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Neuf contes d'Andersen 4/9 : "La grosse aiguille"

2025/5/9
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Le Feuilleton

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Shownotes Transcript

Neuf contes d'Andersen. Choix des textes et adaptations. Baptiste Guitton. Réalisation. Mélanie Péclat. Bonjour, je suis Saadia et je vais vous lire La grosse aiguille. Il y avait un jour une aiguille à repriser. Elle se trouvait elle-même si fine qu'elle s'imaginait être une aiguille à coudre. Maintenant, faites bien attention et tenez-moi bien.

dit la grosse aiguille aux doigts qui allaient la prendre. « Ne me laissez pas tomber, car si je tombe par tard, je suis sûre qu'on ne me retrouvera jamais, je suis si fine. » « Laisse faire, » dirent les doigts, et la saisirent par le corps. « Mais regardez un peu, j'arrive avec ma suite, » dit la grosse aiguille en tirant après elle un long fil. Mais le fil n'avait point de nœud.

Les doigts dirigèrent l'aiguille vers la pantoufle de la cuisinière. Le cuir en était déchiré dans la partie supérieure. Il fallait le raccommoder. « Quel travail grossier ! » dit l'aiguille. « Jamais je ne pourrai traverser. Je me brise, je me brise ! » Et en effet, elle se brisa. « Ne l'ai-je pas dit ? » s'écria-t-elle. « Je suis trop fine ! » « Elle ne vaut plus rien maintenant ! » dirent les doigts. Pourtant, il la tenait toujours.

La cuisinière lui fit une tête de cire et s'en servit pour attacher son fichu. « Je savais bien que j'arriverais à de grands honneurs. Lorsqu'on est quelque chose, on ne peut manquer de devenir quelque chose. » Et elle se donnait un air aussi fier que le cocher d'un carrosse d'apparat, et elle regardait de tous côtés. « Oserais-je vous demander si vous êtes d'or ? » dit l'épingle sa voisine.

« Vous avez un bel extérieur et une tête extraordinaire. Seulement, elle est un peu trop petite. Faites vos efforts pour qu'elle devienne plus grosse, afin de n'avoir pas plus besoin de cire que les autres. » Et là-dessus, notre orgueilleuse se raidit et redressa si fort la tête qu'elle tomba du fichu dans l'évier que la cuisinière était en train de laver. « Je vais donc voyager, » dit l'aiguille, « pourvu que je ne me perde pas. » Elle se perdit en effet.

« Je suis trop fine pour ce monde-là, » dit-elle pendant qu'elle gisait sur l'évier, « mais je sais ce que je suis et c'est toujours une petite satisfaction. » Et elle conservait son maintien fier avec toute sa bonne humeur. Et une foule de choses passèrent au-dessus d'elle en nageant, des brins de bois, des pailles et des morceaux de vieilles gazettes. « Regardez un peu comme tout ça nage, » dit-elle.

Ils ne savent pas seulement ce qui se trouve par hasard au-dessous d'eux. C'est moi, pourtant. Voilà un brin de bois qui passe. Il ne pense à rien au monde qu'à lui-même, à un brin de bois. Tiens, voilà une paille qui voyage. Comme elle tourne, comme elle s'agite. Ne va donc pas ainsi sans faire attention. Tu pourrais te cogner contre une pierre. Et ce morceau de journal, comme il se pavane. Ah, cependant, il y a longtemps qu'on a oublié ce qu'il disait.

« Moi seule, je reste patiente et tranquille. Je sais ma valeur et je la garderai toujours. » Un jour, elle sentit quelque chose à côté d'elle, quelque chose qui avait un éclat magnifique et que l'aiguille prit pour un diamant. C'était un tesson de bouteille. L'aiguille lui adressa la parole parce qu'il luisait et se présentait comme une broche. « Vous êtes sans doute un diamant ? » « Quelque chose d'approchant. » Et alors chacun d'eux fut persuadé que l'autre était d'un grand prix.

Et leur conversation roula principalement sur l'orgueil qui règne dans le monde. « J'ai habité une boîte qui appartenait à une demoiselle, » dit l'aiguille. « Cette demoiselle était cuisinière. À chaque main, elle avait cinq doigts. Je n'ai jamais rien connu d'aussi prétentieux et d'aussi fier que ses doigts. Et cependant, il n'était fait que pour me sortir de la boîte et pour m'y remettre. « Ces doigts-là étaient-ils nobles de naissance ? » demanda le tesson.

« Noble ! » reprit l'aiguille. « Non ! » Mais vaniteux ! Ils étaient cinq frères. Ils se tenaient orgueilleusement l'un à côté de l'autre, quoique de différentes longueurs. Le plus en dehors, le pouce court et épais restait à l'écart. Comme il n'avait qu'une articulation, il ne pouvait se courber qu'en un seul endroit. Mais il disait toujours que si un homme l'avait une fois perdu, il ne serait plus bon pour le service militaire.

Le second doigt goûtait tantôt des confitures et tantôt de la moutarde. Il montrait le soleil et la lune et c'était lui qui appuyait sur la plume lorsqu'on voulait écrire. Le troisième regardait par-dessus les épaules de tous les autres. Le quatrième portait une ceinture d'or et le petit dernier ne faisait rien d'une. Aussi en étaient-ils extraordinairement fiers. On ne trouvait rien chez eux que de la forfanterie et encore de la forfanterie. Aussi je les ai quittés.

« Et maintenant, nous voilà assis ici et nous brillons, » dit le Tesson. À ce moment, on versa de l'eau dans l'évier. L'eau coula par-dessus les bords et les entraîna. « Voilà que nous avançons enfin, » dit l'aiguille. Le Tesson continua sa route, mais l'aiguille s'arrêta dans le ruisseau. « Là, je ne bouge plus. Je suis trop fine, mais j'ai bien le droit d'en être fière. » « Effectivement, » elle resta là tout entière à ses grandes pensées.

Je finirais par croire que je suis née d'un rayon de soleil dont je suis fine. Il me semble que les rayons de soleil viennent me chercher jusque dans l'eau. Mais je suis si fine que ma mère ne peut pas me trouver. Si encore j'avais l'œil qu'on m'a enlevé, je pourrais pleurer du moins. Non, je ne voudrais pas pleurer. Ce n'est pas digne de moi. Un jour, des gamins vinrent fouiller dans le ruisseau et cherchaient de vieux clous, des liards et autres richesses pareilles.

Le travail n'était pas ragoûtant, mais que voulez-vous ? Ils y trouvaient leur plaisir et chacun prend le sien où il le trouve. « Alalalala ! » s'écria l'un d'eux en se piquant à l'aiguille. « En voilà une gueuse ! » « Je ne suis pas une gueuse, je suis une demoiselle distinguée ! » dit l'aiguille. Mais personne ne l'entendait. En attendant, la cire s'était détachée et l'aiguille était redevenue noire des pieds à la tête.

Mais le noir fait paraître la taille plus velte. Elle se croyait donc plus fine que jamais. « Voilà une cante d'œuf qui arrive ! » dirent les gamins. Et ils attachèrent l'aiguille à la coque. « À la bonne heure ! » dit-elle. « Maintenant, je dois faire de l'effet, puisque je suis noire et que les murailles qui m'entourent sont toutes blanches. On m'aperçoit au moins. Pourvu que je n'attrape pas le mal de mer, cela me briserait. » Et elle n'eut pas le mal de mer et ne fut point brisée.

« Quelle chance d'avoir un ventre d'acier quand on voyage sur mer ! » « C'est par là que je vaux mieux qu'un homme. » « Qui peut se flatter d'avoir un ventre pareil ? » « Voilà une bonne constitution. Plus on est fin, moins on est exposé. » fit la coque. C'est une voiture de roulier qui passait sur elle. « Ciel, que je me sens oppressée ! » dit l'aiguille. « Je crois que j'ai le mal de mer. Je suis toute brisée. »

Elle ne l'était pourtant pas, quoique la voiture eût passé sur elle. Elle gisait comme auparavant, étendue tout de son long dans le ruisseau. Qu'elle y reste. C'était La Grosse Aiguille, traduit par David Soldi, lu par Saadia Bentayem. Retrouvez le générique complet sur le site franceculture.fr et l'application Radio France.

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