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cover of episode "Sans moi" de Marie Desplechin 6/10 : Confessions

"Sans moi" de Marie Desplechin 6/10 : Confessions

2025/6/15
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Le Feuilleton

AI Deep Dive AI Chapters Transcript
People
N
Narrateur
O
Olivia
S
Suzanne
É
Étienne
Topics
叙述者:我与前男友帕特里克的痛苦恋情结束后,开始与一位年轻的摄影师Gaëtan交往。我和奥利维亚的生活逐渐恢复平静,我们不再沉迷于毒品,而是用酒精麻痹自己。奥利维亚在性方面采取了与毒品不同的策略,她更喜欢逐渐坦白,这让我感到安心。我意识到别人的坦白就像冰山一样,逐渐显现,而奥利维亚的过去也像冰山一样,逐渐浮出水面,让我感到震惊和担忧。我和奥利维亚的关系非常亲密,她一直在我身边支持我,在我痛苦的时候陪伴我,直到我平静下来。我非常感激她对我的帮助和支持,也为她的过去感到心疼。 在与Étienne的谈话中,我得知奥利维亚具有很强的自嘲能力,即使在经历痛苦的事情后,她也能以乐观的态度面对生活。这让我更加钦佩她的坚强和勇气。 奥利维亚的过去充满了创伤和痛苦,她经历过被强奸和被烧伤,但她从未向警察报案,因为她害怕受到更糟糕的对待。她对法律和正义的理解也与常人不同,她只相信强者的规则。 奥利维亚与Lerouillis夫人的关系也让我感到困惑,她似乎在Lerouillis夫人身上找到了某种慰藉和归属感,即使Lerouillis夫人对她的遭遇视而不见。 最终,奥利维亚的过去和现状都让我感到震惊和心疼,我也开始反思我们对社会组织的看法和对弱势群体的保护。 奥利维亚:我和叙述者现在的生活都比较正常,不再沉迷于毒品。我觉得Gaëtan很帅。我和帕特里克已经结束了,虽然有点可惜,但我更重要的是开心。叙述者与帕特里克分手让我感到安心,因为我知道她经历了很多痛苦。我总是默默地陪伴在她身边,直到她平静下来。我用一杯咖啡来安慰她的痛苦。我觉得叙述者工作非常努力,而且很棒。 我曾经睡不着觉,因为叙述者和别人在一起,我总是期待她邀请我加入。在性方面,我更喜欢逐渐坦白,而不是一次性地全部说出来。 我被强奸和烧伤,但我没有报案,因为我害怕受到更糟糕的对待。我并不相信法律和正义,我只相信强者的规则。 Lerouillis夫人对我来说很重要,她是我在童年时期唯一可以依靠的人,即使她对我的遭遇视而不见。 我经常生病,我吃了很多百忧解,如果我停止服用,我会陷入地狱般的低谷。这都是因为我妈妈,她太脆弱了,把她的基因传给了我。我经常肚子疼,头晕,我怀疑这可能是阴道感染引起的,可能是小时候被塞进木棍感染了。我的妇科医生总是让我吃抗生素,我觉得他不可靠。 我这个周末要去看Lerouillis夫人,只是想和她打个招呼。 Étienne:奥利维亚有很强的自嘲能力,即使在经历痛苦的事情后,她也能以乐观的态度面对生活。我记得有一次,她来到我的办公室,歇斯底里地大笑,说她不知道发生了什么。她的笑声很有感染力,我也跟着笑了。我刚被强奸了。

Deep Dive

Chapters
This chapter details Olivia's recovery from drug and alcohol abuse and the narrator's new relationship with Gaëtan. It contrasts Olivia's gradual approach to confession with her past struggles, highlighting the narrator's relief and happiness.
  • Olivia's recovery from drug and alcohol addiction
  • Narrator's new relationship with Gaëtan
  • Contrast between Olivia's past and present behavior

Shownotes Transcript

France Culture.

Enfin, uniquement les personnes présentables, ça va sans dire. Nous étions maintenant au milieu du mois de décembre. Et l'on pouvait dire que notre communauté familiale avait acquis une forme de sérénité. Les soirs de semaine, nous dînions vers 8h. Nous nous levions en général à 7h30 du matin. J'avais définitivement rompu avec Patrick et son carnaval de douleurs enchantées. A la place, j'avais mis dans mon lit tout chaud un photographe, plus jeune que moi, et nostalgique du grain d'argent. Il s'appelait Gaëtan.

Olivia ne se droguait plus, du moins pas à ma connaissance. Elle avait aussi cessé de s'empiffrer. L'alcool était notre sédatif, notre psychotrope commun. Il n'y avait rien de festif dans notre consommation courante. Je ne voyais pas beaucoup de différence entre une bouteille d'alcool et une boîte de Lysanxia. Je crois que nous pouvions désormais passer l'une et l'autre pour deux personnes à peu près normales. Ça va, il est gentil, il y a le temps. Très. Pas chiant. En plus, je le trouve beau. Et toi, qu'est-ce que tu en penses ? Ouais, il est plutôt beau, ouais.

Et Patrick, t'as des nouvelles ? Non, non, non, Patrick, c'est fini. Dommage. Dommage, j'aimais bien ton sourire. Enfin, c'est pas grave. Ouais, l'important, c'est que tu sois contente. T'es contente, moi ? Très contente. Bon, tu m'aides à changer les draps ? Quand j'y repense, je me dis que les confessions d'autrui émergent un peu comme les icebergs. D'abord, on voit le sommet sortir de la flotte. On se fait la remarque, tiens, il y a un petit morceau de glace là, je vais le contourner.

Mais pendant qu'on croit le contourner, on ne fait que rester à côté. Et l'iceberg, lui, poursuit son ascension. On n'avait rien vu venir et soudain, il est là, énorme, bouchant l'horizon. Il donne le vertige. Je l'avais croisé à plusieurs reprises chez Olivia, ce sommet enneigé de l'iceberg. Et je l'avais toujours vaillamment négligé. Je crois que c'est à cette époque-là qu'à force de regarder ailleurs, j'ai fini par me planter le nez dans la glace.

C'est au début, quand t'étais avec un mec, j'arrivais pas à m'endormir. Tu peux tirer un petit peu sur la couette, là ? Merci. J'attendais le moment où tu me demanderais d'aller au pieu avec vous. Je venais d'empoigner l'oreiller. Pendant une fraction de seconde, je suis restée figée comme une statue. Parce qu'avant, ça se terminait toujours comme ça pour moi. Au pieu. Olivia a adopté avec le sexe une tactique différente de celle qui lui avait réussi pour la drogue. À la confession héroïque et brutale, elle préférait des aveux progressifs.

Compte tenu de ce que j'avais à entendre, je préférais cette façon de procéder. Ma rupture avec Patrick nous ouvrait la voie. Elle savait combien j'en avais bavé. Elle m'avait vue plus d'un soir assise dans la cuisine en train de pleurer comme le zambèze. Elle n'avait jamais essayé de fuir. Elle restait à mes côtés jusqu'à ce que je m'apaise. Elle ne me quittait que lorsqu'elle m'avait vue articuler deux mots et sourire. Alors elle montait se coucher.

Je me roulais en boule dans mon lit. Sa chambre était juste au-dessus de la mienne. Je fermais les yeux, en écoutant son pas, et en espérant que le lendemain matin, il serait là. Elle, ses clopes et son café. Et le matin, à mon émerveillement, elle était là. Tiens, fais attention de ne pas te brûler. Plus d'une fois, Olivia a écopé ma douleur avec une tasse de café, penchée à mi-corps au-dessus de notre pauvre barque. Tu sais que je n'ai jamais vu quelqu'un travailler autant que toi ?

Ben si toi mieux que ça tu vas finir par renverser cette tasse. Enfin je sais pas si je t'ai déjà dit mais je te trouve formidable. Bon merci. Bon pas de quoi, faut dire les choses de temps en temps. Et voilà, on est tout propre. Bon bah à deux ça va quand même plus vite. Merci Olivia. De rien. Mais avec Patrick c'est fini fini. Fini, terminé, affaire classée. Mais quand même, tu l'aimais non ? Tu crois ça ? Qu'est-ce que ça veut dire aimer quand on est malheureux comme les pierres ?

Ouais, mais quand même, c'est fort d'envoyer un type sur les roses. Ça, c'est vraiment fort. Elle faisait une moue admirative. Elle me trouvait inébranlable. Comment, cette année-là, aurais-je survécu à mon propre chaos, sans elle ? Moi, j'y arrive pas. À quoi ? À me séparer. Même un connard, franchement, je peux pas le chasser. Faudra que ce soit lui qui me vire. Même un type qui m'a fait ce qu'on fait, pas un animal, même celui-là, je lui tape dans le dos.

J'arrive pas à avoir de la colère. Je regardais les gens qui allaient et venaient dans la rue et je me disais que si nous étions des cannibales, ils l'auraient mangé. Ils ne l'aimaient pas comme on aime une plante à qui on donne de l'eau et de la lumière, dont on admire les feuilles et la bonne volonté, dont on attend les fleurs et les fruits. Non, ils l'aimaient comme on aime une viande morte qu'il faut manger bien vite avant qu'elle ne pourrisse, pendant que son sang est encore chaud.

Deux jours plus tard, dans le hall d'une agence, je suis tombée sur Étienne, que j'avais revu avec plaisir au dîner d'anniversaire d'Olivia. Je ne me suis pas formalisée. Parmi les pigistes, je ne connaissais personne pour estimer l'activité qui le faisait vivre, mais nous avions tous besoin d'argent.

Je le laissais s'expliquer, tandis que nous nous dirigeions vers le café le plus proche. Assez vite, devant nos bières, nous en sommes venus à parler d'Olivia et de l'affection que nous avions pour elle. « Ce qui me scie, tu vois, c'est cette capacité qu'elle a à rire de tout. Je me souviens d'une fois, c'était un après-midi, elle a débarqué dans mon bureau complètement hystérique. Elle riait tellement qu'elle en pleurait. » « Je ne sais pas ce qui vient de m'arriver. »

Le rire, tu vois, c'est contagieux. Alors je me suis mis à rire. Moi aussi, avec elle. Tu vois ce qui m'arrive ? Mais comment veux-tu que je te vienne ? Allez, dis, vas-y. Je suis encore de me faire violer.

Ce soir-là, nous avons fait une partie de Monopoly. Non, c'est pas juste. Non, mais moi, je ne vais pas en prison. Et en plus, les enfants, ils ne vont pas.

Suzanne trichait sans malice. Gaspard était exaspéré. Les dés roulaient par terre et il fallait les ramasser à chaque instant. Je m'ennuyais. Il n'y avait qu'Olivia pour s'intéresser au jeu. Je la regardais. Elle fronçait le nez comme un petit macaque.

C'était irrésistible. Arrête, mais quoi ? Où vous êtes-vous ? Les enfants couchés, je lui ai rapporté ma conversation avec Étienne. Oh ce pauvre Étienne, il n'en revenait pas. J'étais là dans son bureau, je tremblais comme une feuille. Il faut dire que j'avais des brûlures un peu partout et tout ce que je savais faire, c'était rire à mon pisser dessus. Vous commencez à des brûlures ? Bah ouais, parce que l'équipe m'avait brûlée en plus.

T'aurais vu sa tête, Etienne, je te jure. Même toi, t'aurais rigolé. Enfin, le principal, c'est qu'il m'a quand même emmenée à l'hosto, tu vois. Il a été vraiment gentil, je peux pas dire. Puis là-bas, ils m'ont bien soignée, même s'ils ont aussi toujours des cicatrices, là, sur les nichons. Je refusais de penser que cette personne à qui j'étais en train de parler portait des traces de brûlure sur les seins. T'as porté plante ? Pour un viol ?

Olivia ? Je mesurais soudain combien notre pratique de l'organisation sociale était différente. Olivia, la brûlure est un acte de barbarie. Le viol est un crime. Et après ? Et bah après, les types, ils passent aux assises et ils prennent 15 à 20 ans de taux, là. C'est la loi. Mais qu'est-ce que tu veux qu'une fille qui se fait violer toute sa vie, elle aille tirer la sonnette chez les flics ? Pardon de vous déranger, monsieur l'agent, mais là, ça commence à bien faire. Avec toutes ces histoires de dope, mais...

Tu te rends pas compte ? Quand on est dans la merde, on va pas faire la maline au poste, t'es sûre ? On ferme sa gueule. Mais Olivia, si cette fille est mineure, par exemple, la justice la protège, tu sais ça ? Les gens comme toi, ils la protègent. Peut-être. Mais les autres, je te jure, ils m'auraient balancée au juge des enfants, le juge m'aurait fourrée dans un foyer ou même en prison. Tu sais pas ce que c'est de se retrouver là-bas. Mais t'avais pas d'éducatrice, y avait pas quelqu'un à la dasse pour te défendre ? Si, y en avait une, mais elle a fini par me jeter...

La pauvre, franchement, j'étais trop insupportable. Un jour, elle m'a dit, puisque tu ne veux rien écouter, démerde-toi toute seule, je m'en fous de ce qui peut t'arriver. Et voilà, rayé d'hélices, là, Olivia. Non, non, il faut dire que je l'avais cherchée. Elle n'avait aucune idée de la justice qui écoute les gens, pèse les fautes, établit les peines. Elle croyait dans l'ordre qui aime les forts et réduit les imbéciles empurés. Elle ne connaissait que la loi des voyous.

N'empêche que la loi punit les crimes et elle est faite pour tout le monde et pour toi aussi. Oui, justement, je parle. Et toi aussi, tu vas parler ?

Tu vas aller porter plainte. Je crois qu'on peut attaquer jusqu'à 10 ans après les crimes. S'il fallait que je porte plainte, toutes les fausses aimaient arriver et ils feraient plus que ça, les flics. Allez, laisse tomber, c'est du passé, de toute façon. La vanne était ouverte. Les allusions dont Olivia se mène aux conversations quelques semaines plus tôt devenaient une gadoue torrentielle. Et elle avait l'air de s'en porter mieux. Elle maigrissait à toute vitesse. Elle était redevenue jolie. Elle chantonnait, ce qui ne l'empêchait pas de tomber malade sans arrêt. Je m'en vais au dindeur.

Avec sa carte CMU, elle sillonnait les cabinets médicaux. Elle créditait les médecins d'une confiance aveugle qu'elle leur retirait aussi vite. Elle rapportait chez nous des diagnostics échevelés que nous soumettions longuement à des interprétations contradictoires. Les abscès dentaires, c'est la cocaïne. Ils croient quoi à ce qu'on dentiste là ? Elle se soignait à moitié. Ses gencives enflaient. Nous devions appeler SOS dentiste au milieu de la nuit. Je ne sais pas ce que je ferais sans mes dents. Elle se bourrait de Prozac.

Si j'arrête, je te dis pas, la grosse descente, c'est carrément le tunnel de l'enfer. Tout ça, c'est à cause de ma mère. Elle était trop fragile. Elle m'a filé ses gènes. Elle avait souvent mal au ventre et des étourdissements. T'es peut-être en train de faire un ulcère, là. Mais non. On voit bien que t'en as jamais eu. Moi, je crois que ça vient plutôt du vagin. Des fois, je me demande si c'est pas à cause de quand j'étais gosse. Les petits bâtons de bois qui m'ont enfoncé, le vieux, là. Ça s'est peut-être infecté. Et comme je me suis pas soignée, maintenant, j'ai des pertes. Qu'est-ce que t'en penses, toi ?

Je faisais la moue. Quand on y pense, c'est vrai, des petits bouts de bois, c'est pas très propre le bois si on le désinfecte pas. Qu'est-ce qu'il dit ton gynéco ? Il parle plus d'antibiotiques. Il voudrait que j'en prenne toute ma vie des antibiotiques. Tu crois ça ? Je vais jeter la boîte. Tu ferais confiance toi à un gynéco pareil ? Un matin, nous avons pris l'ascenseur ensemble. Je partais travailler, elle sortait acheter ses cigarettes.

Il régnait dehors un merveilleux soleil d'hiver. La lumière était liquide et bleue. Nous avons passé le coin de la rue et nous nous sommes assises dans le square. Au fait... L'air vif faisait à Olivia des joues rouges comme des pommes. En fait, est-ce que tu vas bien ? Je ne connaissais qu'elle pour s'intéresser sincèrement à cette question. Même moi, j'avais laissé tomber. Ouais, ouais, ouais, ça va. Les enfants, ça va aussi, tu crois ? Ah ouais, ils sont bien en ce moment. D'ailleurs, c'est grâce à toi si ça va si bien.

Eux, l'appartement, moi. Je suis contente que t'ailles mieux. Tu fais plus tellement de dépression ? Non, j'en ai pas besoin. J'ai bien fait de me débarrasser de Patrick. Olivia a hoché la tête, pensivement. Elle avait les yeux qui brillaient. C'était peut-être le froid, ou peut-être aussi qu'elle pleurait un peu. Je ne sais pas. Oh putain, putain, qu'est-ce que j'aimerais bien aller bien moi aussi. Je suis trop nulle, des fois je crois que je vais mieux, mais j'arrive pas à durer, ça retombe. Olivia, écoute-moi.

Je connais personne au monde d'aussi fort ni d'aussi courageux que toi. Mais là faut que je file, je vais être en retard. J'ai posé la main sur ses cheveux. Excuse-moi. Elle a eu un bref sursaut de recul. Je l'avais oublié. A tout à l'heure princesse. Et je me suis engouffrée dans le métro. Il venait me chercher à la ferme et il m'emmenait dans les bois. Et quand il avait fini leur petite affaire, il me donnait un paquet de bonbons et il me ramenait. C'est comment c'est les enfants. Ils adorent les bonbons. Olivia parlait, parlait et je n'entendais pas ce qu'elle disait.

Attends, Olivia, je comprends rien !

Explique-moi clairement, qu'est-ce que c'était que ce bordel chez les Lerouillis ? C'était pas tellement les Lerouillis, c'était les voisins plutôt. Mais la mère Lerouillis, elle te laissait te balader dans les bois avec les vieux des environs ? Elle te voyait rentrer avec des bonbons, elle disait rien ? C'est la campagne là-bas, les gens, ils ont leur mentalité. Je sais pas trop ce qu'elle pensait en fait. Elle était déjà vieille, elle pouvait pas faire attention à tout, ça lui en faisait trop chez elle, ses deux grands-fils, sa fille, les quatre autres de la DAS. Et toi, tu disais rien ?

Moi, qu'est-ce que je serais allée lui raconter ? Je ne suis pas morte, je les ai bouffés les bons mecs. Je me disais que j'avais fait des bêtises et que je n'avais pas trop envie que le père Leroy me colle une raclée. Elle me racontait aussi qu'elle allait au catéchisme et à la messe le dimanche, qu'elle avait fait sa première communion. Elle aimait encore l'école en ce temps-là, elle était plutôt bonne élève. Elle n'aurait pas dit qu'elle était malheureuse, non ?

Elle n'aurait pas dit non plus qu'elle aimait Madame Lerouillier à la folie, mais bon, elle n'avait pas connu sa mère, elle avait eu Madame Lerouillier, elle ne pouvait pas lui en vouloir à cette femme. Lui en vouloir de quoi d'ailleurs ? Et les autres gosses placés là-bas, qu'est-ce qu'ils sont devenus, tu sais ? J'ai des nouvelles par-ci par-là, les jumeaux, ils sont en taule évidemment, c'était pas dur à parier. La fille, elle doit être morte maintenant. La dernière fois que j'ai vue, elle était super mal en point. Je crois qu'elle avait le sida à cause de l'héroïne. Et les enfants Lerouilliers ?

Les gars, ils sont devenus agriculteurs. Et la fille, je crois qu'elle travaille à la mairie, si je me souviens bien. T'as d'autres questions ? Non, non, non, ça va. Mais c'est juste que, je sais pas, j'aime bien savoir qui sont les gens dont tu parles. Je visualisais mieux les choses maintenant. Et dans un sens, ça me rassurait. La ferme, l'église, le bois, les bonbons. Sur les promenades, je pouvais me passer des détails, mais il y avait tout de même quelque chose qui me chiffonnait. Elle est le rouillis, père et fils. Attends, je vais te montrer quelque chose.

Elle est partie dans sa chambre sans me répondre. Elle n'en dirait pas plus, je devrais me contenter des lambeaux. Plus tard, alors que nous parlions de toute autre chose, elle me raconterait qu'elle entourait son lit de ficelles, le soir, pour les dissuader de venir la tripoter durant son sommeil. Regarde. Bon anniversaire, ma petite fille. Signé Madame Lerouille. Je me suis toujours arrangée pour qu'elle ait une adresse et du coup elle m'envoie une carte à chaque anniversaire. C'est gentil, non ? La carte était hideuse, le bic avait bavé, l'écriture était débile.

J'eus soudain envie de tout casser. C'est pas très dur d'envoyer une carte. Je t'en envoie 100 demain, moi, si tu veux. Pourquoi tu deviens méchante comme ça, tout à coup ? Excuse-moi. Pardon. C'est très gentil de t'écrire, c'est vrai, t'as raison. Et alors, comme ça, elle t'envoie une carte chaque année ? Ouais. Ça prouve qu'elle tient à toi. C'est vrai, il faut être sincèrement attachée à quelqu'un pour lui souhaiter son anniversaire tous les ans. Je vais aller la voir ce week-end. Quoi ? Juste une journée. J'ai déjà acheté mes billets. Mais, pour quoi faire ? Comme ça, pour dire bonjour.

Tu vas aller en Normandie pour dire bonjour au père et à la mère Lerouilly ? Ah non, non, pas lui. Si tu savais le tyran que c'est, même le curé, il en a peur. Non, je vais juste voir madame Lerouilly, j'arrive le matin, elle sort dans la cour, elle me porte un petit café, on papote en cachette du père. Après, je me fais une petite balade et je rentre le soir, voilà. Je n'avais rien à redire. Cette vieille pute lui servait de famille. Sa ferme misérable de verre paradis. Et pardon pour les amours enfantines.

Ce qu'elle allait chercher dans ce trou cauchemardesque ne m'était pas étranger. C'était la trace colorée de l'enfance. Et d'enfance, avec toute la fureur du monde, je n'aurais pas pu lui en donner d'autres. J'étais bien obligée de prendre la mer le rouillis avec l'eau du bain. Tête pauvre femme. Elle sera sûrement contente de te revoir. Bah oui, je crois que oui. Sans moi. Un roman de Marie Desplechin. Publié aux éditions de L'Olivier. Adaptation

Qu'a-t-elle Guillaume ? Sixième épisode Avec Marie Payen, Judith Chemla, Pascal Collin, Madeleine Ziadé et Ambroise Marron. Bruitage, Sophie Bissons Conseillère littéraire, Emmanuelle Chevrière

Prise de son, montage et mixage, Philippe Bredin, Éric Villanfin, assistante à la réalisation, Yael Mandelbaum. Réalisation, Cédric Aussire. ...