Il est 18h30 à Paris, 17h30 en temps universel, c'est l'heure du Grand Débat avec Romain Ozoui. Bonsoir Romain. Bonsoir Véronique, nous parlons ce soir dans le Débat du Jour de la France et de l'Algérie. Le Débat du Jour Musique
Oui, car rien ne va plus entre les deux pays. En témoignent les récentes déclarations du président Abdelmajid Tebboune, qui a dénoncé, je cite, un climat délétère et qui est allé jusqu'à évoquer, je cite encore, une séparation qui deviendrait irréparable. La crise entre Paris et Alger ne date pas d'hier, ça fait plus de six mois qu'elle dure. L'étincelle a été la décision du président français, c'était en juillet 2024.
de soutenir le plan marocain dans le règlement du conflit du Sahara occidental. Et donc depuis, les deux pays ne cessent d'entretenir les tensions, alimentant ainsi une nouvelle crise. Est-ce que ça sera la crise de trop ? Notre question ce soir, entre la France et l'Algérie, est-ce un amour impossible ? Qu'est-ce que la situation actuelle révèle ? Et comment parvenir à un apaisement de longue durée entre les deux pays ? Soyez les bienvenus dans le débat du jour.
Et pour répondre à toutes ces questions, nos deux invités à mes côtés en studio tous deux. Brahim Oumansour, bonsoir. Bonsoir. Vous êtes chercheur associé et directeur de l'Observatoire du Maghreb à l'IRIS, l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques. Face à vous, Emmanuel Alcaraz, bonsoir. Bonsoir. Professeur agrégé en histoire, chercheur au laboratoire de recherche Mésopolis à Aix-en-Provence, dans le sud de la France. Merci beaucoup à vous deux d'avoir accepté l'invitation du Débat du Jour sur RFI. Donc, ça fait six mois...
que la France et l'Algérie sont officiellement en crise. Première question, Brahim Oumansour, quels en sont les effets de cette crise depuis six mois ? Comment cela se traduit-il ? Alors, les effets de cette crise, d'abord que je pourrais qualifier par la plus grave crise mondiale,
entre les deux pays, dont les relations entre les deux pays, qui se traduit d'abord depuis la reconnaissance, je dirais, de la marocanité du Sahara occidental par Emmanuel Macron, par le retrait de fait de l'ambassadeur algérien, donc
Ça a été la première réaction. Mais comme on était dans un contexte de préélection côté algérien, il n'y a pas eu d'autres mesures, à part, bien évidemment, on a quand même au niveau de tous les projets de coopération européenne,
entre les deux pays dont différents secteurs ont été suspendus. Il n'y a plus de projet de coopération aujourd'hui entre Paris et Alger ? Il y a des projets sur le plan sécuritaire. Bien sûr, la coopération, même si elle est réduite, elle se poursuit. Mais...
Toutes les discussions un petit peu sur différents projets futurs, la coopération sur le plan juridique, etc. a été au début complètement suspendue. Puis, on arrive quand même à un échange mais...
très peu, je dirais, fluides. Et puis, ce qu'on a observé quand même, c'est plutôt la forme d'escalade, l'accélération de l'escalade depuis au moins les trois derniers mois et qui s'est traduite. Donc, la gravité, si j'ose dire, de cette crise s'est traduite par une passe d'armes très vérulente et ce qui est vraiment inédit, je dirais, dans l'histoire par rapport aux
crises qu'ont connues les deux pays et qui se sont souvent gérées de façon un petit peu...
beaucoup plus diplomatique et d'une façon un peu moins discrète, je dirais même. On a fait moins de bruit, en tout cas, pour gérer les autres crises. C'est vrai qu'il y a plusieurs épisodes qui ont alimenté cette crise depuis ce qui s'est passé en juillet. On va aussi détailler ce qui s'est passé en juillet pour nos auditeurs. Mais ces derniers mois, l'arrestation de Boalem Salam, qui est un écrivain franco-algérien américain,
qui a été arrêté en Algérie, très mal pris par la France. Il y a eu ces derniers mois aussi de nombreux influenceurs algériens qui ont été arrêtés par les autorités françaises, qui menaçaient de s'en prendre à des opposants au régime algérien. La France notamment a renvoyé un de ses influenceurs vers l'Algérie. L'Algérie l'a renvoyé. Ça, ça a été très mal pris par la France.
Oui, sur l'affaire de Saint-Saëns, bien sûr, on est sur deux versions. Bien évidemment, côté français, on défend, et c'est tout à fait légitime, un écrivain français parce qu'il est naturalisé, écrivain connu, donc il y a des cercles d'amis français.
en France et qui soutiennent qui défendent sa libération et côté algérien il est arrêté pour le moment il n'y a pas de je dirais d'annonce officielle à part ce qui a été divulgué via la presse y compris la presse les organes officiels de l'état sur de possibles accusations
pour atteindre la sécurité de l'État et l'intégrité de l'État, ce qui sous-entend ces déclarations sur les frontières algériennes, la remise en cause, en tout cas, des frontières algériennes. Et puis, il y a toujours la question des influenceurs
qui est censé être un fil des verres dans un contexte de relation apaisée. Une démarche administrative aurait pu régler le problème de ces influenceurs. Mais comme on est dans un contexte de tension, cela se traduit bien évidemment, cette fluidité dans le traitement des dossiers,
Donc, absence de consultation directe entre les deux pays, notamment sur ce dossier. On peut y revenir, si vous voulez, sur les détails. Ça a été mal interprété, en tout cas, côté algérien, que ce soit traité par le ministre de l'Intérieur et qu'il soit expulsé avec précipitation vers l'Algérie. Il y a clairement un dialogue de sourds entre les deux pays ?
Emmanuel Caraz, je voudrais juste qu'on revienne pour nos auditeurs sur l'origine de cette crise. Et vous allez me dire si c'est selon vous aussi, comme le pensent Brahim ou Mansour, la plus grave depuis l'indépendance finalement, la plus grave entre les deux pays. Pourquoi Emmanuel Macron a pris cette décision ?
Ils ronds donc avec une position historique, la position de la France concernant le Sahara occidental, puisqu'il envoie une lettre au roi du Maroc, Mohamed VI. Et dans cette lettre, il écrit que le présent et l'avenir, je cite, du Sahara occidental s'inscrit dans le cadre de la souveraineté marocaine. Donc, clairement, il défend le Maroc.
qui est opposé dans le conflit au Sahara occidental, qui est opposé aux indépendantistes du Front Polisario qui sont soutenus par l'Algérie. Donc, il défend le Maroc face à l'Algérie. Oui, mais il faut resituer aussi la position d'Emmanuel Macron. Emmanuel Macron, c'était aussi un président qui avait lancé
des gestes d'une politique de réconciliation avec l'Algérie. En tant que candidat en 2017, il avait qualifié la colonisation de crime contre l'humanité. C'est d'autant plus surprenant alors. Oui, il a nommé une commission d'historiens français pour travailler avec des historiens algériens. Il a fait un certain nombre de gestes mémoriels. La reconnaissance de l'assassinat de Maurice Audin par la France pendant la guerre d'Algérie.
d'Alim ou Medjel. Mais tous ces petits pas, cette politique qu'on pourrait appeler de petits pas, il n'a pas eu finalement...
l'accueil qu'il aurait souhaité de la part des Algériens. Et puis après, il est parti dans une dynamique de provocation, en disant par exemple que la nation algérienne avant 1830 n'existait pas, en parlant de la rente mémorielle du régime algérien et du système politico-militaire algérien, en disant que c'était l'armée qui avait la réalité du pouvoir. Alors qu'en Algérie, il y a quand même un prince. Certes, l'armée joue un rôle politique important, mais il y a quand même un président qui est un civil.
Et finalement, comme cette politique n'aboutissait pas, et comme on était aussi fâchés avec le Maroc, il y avait des problèmes diplomatiques, il a décidé de reconnaître ce qui bloquait dans la relation avec le Maroc, la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Mais il connaissait la portée de cette prise de décision. Parce que là, vous avez évoqué les pas en avant, mais là, c'est clairement deux pas en arrière.
Quelle cohérence ? C'est la politique du « en même temps » de Emmanuel Macron, dire parfois une chose et son contraire. Et ça, ça ne marche pas avec la partie algérienne, parce qu'il avait créé des espoirs auxquels il n'a pas répondu. Alors, c'est pour ça que mon collègue parlait de Boilem Sansal. Mais la position de Boilem Sansal, qui déclare à un média d'extrême droite qui s'appelle Frontières que l'ouest de l'Algérie,
appartient au Maroc, ça c'est absolument inaudible pour les Algériens. C'est comme si vous aviez, pour que nos auditeurs comprennent, c'est comme si vous aviez un Français qui en 1871 dit que l'Alsace et la Lorraine appartiennent à l'Allemagne. Vous voyez, ça crée forcément un conflit, enfin un souci. Alors bien sûr, on ne peut que souhaiter la libération de ce monsieur qui est un homme âgé au nom de la liberté d'expression, mais c'était quand même, ça a été vécu
comme une provocation et comme une atteinte à l'intégrité nationale. D'où cette riposte. Et quelque part, M. Sensal a souffert de ce contexte politico-diplomatique tendu entre la France et l'Algérie. Et pour autant, sa position...
Je tiens à le dire, moi je souhaite bien sûr sa libération, mais pour autant sa position n'est pas historiquement fondée. Un étudiant de première année d'histoire sait très bien que l'ouest de l'Algérie, l'Algérie est un pays qui a un passé, et c'est le propre du colonialisme que de vouloir effacer le passé des peuples colonisés. L'ouest de l'Algérie relève de la souveraineté algérienne.
La position algérienne, je dois le rappeler par rapport au Sahara occidental, est conforme à la position des Nations Unies. Le Sahara occidental est un territoire décolonisé.
Et sur ce point, la France n'a pas joué cette carte d'une position d'équilibre. C'était peut-être cette carte qu'elle aurait pu jouer pour essayer justement de rapprocher les points de vue entre les différents acteurs de ce conflit, afin d'être ce qu'elle est, une puissance d'équilibre dans les relations internationales. On va évoquer évidemment le passé colonial de la France en écho à ce que vous dites. Il y a cette phrase, je trouve parlante, de Sébastien Lecornu, qui est le ministre de la Défense,
qui a dit « Ne laissons pas l'instrumentalisation du passé mettre en péril notre sécurité future ». Est-ce que vous êtes d'accord avec Brahim Oumansour pour dire que c'est la crise la plus grave de l'histoire entre la France et l'Algérie ? Parce qu'il y en a eu précédemment, et d'ailleurs sous Emmanuel Macron. Vous avez évoqué les propos qu'on fait polémiques sous Emmanuel Macron, qui ne sont pas nouveaux, quand il a dit que finalement il n'y avait pas vraiment de nation algérienne avant la colonisation française. Donc...
Il y a régulièrement des crises entre les deux pays. Est-ce que c'est la plus grave ? Est-ce que là, on est à un point de non-retour pour vous ? C'est un point, ça va être difficile de revenir en arrière. Il faudrait que les dirigeants français reviennent sur leur déclaration vis-à-vis du Sahara occidental. Mais pour autant, comme il y a quand même une diaspora algérienne qui vit en France qui est importante, il y a des liens. Tout ce qui concerne l'Algérie, c'est un peu une affaire intérieure en France, quelque part.
Les deux pays seront forcément obligés de renouer un dialogue. Mais ça va prendre du temps. Brahimou Mansour, est-ce que la situation actuelle annule tous les efforts d'Emmanuel Macron ? Mémoriel, qu'évoquait Emmanuel Alcaraz. Effectivement, il a tout fait pour faciliter l'accès aux archives de la guerre d'Algérie.
Oui, il y a vraiment un virage à 180 degrés par rapport à toutes ces démarches vis-à-vis de l'Algérie, donc d'Emmanuel Macron en faveur d'un rapprochement et notamment sur la question mémorielle. Mais il faut savoir aussi que, et c'est là aussi pour comprendre les frustrations des deux côtés, c'est que côté français, Emmanuel Macron et le
gouvernement français sont une forme de frustration vis-à-vis d'absence de retour, en tout cas côté algérien, par rapport aux différents gestes. On peut rappeler la restitution des crânes de combattants algériens et puis la reconnaissance de l'État, de la responsabilité de l'État dans l'assassinat d'Ali Boumengel et
Moïse Oudin, l'arbitre Benhidi, ce sont des gestes importants, mais de l'autre côté de la Méditerranée, ça reste des gestes symboliques, au niveau symbolique. Et même s'ils sont importants pour accompagner un rapprochement, mais côté algérien, il y a d'abord une différence, je dirais, de vision en termes de priorité. Il faut rappeler quand même que le moment où ces gestes ont été faits
L'Algérie traverse une crise post-Hérac, pendant le Hérac et après le Hérac. Donc il y a d'autres priorités. Il y a des priorités sur le plan économique. C'est le mouvement anti-système, on rappelle. Voilà, le mouvement qui a fait chuter le régime bouteflika américain.
Et puis, il y a d'autres priorités côté algérien sur le développement économique, questions sécuritaires, l'instabilité régionale. Et côté français, on sent quand même qu'on veut aller vite. En quelque sorte, on veut aller vite. Et puis, ça a été dit, la question mémorielle, elle crée aussi...
un flou entre la politique intérieure et politique étrangère, c'est-à-dire dans les relations entre les deux pays. D'ailleurs, elle est totalement, comment dirais-je, la frontière entre les deux. La diplomatie et la politique intérieure s'effacent carrément. Et ce qu'on a observé dans les différents instants de, je dirais, les déclarations, d'ailleurs, des deux côtés de la Méditerranée sur...
déclaration du ministre de l'Intérieur, le traitement d'ailleurs de questions de diplomatie par le ministre de l'Intérieur français, tout ça. Et côté algérien aussi, il y a un mélange de l'histoire, de la question mémoriale entre politique intérieure et politique extérieure. Entre politique et diplomatie. Et beaucoup d'affects
Comment on peut expliquer cela autant dans les prises de position d'émotion, entre guillemets, qui va au-delà, entre guillemets, d'un rôle diplomatique entre deux nations ? Je vais vous donner la parole, Emmanuel Alcaraz, je vois que vous voulez la prendre. Je vais juste citer des mots qui m'ont marqué. On a évoqué la détention de Boilem Sansal. Emmanuel Macron a dit que la Légérie se défend.
déshonoré. Pourquoi est-ce qu'il n'appelle pas simplement à la libération ? Vous avez évoqué le ministre de l'Intérieur, Brahimou Mansour Bonorotaïo, qui a dénoncé, après le renvoi, justement, de l'influenceur qu'on évoquait, renvoi par les autorités algériennes, il a dénoncé une volonté d'humilier la France. Moi, je veux bien qu'on parle de la situation des droits de l'homme en Algérie, mais pourquoi le président Macron ne parlerait pas aussi de la situation des droits de l'homme au Maroc ?
À mon avis, les prisons marocaines, c'est pas non plus. Il y a beaucoup d'opposants. Vous savez, quand il y a eu le Irak marocain dans le RIF, il y a eu une répression qui a été très forte. Pourquoi ? Parce que la politique est une affaire aussi d'intérêt et de réel politique. Il y a eu un choix de nous rapprocher du Maroc pour défendre des intérêts de nature économique. Mais aussi, cette position s'explique parce que vous avez une droitisation aussi du champ politique français.
Vous avez deux nationalismes qui sont face à face et quelque part, la perte de l'Algérie française, pour une partie de la droite et pour l'extrême droite, c'est une blessure narcissique. Quelqu'un comme Jean-Marie Le Pen, qui est décédé, a fait revivre l'extrême droite grâce au conflit de la guerre d'Algérie en défendant l'Algérie française. Et vous diriez que l'Algérie est otage aujourd'hui de cette situation ?
Non, elle n'est pas otage parce que c'est quand même un pays qui a des moyens aussi et qui cherche à occuper une place aussi géostratégique en Afrique. Elle a d'autres partenaires comme la Chine et la Russie. C'est surtout, je dirais, quand même dommage, surtout pour la France, quelque part.
Parce que ce rapprochement était... On a réussi, si vous voulez, à se réconcilier avec l'Allemagne, avec le traité de l'Elysée en 1963. Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir une réconciliation franco-algérienne ? On va en parler. Qui a le plus à perdre dans cette crise aujourd'hui entre la France et l'Algérie ?
Difficile à dire. Il y a une proximité géographique d'abord, proximité humaine, ça a été dit, la présence quand même de plus, je dirais même entre 4 à 5 millions de Français qui ont un lien direct ou indirect. On parle des Franco-Algériens, mais aussi d'Algériens qui vivent en France.
Et surtout, également, des Français qui ont un lien par mariage mixte ou par les pieds noirs, d'anciens pieds noirs, des descendants de pieds noirs. Toute cette partie de la population française qui a un lien, qui crée ce lien, je dirais, direct et un lien humain. Et c'est ce qui rend aussi la relation un peu plus sensible.
Et en même temps, proximité géographique, on est entre Marseille et Alger, il y a environ 800 kilomètres, et entre les zones maritimes des deux pays, ça se réduit encore plus.
Ce qui vaut qu'il y a des enjeux sécuritaires, géopolitiques communs, donc des défis communs sur le plan sécuritaire. On parle du terrorisme au moment où on parle avec ce qui se passe en Syrie, par exemple, le retour de franco-maghrébins, soit en France, soit vers le Sahel. Oui, ça marque des coups d'arrêt dans ces domaines-là, la crise actuelle entre la France et l'Algérie.
Alors, si j'entends bien, il y a eu une détention avec plutôt l'intérieur. Mais pour le moment, je ne pense pas que les... C'est vrai que les relations sont tendues, elles sont réduites à minima. Mais sur le plan sécuritaire, au niveau des renseignements...
Je crois que les deux pays gardent quand même un échange. Il n'y a plus d'ambassadeur algérien à Paris. À chaque fois qu'il y a une crise, l'ambassadeur est rappelé. Et sur le plan économique, il y a eu... Ça a été une mesure rapidement prise, justement, après la décision d'Emmanuel Macron de reconnaître le plan marocain au Sahara occidental.
Mais je pense aussi que ce qui est inaudible aussi, c'est le ton paternaliste. Alors c'est assez curieux parce que justement, M. Macron avait dit que le temps de la France-Afrique était terminé. Et pourtant, c'est ce ton un peu paternaliste, donneur de leçons, je crois qui n'est plus audible aujourd'hui, pas seulement chez les Algériens, mais aussi sur tout le continent africain.
C'est ça qui ne plaît pas, cette France un peu donneuse de leçons, alors qu'elle a quand même ce boulet de la colonisation sur lesquels elle n'arrive pas. Les Algériens sont en attente, en fait, non pas de petits pas, mais d'une reconnaissance globale de ce qu'a été la réalité historique de la colonisation. Et alors, vous avez évoqué la droitisation en France qui explique aussi cette situation et le fait que les tensions soient alimentées. Qu'en est-il de la...
l'opinion algérienne sur ce sujet de la crise entre la France et l'Algérie ?
L'opinion algérienne, le nationalisme algérien est une opinion qui est assez forte en Algérie. Chacun se renvoie la balle finalement. Dans le système scolaire éducatif algérien, il y a un nationalisme. Dans ce nationalisme algérien, il y a l'idée de se séparer de la France. C'est-à-dire que c'est quelque chose qui est omniprésent dans les musées, dans les lieux de mémoire algériens. Il y a cette mémoire de la guerre d'indépendance algérienne.
Entre la France et l'Algérie, est-ce un amour impossible ? La question qu'on pose ce soir dans le débat du jour, alors qu'il y a cette crise qui dure depuis six mois et qui est alimentée régulièrement par des déclarations, par des faits ces derniers mois. Mes deux invités sont Brahim Oumansour, qui est chercheur associé et directeur de l'Observatoire du Maghreb à l'IRIS, et Emmanuel Alcaraz, professeur agrégé en histoire, chercheur au laboratoire de recherche Mésopolis-Montréal.
À Aix-en-Provence, dans le sud de la France, j'aimerais qu'on trace des perspectives. À présent, d'après vous, Raimou Mansour, vous qui avez dit que c'était la crise la plus importante entre les deux pays, jusqu'où elle peut aller cette crise ? Quand, par exemple, on a le président algérien Abdelaziz Tebboune qui dit qu'il peut y avoir une séparation, selon ses propres mots, qui deviendrait irréparable ?
Oui, je crois que cette déclaration, quand même, il faudra la prendre au sérieux. Car côté algérien, il est vrai que la question du Sahara occidental, ce n'est pas juste un dossier à l'ONU, mais ça va au-delà. C'est vraiment un dossier crucial dans la diplomatie algérienne, dans la construction de l'État algérien, y compris post-indépendance, avec des antécédents...
D'ailleurs, le différent territorial avec le Maroc, qui a donné lieu à un affrontement direct avec le Maroc en 1963, d'ailleurs, d'abord. Et donc, tout cela fait partie d'une manière dont la construction de la diplomatie algérienne et qui rend ce dossier très sensible. Donc, la séparation ?
entre les deux pays est possible, selon vous, pour cette raison-là. Mais qu'est-ce qui peut se passer, Emmanuel Macron ? Est-ce qu'il peut revenir sur sa prise d'opposition ? C'est plus qu'une déclaration, c'est clairement une prise d'opposition, c'est un changement doctrinal. Exactement, ça va être difficile des deux côtés. Du côté d'Emmanuel Macron, revenir sur une telle décision, ça va être un échec énorme, sur le plan politique et diplomatique.
Mais côté algérien aussi, accepter de facto de normaliser peut-être les relations avec la France sans discuter, je dirais, sérieusement de ce dossier ?
Alors que la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui rend, je dirais, la perspective française et la décision du président français encore plus importantes
d'un point de vue algérien. Aujourd'hui, avec ce qu'on observe aujourd'hui, les passes d'armes verbales qui nous font pour le moment qu'alimenter, je dirais, cette escalade de tensions, elle n'est pas souhaitable des deux côtés, mais elle n'est pas impossible. Emmanuel Alcaraz, ça voudrait dire quoi ? Une séparation qui viendrait irréparable, comme l'a dit Abdelmajid Teboud ?
Je ne pense pas qu'on peut émettre l'hypothèse que ça n'aille pas jusque là, parce qu'il y a quand même aussi des intérêts. L'Algérie doit aussi ne pas rompre totalement tous ses liens économiques et humains avec la France. Mais pour autant, parce qu'aussi l'Algérie dans son environnement régional, elle est aussi en rivalité avec notamment le Maroc, qui fait une grande offensive diplomatique, économique,
à l'égard de l'Afrique de l'Ouest. Et sur la scène politique africaine, l'Algérie était un petit peu en repli, notamment sur sa frontière. C'est un petit peu compliqué avec le Mali, parce que les accords d'Alger de 2015 qui se
qui promettaient de mettre un terme à ce conflit ne sont plus appliquées. Donc elle a quand même besoin, par rapport à son environnement régional, de maintenir une coopération avec la France. Donc je peux émettre l'hypothèse que ça n'aille pas jusqu'à une rupture définitive, mais avant que les choses s'arrangent, de l'eau risque de couler sous les ponts.
Mais ce n'est pas le président algérien qui va reprendre le dialogue. Il a dit justement, dans son interview, il a dit « ce n'est pas à moi de le faire, c'est d'abord au président ».
Je pense que si il en attend sur le dos, justement, il n'a voulu pas aborder la question mémorielle. Je pense que les Algériens attendent autre chose qu'une politique de petits pas et une reconnaissance globale de ce qu'a été la colonisation. Dans son interview à l'Opinion, le président algérien parle des essais nucléaires français qui ont eu lieu à Régane en 1960. Il y a encore des terres qui sont polluées, il y a encore des...
Des zones qui sont contaminées par la radioactivité. Donc, ils demandent que la France répare le mal qu'elle a pu faire. Et ils ne demandent pas d'ailleurs le pardon ou des excuses. Ils demandent une reconnaissance globale et pas uniquement des petits pas en morcelant les choses et en faisant des usages politiques du passé à but électoraliste. Ils demandent une grande politique. Vous croyez, Brahim Oumansour, au fait qu'un jour, il puisse y avoir une relation apaisée, durablement, entre la France et l'Algérie ?
Oui, oui, on a évoqué. Ça a été peu le cas alors qu'on est 60 ans maintenant après la guerre d'Algérie. Il faut quand même reconnaître, voir les choses autrement. C'est que malgré la violence de la guerre d'indépendance, de la colonisation, les deux pays, les deux pays à part le pays,
après l'indépendance, ont quand même maintenu des relations étroites à différents niveaux. Les accords déviants ont bien fonctionné. Les accords déviants ont fonctionné. Ils sont quasiment remis en cause aujourd'hui. Le président algérien a dit que certains politiciens prennent le prétexte de la remise en cause des accords, on n'en a pas parlé des accords franco-algériens de 1968, ça s'est évoqué en France, pour s'attaquer aux accords déviants.
Je pense, c'est un peu difficile de lire dans ses pensées, je pense que ce qu'il entend par là, c'est toutes les déclarations qui visent l'accord de 68, qui viennent compléter en quelque sorte la question de la mobilité sur les accords déviants. Qui est dans la panoplie actuellement d'entretenir les tensions, les accords de 68, ça régit les conditions de circulation, de séjour et d'emploi des Algériens en France.
Exactement. Donc, il y a une histoire qui a laissé, dans laquelle on a hérité une relation exceptionnelle entre les deux pays, avec ce qu'on a évoqué, relation humaine, sur le plan aussi économique et autre, et qui fait qu'aujourd'hui, il est difficile des deux côtés de rester, d'ailleurs, dans un tel, je dirais, climat de tension. Je crois que...
Il faudra peut-être, pour revenir à la raison, c'est d'abord dépolitiser la question mémorielle, dépassionner les relations diplomatiques. Oui,
Oui, traiter la question mémorielle, certes, c'est nécessaire, mais l'accompagner par, je dirais, des négociations, des discussions sereines pour traiter les différents dossiers. On a évoqué la question des essais nucléaires, mais il y a aussi d'autres, la question des archives, le partenariat plus global. Et l'enjeu mémorial est important. Ce n'est pas un amour impossible entre les deux pays ?
Forcément, je pense que c'est un amour qui est tout à fait possible. Mais en fait, il va falloir du temps pour que les choses se réparent. Du temps et il va falloir avancer sur plusieurs sujets que vous avez évoqués ce soir. Tous les deux, merci beaucoup. Brahim Oumansour et Emmanuel Alcaraz. Merci à Florence Ponce à la préparation de ce débat et Hélène Avril à sa réalisation. Coup d'œil à la pendule, 18h58 ici à Paris, dans moins de deux minutes.
Ce sera à l'heure de retrouver le grand journal du soir avec Adrien Delgrange. Le dossier ce soir sera consacré à cette proposition évidemment qui fait vivement réagir. Proposition de Donald Trump, le président américain pour Gaza. Et puis dans 30 minutes on retrouvera la première édition de l'Afrique Soir de ce mercredi avec Zéphirin Kouadio. Bonsoir Zéphirin. Bonsoir Romain, bonsoir à tous. Et à la une la RDC, évidemment la mobilisation des églises pour une sortie de crise dans l'Est. Et oui, cet après-midi lors d'une conférence de presse, les représentants des églises
Les églises catholiques et protestantes ont lancé un appel au dialogue national. Dialogue qui inclurait, nous dit-on, les différents partis au conflit, y compris les rebelles du M23. De lourdes peines de prison contre le leader du parti d'opposition Enarda, de plusieurs journalistes, plusieurs personnalités politiques pour atteinte à la sûreté de l'État. Rachid Ranouchi, le plus célèbre des opposants au président Caïs Saïed, a été condamné à 22 ans de prison. L'ancien Premier ministre Hichem Meshichi
a lui été condamné par contumace à 35 ans de prison. Verdict politique et injuste selon des proches de certains accusés par le syndicat des journalistes. Troisième titre, une année d'obscurantisme pour la presse en Guinée. Oui, c'est le titre du rapport annuel sur la liberté de la presse dans le pays. Rapport du principal syndicat des journalistes guinéens. Le document décrit un niveau inédit de musellement des médias guinéens depuis un an. Voilà le programme, c'est dans 30 minutes sur R.