout à fait désolée d'apprendre qu'il ait pu y avoir quelque chose qui vous aura déplu dans mon comportement d'hier au soir. Et bien que je ne comprenne pas en quoi j'ai pu avoir le malheur de vous offenser, je vous prie de bien vouloir pardonner ceux qui, je vous l'assure, n'avaient rien d'intentionnel de ma part. J'éprouve pour toute votre famille l'estime la plus sincère. Mais...
Si j'ai eu le malheur de vous laisser croire que je ressentais ou que j'exprimais davantage de choses que je n'en éprouvais, alors je ne puis que me reprocher d'avoir pu avoir l'imprudence de vous les laisser penser. Quant à l'idée que je puisse avoir jamais voulu vous faire entendre davantage, vous m'accorderez que la chose est impossible quand vous saurez que mes sentiments sont depuis longtemps promis à une autre. Et qu'est-ce que je sais ? Ce n'est plus là qu'une affaire de quelques semaines avant que cet engagement se concrétise.
C'est avec le plus grand regret que je me soumets à l'ordre que vous me donnez de vous retourner les lettres dont vous m'avez honoré, ainsi que la mèche de cheveux que vous m'avez si obligément offerte. Je reste chère mademoiselle votre très fidèle et très humble serviteur, John Willoughby. C'est impossible ! On imagine l'indignation d'Elinor à la lecture de pareilles lettres. Avant même de commencer à la lire, elle se doutait bien que Willoughby devait y avouer son inconstance et confirmer leur rupture définitive.
Il était néanmoins pour elle impensable qu'on puisse l'annoncer de cette manière. Elle ne s'était pas non plus imaginée qu'il pût avoir le front de faire preuve de si peu d'honneur et de délicatesse, et de ce qui ressemblait si peu à ce qu'on peut attendre d'un gentleman, pour oser envoyer une lettre si impudemment cruelle, une lettre dont chaque ligne était une insulte, et qui montrait que son auteur était quelqu'un d'aussi irrémédiablement que profondément cynique. « Eleanor ! »
Tu n'as pas idée à quel point je souffre. Il n'existe aucun remède à la peine qui est la mienne. Tu ne devrais pas dire des choses pareilles, Marianne. Pense un peu à la souffrance qui aurait été la tienne si le masque était tombé plus tard. Si vos fiançailles avaient traîné des mois et des mois, comme cela aurait parfaitement pu arriver avant que Willoughby décide de les rompre. Des fiançailles ? Mais il n'y a pas eu de fiançailles. Comment cela, pas de fiançailles ? Mais il t'a dit qu'il t'aimait. Oui. Non. Non.
Jamais directement. C'était toujours sous-entendu. Mais il n'a jamais rien déclaré ouvertement. J'ai parfois pu imaginer qu'il l'avait dit, mais cela n'a jamais été le cas. Et pourtant, tu lui écrivais ? Oui. Je me suis sentie aussi solennellement fiancée à lui que si nous avions été liées l'un à l'autre par le contrat légal le plus strict. Je te crois.
Mais il n'avait malheureusement pas les mêmes sentiments que toi. Bien sûr que si, Elinor. Il a ressenti la même chose que moi pendant des semaines et des semaines. J'en suis sûre et certaine. Cette mèche de cheveux, dont il peut à présent si aisément se défaire, c'est en me suppliant de la manière la plus sincère qui soit qu'il me l'a demandé. Si tu avais vu son regard et son attitude, si tu avais entendu sa voix à ce moment-là. La mèche de cheveux que vous m'avez si obligément offerte ? Oui, Lobby ?
Où donc était votre cœur quand vous avez écrit ces mots-là ? Quelle cruauté dans l'affront ! Elinor, peut-on lui trouver la moindre excuse ? Non, Marianne, pas la moindre. Elinor, je suis si malheureuse ! Toute la journée et la soirée qui suivirent, Elinor encouragea sa sœur à exprimer autant que possible ce qu'elle ressentait.
et elles eurent tout le loisir de revenir sur le sujet avec, comme avant, la même conviction inébranlable et les mêmes conseils affectueux chez Elinor, les mêmes sentiments impétueux et les mêmes opinions changeantes chez Marianne. Tantôt, elles s'imaginaient un Willoughby aussi malheureux et innocent qu'elle, tantôt elles s'affligeaient de ne pas pouvoir le dédouaner. Il y avait toutefois une chose sur laquelle elles ne variaient pas quand on abordait le sujet,
Il fallait, si possible, éviter la présence de Mrs Jennings, qui avait été mise au courant de la situation, et garder obstinément le silence quand on ne pouvait faire autrement que de la supporter. En son fort intérieur, elle se refusait absolument à croire que Mrs Jennings fut capable d'éprouver la moindre compassion pour ses malheurs. « Il lui est impossible de ressentir quoi que ce soit, Eleanor. Ne confondons pas sa courtoisie avec de la compassion, sa bonne humeur avec de la tendresse. »
Tout ce qu'elle veut, ce sont des ragots et elle ne s'intéresse à moi que parce que je lui en fournis. Le lendemain matin, un incident se produisit quand les deux sœurs se trouvaient ensemble dans leur chambre, juste après le petit déjeuner, qui amoindrit encore le peu d'estime que Marianne avait pour Mrs Jennings. Étant donné son état de faiblesse, son initiative n'allait pas manquer de réveiller ses souffrances, même si Mrs Jennings était en cela animée des meilleures intentions du monde. Tenez ma petite !
« Je vous apporte une lettre qui va vous faire du bien, j'en suis sûre. » Il n'en fallut pas davantage à Marianne. Elle s'imagina aussitôt avoir reçu une lettre de Willoughby, pleine de tendresse et de contrition, expliquant tout ce qui s'était passé de façon aussi satisfaisante que convaincante. Instantanément suivie d'un Willoughby, se précipitant fougueusement dans la pièce pour se jeter à ses pieds et lui confirmer avec toute l'éloquence de son regard tout ce dont il l'assurait dans sa lettre. Ce qu'un moment avait fait naître...
fut anéantie par le suivant. Elle avait sous les yeux l'écriture de sa mère, qu'elle avait toujours accueillie avec plaisir jusque-là. Mais sa déception fut telle qu'il lui sembla qu'elle faisait là l'expérience de la souffrance pour la première fois de son existence. Quand Marianne se fut suffisamment calmée pour être capable d'en prendre connaissance, cette lettre ne la réconforta en rien. Le nom de Willoughby figurait sur chaque page. Sa mère les croyait toujours fiancées. Et dans ses mots,
Il transpirait tant de tendresse, d'affection pour Willoughby et toute la confiance qui était la sienne dans le bonheur qui n'allait pas manquer de découler de leur future union que Marianne, au supplice, s'englota tout au long de sa lecture. « Léonore, je veux rentrer chez nous. Je veux partir d'ici. Je veux revoir maman. » « Attendant de connaître sa volonté, Marianne. Je vais lui écrire ce matin. »
Mrs Jennings les quitta plus tôt que d'habitude, car il lui était impossible d'aller bien tant que les Middleton et les Palmer ne partageaient pas son affliction. Le cœur très lourd, consciente de la peine qu'elle allait infliger, Elinor se mit alors à écrire à sa mère pour lui dire ce qui s'était passé et lui demander ce qu'elle devait dorénavant faire, tandis que Marianne, qui était venue dans le salon, resta à la table où Elinor écrivait.
qui cela peut-il bien être et sitôt je pensais qu'on serait tranquilles c'est le colonel brandon il ne fichera donc jamais la paix il ne va pas entrer en l'absence de mrs jennings je n'en mettrai pas ma main à couper un homme qui n'a rien à faire de ses journées n'a pas conscience de déranger les autres même si elle se trompait et se montrait un peu injuste la suite devait lui donner raison car le colonel brandon entra bel et bien persuadé que c'était le souci qu'il se faisait pour marianne qui la menait là
Un souci qu'elle croyait pouvoir lire dans son air troublé et mélancolique, et dans la manière brève mais inquiète dont il prit de ses nouvelles, Elinor en voulut à sa sœur de faire preuve d'une telle désinvolture à son égard. « J'ai rencontré Mrs Jennings dans Bond Street et elle m'a encouragé à passer. Cela d'autant plus qu'il était probable que je vous trouverais seule, ce que j'espérais par-dessus tout. Je suis au courant du mariage de Mr Willoughby. L'estime que j'ai pour Marianne, pour vous, pour votre mère...
Me permettrez-vous de vous en donner la preuve en vous relatant des circonstances que rien d'autre que le désir profond de rendre service m'amène à raconter ? Je crois comprendre. Vous avez quelque chose à me dire au sujet de Mr. Willoughby qui va me permettre d'en savoir un peu plus sur lui. Cela sera pour moi le plus grand gage d'amitié qu'on puisse offrir à Marianne. Je vous en prie, asseyez-vous, dites-moi tout. Vous allez trouver que je suis un bien mauvais conteur, Miss Dashwood ?
Car je ne sais pas où commencer. Vous avez sans doute oublié une conversation que nous avons eue un soir à Barton Park. C'était lors d'un bal. Une conversation au cours de laquelle j'avais fait allusion à une jeune femme que j'avais connue jadis. Et qui, d'une certaine manière, ressemblait à votre sœur Marianne. Je ne l'ai pas oubliée. J'ai aimé passionnément cette jeune femme. Et ce fut réciproque. Mais lorsqu'elle eut 17 ans, je la perdis à jamais. Elle fut mariée contre sa volonté à mon frère qui ne l'aimait pas et la traita durement dès le début.
La conséquence sur une âme aussi jeune, aussi inexpérimentée que celle de Mrs. Brandon ne fut que trop logique. Deux ans plus tard environ, j'appris qu'elle avait divorcé et qu'elle s'était enfoncée dans une vie de débauche. Et à mon retour, lorsqu'après de longues recherches, je réussis à la retrouver, elle était au dernier stade de la tuberculose. Je fus à ses côtés pendant ces derniers instants.
Avant de mourir, elle me confia la garde de son unique enfant, une petite fille qui était le fruit d'un adultère et qui avait alors environ 3 ans. Mais je n'avais ni famille ni maison et la petite Elisa fut donc mise en pension. Il y a maintenant 3 ans, elle venait d'avoir 14 ans, je la retirai de cet établissement pour la confier au bon soin d'une femme très respectable qui habitait le Dorset et qui avait la responsabilité de 4 ou 5 autres jeunes filles du même âge. Pendant 2 ans, j'ai eu toute raison d'être satisfait de cette situation.
Mais en février dernier, il y a presque un an de cela, Elisa a subitement disparu. Alors que je lui avais donné l'autorisation de se rendre à Bath avec une de ses jeunes amies et son père. Ce dernier restait généralement chez lui, laissant les filles faire la connaissance de qui elle voulait. Seigneur, se pourrait-il ? Tout ce que j'ai réussi à savoir à l'époque, c'est qu'elle était partie. Et pour tout le reste, j'ai huit mois durant été réduit à de simples conjectures. S'agit-il de Willoughby ? C'est bien lui.
Les premières nouvelles que j'ai eues d'Elisa me sont parvenues grâce à une lettre qu'elle m'a écrite en octobre dernier. Cet homme a commis ce qu'aucun homme capable de la moindre compassion ne ferait subir à l'un de ses semblables. Il a abandonné, dans la pire des situations, une jeune fille dont il a ravi la jeunesse et l'innocence. Sans maison où aller, sans aide, sans amis. Le tout en partant sans laisser d'adresse. Il l'a quittée en promettant de revenir. Il n'est jamais revenu, n'a jamais écrit, ne lui a jamais prodigué le moindre secours. Je dépasse tout.
Vous connaissez à présent le personnage. Dépensier, dépravé, pire encore. Désormais au courant de tout cela, depuis plusieurs semaines, vous devinez ce que j'ai pu ressentir quand j'ai vu que votre sœur était plus que jamais prise de lui. Et ce que j'ai pu redouter pour vous quatre quand on m'a affirmé qu'il était question qu'elle l'épouse. Souffrir de vous voir aussi abusé, de voir votre sœur. Mais que pouvais-je faire ? Je n'avais pas le moindre espoir de pouvoir m'interposer efficacement.
Et j'ai parfois pensé que l'influence de votre sœur pourrait encore le faire revenir. Mais après un comportement si déshonorant, qui peut dire aujourd'hui ce qu'étaient ses intentions vis-à-vis d'elle ? Je vous suis sincèrement reconnaissante, colonel, de m'avoir confié tout cela. Ses révélations vont avoir sur Marianne des effets salutaires. Les efforts qu'elle a faits pour dédouaner Mr. Willoughby m'ont fait de la peine plus que tout. Car ils ont beaucoup plus mis ses nerfs à l'épreuve que si elle avait véritablement pris conscience de l'infamie qui est la sienne. Désormais...
Même si elle va beaucoup souffrir au début, elle sera bientôt plus tranquille. Avez-vous revu Mr. Willoughby depuis votre départ de Barton ? Oui, je l'ai revu. Une fois. Une telle rencontre était inévitable. Comment ça ? Vous l'avez rencontré pour... Pourquoi d'autre, Audrey, vaut que je le rencontre ? Elisa m'avait bien à contre-cœur avoué le nom de son amant. Et lorsqu'il est rentré à Londres une quinzaine de jours après moi, nous avons convenu d'un rendez-vous. Lui pour défendre son honneur, moi pour le punir de sa conduite.
Aucun de nous deux n'ayant été blessé à l'issue de ce duel, la chose ne s'est donc jamais ébrutée. Le colonel Brandon mit fin à sa visite, non sans avoir à nouveau reçu d'Elinor des remerciements emprunts de reconnaissance. Et il la quitta en la laissant pleine de compassion et d'estime à son endroit. Merci, Miss Dashwood. Au revoir. Au revoir.
Traduction Sophie Chiari, adaptation Juliette Eman. Sixième épisode avec Elodie Hubert, la narratrice, Mélissa Barbeau, Elinor, Hélène Morelli, Marianne, Antona Meier-Eskere, Willoughby, Stéphanette Martelet, Lady Middleton, Laurent Ménoré, Colonel Brandon, Marie-Bénédicte Roy, Mrs Jennings.
Conseillère littéraire, Emmanuelle Chevrière. Musique originale et piano, Denis Chouillet.
Violon Floriane Bonany, violoncelle Renaud Guilleux. Bruiteuse Élodie Fiat, assistée de Eleonore Malot et Aurélien Bianco. Prise de son, montage, mixage, Claire Levasseur et Éric Villanfin. Assistante à la réalisation Céline Paris, réalisation Juliette Eman. Raison et sentiments de Jane Austen, dans la traduction de Sophie Chiari, est édité chez Le Livre de Poche.