Résumé de l'épisode précédent, février 87. En croisière dans le Pacifique Sud, Edward Prendick, un gentleman anglais, fait naufrage. Il est recueilli par un voilier faisant cap sur une île, avec à son bord une étrange ménagerie.
chien de chasse, lapin, lama et un puma enfermé dans une cage en fer. Prendic est soigné par Montgomery, un anglais qui a le mal du pays et se montre peu loquace. Lorsque la goélette arrive en vue de l'île, Prendic est brutalement débarqué par le capitaine. Montgomery revient à sa rescousse avec un certain Moreau. Sur la plage, tandis qu'on mène le puma vers un enclos, Moreau décrit l'île comme une station biologique d'un genre particulier. Deuxième épisode :
dans la forêt. Soulagé, Prendic ? D'être enfin au sec et à l'abri, oui. Vous ne réjouissez pas trop vite. Cette île réserve pas mal de surprises, dans le genre infernal. Lui, ça ne le dérange pas, mais... Lui qui ? Aidez-moi à ouvrir ses clapiers. Je me demandais à quoi s'occupait Montgomery sur cette île sans nom. Je l'ai aidé à ouvrir les cages à lapins. Les rongeurs dégringolaient sur le sable, puis détalaient vers les palmiers et les fourrés. Croissez et multipliez, mes amis ! L'île est à repeupler !
On manquait de viande depuis un moment. Tenez, Prendic, de quoi vous refaire une santé. Le vieil homme en flanel, ce moro qui semblait ici comme chez lui, me tendait une flasque et des biscuits. Vous pourrez le boire avec mon ombrique. J'ai reconnu l'odeur du brandy. J'ai pris les biscuits sans me faire prier. Le brandy, je ne l'ai pas touché. Je ne bois jamais d'alcool. Ce n'était pas maintenant que j'allais commencer. Vous serez logé ici. Ce n'est pas grand, mais ce n'est pas inconfortable.
Il y a un hamac pour dormir. La fenêtre à barreaux donne sur la mer. Et cette ouverture ? La porte à un noterieur, pardon. Elle donne sur la cour et doit toujours rester fermée. Pour éviter les accidents, c'est un seuil à ne pas franchir. Désolé pour tous ces mystères. Je ne me prends pas mal. Vous comprenez, monsieur Prendic. Notre petit établissement est un peu comme la chambre de Barbe Bleue. Rien d'épouvantable pour un homme sain d'esprit. Mais comme on ne vous connaît pas, et qu'on ne vous a pas invité... Je comprends.
La ligne va vous servir à manger. Regardez, vous avez même de quoi lire. Que demande le peuple ? Il est ressorti par la plage. Pour éviter, semblait-il de rouvrir la porte de Nant sur la cour. Montgomery l'a suivi.
Tandis qu'il s'éloignait en parlant à voix basse, je me suis penché vers l'étagère et j'ai pris un livre au hasard. Des classiques latins et grecs, langue que je déchiffre mal. Et des manuels de chirurgie. Où avais-je entendu ce nom ?
J'ai repensé au matelot venu débarquer le puma et les autres bêtes, leurs bras et leurs jambes emmaillotés, leur allure difforme. Votre repas, monsieur. J'ai scruté le visage de Maligne qui entrait avec un plateau. Qu'est-ce que c'est ? Sous les boucles noires de ses cheveux, des oreilles pointues, recouvertes d'un pelage. Lâche-moi, s'il te plaît, monsieur. Tes oreilles. J'ai lâché son poignet et tout m'est revenu. Vérifiable docteur Jekyll.
Le Times, samedi 9 juin 1977. Ma mémoire a fait un bond de dix ans en arrière. Le docteur Moreau, physiologiste réputé, bien connu des cercles scientifiques, pour son imagination singulière et ses façons abruptes d'exposer ses idées. Je n'étais encore qu'un tout jeune homme, Moreau devait avoir la cinquantaine. On lui doit des observations stupéfiantes sur la transfusion du sang, et des travaux remarquables sur les phénomènes de croissance morbide. Mais d'un seul coup, la carrière du docteur Moreau a été stoppée nette.
Il n'a pas eu d'autre choix que de quitter l'Angleterre, car un de nos confrères, se faisant passer pour un assistant, avait obtenu l'accès à son laboratoire.
Si peu honorable soit-il, ce stratagème a permis à notre confrère de publier un article à scandale qu'un curieux événement est venu corroborer. En effet, le jour de l'apparution de l'article, un misérable chien, écorché vif et en partie mutilé, s'est échappé de chez le docteur Moreau et a semé l'épouvante dans les rues de South Kensington et à Hyde Park, où il a été vu par de nombreux enfants. C'était au début de l'été. La presse n'avait pas grand-chose à se mettre sous la dent. L'Observeur, samedi 30 juin 1977. Les éditorialistes s'en sont donnés à cœur joie.
Si notre tâche de journaliste est d'abord d'informer, il arrive qu'elle nous octroie une fonction plus haute, celle d'en appeler à la conscience morale de la nation. Le nom de Moro était devenu synonyme d'abomination scientifique. On devrait s'indigner de nos jours que les formidables progrès de la recherche scientifique relèguent au second plan toute considération éthique.
Car devant les expérimentations du docteur Moreau, l'esprit tremble, vacille et s'insurge. Verdict de la presse, l'infâme docteur devait être chassé du pays. Il y a bien eu des voix isolées pour le défendre. Un savon de cette envergure ! Mérite-t-il un tel opprobre ? Le peu de soutien de ses confrères, la répudiation par la communauté scientifique ?
Ne sont-ils pas allés un peu vite en besogne ? Certaines de ses expériences, si on en croit les journaux, étaient d'une cruauté sans nom. Il aurait pu s'acheter une conduite en abandonnant ses recherches. Mais apparemment, elle lui tenait très à cœur. Que voulez-vous ? Quand on a goûté à l'ivresse de la science... Il ne vous a pas échappé que cet homme, ce docteur Moreau, n'est pas marié. Ah ! Tiens donc ! Il n'a donc jamais eu que son propre intérêt en tête. Ha ha ha !
Le docteur Moreau qui avait été chassé de Londres et le Moreau vivant sur cette île, j'étais convaincu qu'il s'agissait du même homme. Les animaux débarqués de la goélette devaient être destinés... Une odeur ténue, entêtante me montait aux narines. Un roland indéfinissable qui... J'ai reconnu l'antiseptique des blocs opératoires. Le puma grondait à travers la cloison. Il fait de la vivisection. Et alors ? L'enclos, les mystères... À quoi ça rime ? Un enclos barricadé sur une île retirée du monde.
Un vivisecteur notoire et ses hommes estropiés, difformes. Ça veut dire quoi ? Whisky ? Non, merci. Jamais d'alcool. J'aimerais en dire autant. C'est ce maudit breuvage qui m'a conduit ici. Ça est l'offre de Moreau de m'échapper de Londres. Il ne devait pas venir manger avec nous ? Il s'excuse. Trop pris par son ouvrage. Montgomery ? Pourquoi votre serviteur a les oreilles pointues ?
Et de la fourrure sur ses lobes. C'est vrai, j'ai retrouvé ça curieux. Maligne est un des êtres les plus étranges qui m'étaient donnés de voir. Où l'avez-vous trouvé ? San Francisco. C'est une brute épaisse, je vous l'accorde. Un simple d'esprit. Je ne me souviens plus exactement d'où il vient. Mais vous savez, je me suis habitué à lui. Et lui à moi. En quoi est-ce qu'il vous dérange ? Il a quelque chose d'anormal. Quand on le voit, on ne peut pas s'empêcher. Vous allez me trouver une imagination débridée, mais...
Mais dès qu'il s'approche de moi, je me sens mal à l'aise. Mes muscles se contractent, comme devant une apparition démoniaque en fait. Ah ouais ? C'est drôle, hein ? Je le vois pas du tout comme ça. Il est possible que l'équipage de la goélette ait ressenti la même chose que vous. Ce pauvre diable en a pris plein la figure. Vous avez vu comment le capitaine l'a traité. Euh... Et... Les matelots qui ont déchargé les bêtes ?
D'où viennent-ils ? Ce sont des indigènes ou... ? De solides gaillards, n'est-ce pas ? Bon allez, je dois vous laisser. Il n'y a pas que Moreau qui s'active ici. Je les regardais sortir. Ses épaules se rencognaient à chaque gêne du Puma. La vivisection du fauve, Montgomery ne supportait pas plus que moi. Son courage, ses nerfs semblaient être dissous dans l'alcool et dans l'atmosphère suffocante de l'île. Au fil des heures, les plaintes du Puma devenaient plus intenses, plus profondes.
Insoutenable. J'ai fini par sortir pour m'éloigner de l'enclos. Dehors, les cris de douleur semblaient monter encore plus haut. C'était comme si toute la souffrance du monde s'était fondue en une seule voix. Je me suis enfoncé, toujours plus loin, sous les palmes soulevées par la brise marine. J'essayais d'éteindre les flammes rouges et noires qui dansaient dans ma tête. Je n'ai trouvé la paix qu'une fois hors de portée de l'enclos. Sous la végétation luxuriante coulait un ruisseau. Je me suis assis dans l'ombre. Un triangle d'eau miroitait plus bas, dans cette vallée étroite où tout semblait figé.
L'air était moite. Je me suis assoupi. Quelques secondes peut-être. Un bruissement sur l'autre rive m'a fait rouvrir les yeux. Une silhouette que je distinguais mal penchait la tête dans l'eau et s'était mise à boire. J'ai fini par reconnaître un homme, mais il se tenait à quatre pattes comme une bête. Il était vêtu de toile bleue. Il avait la peau cuivrée, les cheveux noirs, la même laideur grotesque que les autres insulaires.
En m'agenouillant pour mieux le voir, j'ai fait tomber une pierre de lave. Le buveur a redressé la tête d'un air coupable. Ses yeux ont croisé les miens. Mes yeux à moi ont croisé les siens par-dessus l'eau vivante. Lui, qui est-il ? Ni toi, ni moi, ni quiconque du peuple animal n'a dû le voir auparavant.
Cet homme nouveau aux longues jambes qui ne se replient pas comme les nôtres... Cet homme est laid avec sa peau terne comme le sable, ses crânes raides comme la paille. On est resté longtemps à se regarder.
Moi, lui, lui, moi. Alors, j'ai entamé le jeu de cache-brousse. Mais lui n'a pas compris. Lui est resté là avec sa bouche ronde, ouverte à gober la pluie. La peur est lui.
Lui est la peur, peur de tout. La petite chose qui rampe, le lapin qui bondit, la feuille qui chante, bruit, chante, tout fait peur à bouche de lune. Lui ne m'a plus vue.
Moi, enfoui, malin, caché. Enfoui, malin, caché. Enfoui et pas enfoui. Malin et pas malin. Caché.
Vas-y, caché. Tu l'as mené jusqu'à nous. C'est lui qui m'a suivi. Tu ne lui as pas fait voir un homme. Il t'est tué à quatre pattes. À quatre pattes pour la paix de l'eau vivante. Non, pas ce même homme me mettre à quatre pattes. Réponds au réciteur des lois. Réponds.
Je suis allée à quatre pattes pour ne pas être vue de lui. À travers les feuilles figées et muettes, je l'ai observé se pencher. Il a touché du pied un saut d'oreille à un des lapins venus du bois qui va sur l'eau verte. Il a posé sa main et je l'ai entendu dire... La tête arrachée.
Oh, il est encore tout chaud. La gloire, la gloire. Il a fait la torre. La peur a ruissellé le corps de bouche de lune et je n'ai pas aimé son odeur. La forêt s'est engouffrée en lui. Chaque ombre est devenue plus...
qu'une ombre en plus chaque brisement une menace un éteint vieux invisible il a couru debout comme courent les hommes longtemps couru puis il s'est arrêté au seuil de la carrière
Là où tu sais que le grand arbre se défendrait. Là où tu sais que Pousse-Mille-Tiges a devenir arbre. Mille-Fleurs a devenir corolle. Là où les corses éclos en mangeaillent pourritues. C'est là qu'il nous a vus. C'est là qu'il nous a vus. Notre chant venait de commencer. Rien ne doit l'interrompre. On sait. On a fait comme s'il n'était pas là. Mais ça peut remplisser nos museaux. Rire.
L'homme nouveau n'a pas aimé le chant. Imbécile, abrattu ! Bien sûr qu'il a aimé ! Tout homme aime le chant des noirs, tout homme le connaît par cœur. J'ai vu du coin de l'œil qu'il me trouvait belle. Il y avait devant moi trois silhouettes grotesques. Elles avaient une apparence humaine, mais leur corps était nu, hormis un lambeau écarlate autour de la taille.
Leur peau, d'un rose pâle comme je n'en avais jamais vu chez des sauvages. Elles avaient de grosses faces sans menton, des fronts fuyants, de rares cheveux hérissés. Jamais vu d'être humain à l'aspect aussi bestial. Pas se mettre à quatre pattes, car c'est la loi ! Pas la pélo du sol, car c'est la loi !
Leur corps se déhanchait hideusement, bras levés au ciel. J'ai remarqué leurs jambes anormalement courtes, leurs pieds maladroits et boiteux. « Car c'est la loi ! » Tremblant à l'idée d'être découvert, je me suis frayé un chemin dans les forêts. Après une vingtaine de pas, j'ai aperçu une tête et un torse à demi cachés par un enchevêtrement de lianes. « Car c'est la loi ! »
Je n'avais ni arme ni bâton. Cette chose, c'était quoi ? Homme ou animal ? Bouche de lune a fini par comprendre. Il est revenu jouer à cache-brousse. J'ai fait semblant d'être arbre. Yann, buisson. Qu'est-ce qu'elle me voulait ? Bouche de lune a vu homme, animal. Oh !
Pour cacher ma peur, j'ai marché droit sur elle. La chose a battu en retraite. Elle n'avait pas le courage de m'attaquer. La nuit tombait. Le bref crépuscule des tropiques s'est effacé dans le ciel. À moins de vouloir passer la nuit au milieu des créatures de la forêt, je devais me hâter vers l'enclos. J'ai jeté un dernier coup d'œil vers les ombres bleues qui avaient englouti la monstrueuse silhouette. Puis j'ai repris mon chemin sur la pente qui menait au ruisseau.
J'avançais au jugé, cherchant à rester le plus possible dans la direction d'où j'étais venu. Je marchais aussi vite que possible, l'esprit agité par ce que j'avais vu dans la forêt. J'ai fini par me retrouver sur un terrain plat, au milieu d'arbres épares. L'espèce de clarté décolorée qui s'étire après le coucher du soleil s'assombrissait. Le ciel au-dessus de moi s'est teinté d'un bleu plus intense, et des petites étoiles se sont mises à poindre une à une dans la lumière qui s'atténuait.
Les interstices des arbres, ces trous dans la végétation où flottait en journée une brume vaporeuse, s'obscurcissaient mystérieusement. Je m'inquiétais d'entendre un léger bruissement sur ma droite. Était-ce mon imagination ? Chaque fois que je m'arrêtais, je ne percevais que le silence, hormis la brise nocturne à la cime des arbres. Mais dès que je me remettais à marcher, je croyais entendre de nouveau ce bruissement. Je suis enfin arrivé sur la plage. Je pouvais voir un point de lumière au loin. La forteresse de Moreau.
Un refuge hanté par des cris de douleur. Mais pour rien au monde, je ne serais resté parmi les êtres de la forêt. Je me suis mis à courir sur le sable. J'ai d'abord cru entendre l'écho de mes propres pas avant de comprendre que la chose me poursuivait depuis un moment. Je courais de plus en plus près du rivage. Splash, splash faisaient mes pieds dans les vagues qui refluaient. Je sentais sur mes chevilles d'autres éclaboussures. La chose allait m'atteindre avant l'enclos. J'avais gardé sur moi la pierre de lave. Je me suis retourné et je l'ai fracassé sur la chose.
Elle courait à quatre pattes et a reçu mon projectile sur la tempe, me percutant avant de s'étaler de tout son long la face dans l'eau. J'ai laissé la chose derrière moi sans essayer de voir à quoi elle ressemblait. Les pitoyables gémissements du puma me sont parvenus à nouveau. J'étais presque soulagé de retrouver ce bruit intolérable. Le bruit qui m'avait poussé hors de l'enclos pour explorer l'île. De lune. J'ai repris mon chemin vers la forteresse. Pas envie de jouer avec moi. T'es tombé sur quelques-unes de nos curiosités, n'est-ce pas ?
Je reviens de la forêt, j'ai vu... Je peux pas croire ce que j'ai vu. Voro et moi, on pensait pas que vous iriez explorer l'île sans nous en parler. Montgomery, dites-moi de quoi il s'agit. Dites-moi ce qui se passe ici. C'est rien de terrible. Tenez, buvez ça, c'est du brandy coupé avec de l'eau. Je pense que vous en avez assez vu pour aujourd'hui. Bon sang, à quoi ça sert de se retirer sur une île déserte si c'est pour entendre miauler comme en plein Londres ? Cette chose, cette créature qui m'a poursuivi sur la plage...
Une bête sauvage ? Un homme ? Je dirais que vous avez vu le croque-mitaine. Prends-le. Prends-le. Écoutez, écoutez, écoutez. Je n'aurais pas dû vous laisser errer comme ça sur notre chichuilo. Mais ce n'est rien d'aussi horrible que ce que vous pensez, mon vieux. Vous avez l'air d'être haqué, c'est tout. Laissez-moi vous donner quelque chose qui vous fera dormir. Ceci.
va faire son effet dans votre organisme pendant au moins quelques heures. Il faut absolument que vous dormiez, sinon je ne réponds plus de votre état mental. Levez-vous. Vous installez sur le hamac. Voilà. À mon réveil, il faisait grand jour. Je suis resté étendu, les yeux au plafond. On aurait dit que les poutres provenaient du bois d'un navire.
J'ai senti l'odeur de nourriture, une brise agréable soufflait à travers la fenêtre sans vitre. Ce courant d'air et mon repas me procuraient une sensation de confort animal. Tout à coup, la porte intérieure, celle donnant sur la cour de l'enclos, s'est entrouverte. Montgomery était sortie sans la verrouiller. L'étrange expression de son visage la veille, entre lassitude et dégoût, m'est revenue en mémoire. « Vous êtes tombé sur quelques-unes de nos curiosités, n'est-ce pas ? » La peur m'a saisi à nouveau.
Alors que je marchais vers la porte, un cri m'est parvenu. Cette fois, ce n'était pas celui du puma. Vous comprenez, monsieur Prendic, notre petit établissement est un peu comme la chambre de Barbe Bleue. Bon, rien d'épouvantable pour un homme sain d'esprit. Le cri avait beau s'élever faiblement, comme un son étouffé, il me perçait le cœur davantage que toutes les abominations que j'avais pu entendre à travers cette cloison. En quelques pas, j'avais traversé la cour pour me retrouver dans une pièce au plafond bas, faiblement éclairée.
Une odeur d'acide phénique emplissait l'atmosphère. Un liquide couleur sang s'égouttait dans des éviers et des récipients en métal. Tout m'incitait à rebrousser chemin, mais je voulais savoir. Les plaintes, les sanglots qui me parvenaient ne pouvaient être que ceux d'un être humain. Une personne soumise à la torture. Là, sur un châssis incliné, une silhouette sanguinolente, tailladée et recouverte de bandages, se convulsait sous des lanières en cuir. Le visage du vieux moro, pâle et furieux, s'est interposé devant l'horrible découverte.
Ses mains étaient barbouillées de sang. Ce qui serait capable de me raccourcir, l'œuvre de toute une vie ! Laissez-moi ! Moro m'avait soulevé du sol comme si j'étais un enfant. J'ai juste eu le temps d'apercevoir son visage, l'intensité passionnée de ses traits, avant qu'il ne claque la porte. Je me suis remis debout, tout tremblant, mon cerveau un chaos d'appréhension atroce. La vérité a surgi comme un éclair. Moro pratique...
La vivisection d'humains. Pour en faire quoi ? L'île du docteur Moreau de H.G. Wells. Adaptation Stéphane Michaka. Avec Jérémy Léwin, Daniel Koenigsberg, Bruno Paviot, Yvan Corrie, Johanna Nizar, Céline Liget, Eugénie Bernachon, Damien Pézan, Suzanne Rimbaud, Juliette Lhonnet, Léone Météier, Marion Lambert,
Émilie Chertier, Makita Samba, Lisa Bloom, France Jolie, Rose Noël, Caroline Mounier et Le Coeur des Créatures. Musique originale, Corentin Nidgard-Raon. Interprétation, Corentin Nidgard-Raon et Stéphane Bellitti. Bruitage, Bertrand Amiel et Aurélien Bianco. Conseillère littéraire, Emmanuel Chevrière.
Prise de son, montage et mixage Pierre Henry et Timothée Hubert. Assistante à la réalisation Claire Chénaud. Réalisation Mélanie Péclat. Retrouvez le générique complet sur franceculture.fr et l'application Radio France.