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cover of episode E170 La guerre des boulangeries

E170 La guerre des boulangeries

2025/5/7
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InnerFrench

AI Deep Dive Transcript
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主持人
专注于电动车和能源领域的播客主持人和内容创作者。
Topics
我观察到法国人对法棍面包的热爱,以及法国并非世界最大面包消费国的事实。法国传统面包店正面临来自超市和新型面包店的冲击,法棍面包也逐渐过时。糟糕的收成和面包短缺是法国大革命的原因之一。法国面包师直到1987年才能自行定价。法国人每天购买新鲜法棍面包的习惯,以及超市低价面包的竞争导致许多传统面包店倒闭。法国政府出台法律保护传统面包店,但面包店生存依然不易。法国面包业的历史演变,从家庭制作到传统面包店,再到超市和新兴模式的竞争。环岛面包店的成功及其对传统面包店的冲击。新型面包店的出现及其独特的经营模式。法国面包业市场的地域差异,以及“法国两速发展”的现象。法国人面包消费量下降,但对传统面包的文化认同依然强烈。法国面包业市场的多元化发展趋势,以及不同类型面包店的共存。

Deep Dive

Shownotes Transcript

Translations:
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La guerre des boulangeries Salut à toutes et à tous, j'espère que vous allez bien Moi je suis ravi de vous retrouver pour parler d'un sujet qui a une place spéciale dans le cœur de mes compatriotes le pain ou plus précisément l'endroit où on l'achète puisque vous avez entendu qu'on va parler des boulangeries

Depuis mon retour en France, j'ai retrouvé ce petit plaisir, le plaisir d'aller à la boulangerie. Alors bien sûr, il y en a aussi en Pologne. D'ailleurs, j'ai moi-même participé à l'ouverture d'une boulangerie à Varsovie, une boulangerie qui a connu un grand succès par la suite. Bon, moi je faisais juste les sandwiches, mais quand même, c'était une belle aventure. J'en ai parlé dans la newsletter, donc vous le savez déjà si vous y êtes abonné.

Mais voilà, aller à la boulangerie en Pologne, c'était pas pareil Par exemple, les Polonais ne sont pas fans de baguettes ni de farine blanche Ils préfèrent les petits pains ronds souvent avec des céréales ou de la farine complète Mais moi, c'était pas trop mon truc donc quand je vivais à Varsovie, j'allais rarement à la boulangerie et je mangeais moins de pain, de manière générale C'était sûrement mieux pour ma santé d'ailleurs

Mais là, depuis que je suis rentré en France, je suis redevenu accro à la baguette. Et comme beaucoup de mes compatriotes, j'ai du mal à la ramener entière à la maison. Surtout quand c'est une baguette qui vient de sortir du four. Je peux pas m'empêcher de manger immédiatement le crouton. L'extrémité de la baguette, le crouton.

C'est délicieux, ça croustille. Je me dis « bon allez, encore un petit morceau et j'arrête ». Mais une fois à la maison, je me rends compte qu'il ne reste que la moitié de la baguette. Je ne sais pas si c'est juste une mauvaise habitude ou quelque chose qu'on a dans notre ADN, cette addiction à la baguette. Par contre, en préparant cet épisode, j'ai découvert que les Français ne sont pas les plus gros consommateurs de pain.

Bon, c'est assez difficile de trouver des comparaisons internationales vraiment fiables mais les chiffres que j'ai vus sont unanimes pour dire que les plus gros consommateurs de pain ce sont les Turcs, loin devant tous les autres pays Et apparemment, les Français ne sont même pas dans le top 10

ils mangeraient autant de pain que leurs voisins européens ni plus, ni moins La différence, c'est peut-être que pour nous le pain est plus qu'un aliment C'est une pratique sociale avec ses codes et ses rituels Par exemple, quand on va au restaurant c'est souvent la première chose que l'on goûte parce qu'il y en a systématiquement sur la table Donc si le pain n'est pas bon ça donne tout de suite une mauvaise impression du restaurant

C'est aussi le premier achat que nos parents nous laissent faire seuls Ils nous disent « Va chercher du pain à la boulangerie » Un grand classique de l'éducation française « Va chercher du pain à la boulangerie et achète-toi des bonbons avec la monnaie » Oui, quand les parents sont sympas ils donnent un peu plus d'argent que le prix de la baguette pour qu'on puisse s'acheter des bonbons C'est l'éducation pavlovienne

Mais c'est surtout un rite de passage D'ailleurs, certains parents le faisaient aussi pour leurs cigarettes ce qui, heureusement, est interdit maintenant Un mineur n'a pas le droit d'acheter des cigarettes En tout cas, je me souviens que j'aimais bien quand mes parents m'envoyaient acheter le pain à la boulangerie en bas de la rue Pas juste pour les bonbons mais parce que j'avais l'impression d'être grand C'était un rite de passage vers l'adolescence

J'utilise l'imparfait ici parce que j'ai l'impression que ce rite a disparu Ça fait longtemps que j'ai pas vu un enfant entrer tout seul dans une boulangerie Peut-être parce que les parents ont peur de laisser leurs enfants sortir seuls dans la rue

Ou peut-être parce que la boulangerie du quartier a fermé. Oui, il faut savoir que le nombre de boulangeries a beaucoup baissé au cours des 50 dernières années. Ça peut vous sembler bizarre si vous êtes déjà allé en France parce qu'on a l'impression qu'il y a une boulangerie à chaque coin de rue mais ça, c'est seulement dans les grandes villes. Quand on regarde les chiffres pour l'ensemble du pays, on voit une baisse quasi continue du nombre de boulangeries.

On est passé de 45 000 dans les années 70 à environ 34 000 aujourd'hui C'est-à-dire qu'un quart des boulangeries ont mis la clé sous la porte Elles ont fermé boutique Ce sont les victimes de ce qu'on pourrait appeler la guerre des boulangeries Une guerre qui a commencé il y a 50 ans et qui a pris un nouveau tournant au XXIe siècle C'est difficile à remarquer si on fait pas attention

Quand on entre dans une boulangerie française, on peut avoir l'impression que rien n'a changé depuis des lustres, depuis longtemps. Mais en réalité, c'est tout le contraire. Il y a des nouveaux acteurs, des nouveaux modèles économiques et même des nouvelles façons de consommer du pain. D'ailleurs, spoiler, la baguette n'est plus du tout à la mode.

Bref, c'est ce qu'on va essayer de comprendre dans cet épisode Un épisode qui, je l'espère, sera aussi croustillant qu'une bonne baguette Désolé pour ce mauvais jeu de mots Allez, c'est parti ! Pour commencer, je vous propose de faire un petit voyage dans le temps Ça nous permettra de mieux comprendre les origines de cette guerre des boulangeries

On mange du pain sous différentes formes depuis très longtemps. Mais en France, c'est au Moyen-Âge que le métier de boulanger s'est vraiment développé. À partir du IXe siècle, dans les villes, on voit apparaître les premiers artisans boulangers qui sont reconnus comme une profession à part entière, une profession contrôlée par l'église et ou le seigneur local.

Oui, parce qu'à l'époque, le pain est l'aliment de base, la principale source de calories. Donc il a une importance cruciale. C'est pourquoi son poids et son prix sont réglementés par les autorités.

Il y a aussi beaucoup de paysans qui font leur pain eux-mêmes mais ils n'ont pas le droit de le cuire chez eux Pour cuire leur pain, ils doivent utiliser le four du village un four qui appartient au seigneur Et à chaque fois qu'ils l'utilisent, ils doivent payer une taxe

Petit point de vocabulaire avant de continuer : le principal ingrédient pour faire du pain, c'est une céréale, souvent le blé. B-L-E accent aigu. Avec cette céréale, on fabrique une sorte de poudre qu'on appelle farine.

Donc quand les récoltes de blé sont mauvaises, la production de pain chute Les gens n'ont plus assez à manger et ils finissent par se révolter C'est d'ailleurs une des causes de la Révolution française de 1789 des mauvaises conditions climatiques qui ont entraîné des récoltes catastrophiques et des pénuries de pain

C'est pour ça que le pouvoir royal et plus tard le pouvoir étatique ont pendant longtemps contrôlé le prix du pain. Très longtemps même, puisque les boulangers français peuvent fixer eux-mêmes leur prix seulement depuis 1987. Ça m'a beaucoup surpris quand j'ai découvert ça en préparant l'épisode.

Mais n'allons pas trop vite, retour au XIXe siècle grand moment de la révolution industrielle C'est à cette époque que les boulangeries urbaines modernes apparaissent C'est aussi à cette période que les Français commencent à consommer du pain blanc Enfin, pas tous les Français, principalement les élites des grandes villes Le pain blanc devient un symbole de pureté de sophistication et de richesse

À Paris, les boulangers inventent des pains de différentes formes grâce à de nouveaux types de farines. En plus des pains ronds traditionnels, les miches, ils proposent des pains de forme allongée. Ils font ça pour répondre au goût des Parisiens. Oui, car ce que les Parisiens préfèrent dans le pain, c'est la croûte, la couche extérieure, et pas la mie, ce qu'il y a à l'intérieur.

Comme les pains allongés ont plus de croûte, les Parisiens les adoptent rapidement Ces nouveaux pains ont différents noms dont, vous l'avez deviné, baguette C'est vers la fin du XIXe siècle que le mot baguette apparaît pour la première fois dans des textes Mais il ne se popularise vraiment qu'au siècle suivant, entre les deux guerres mondiales À cette époque, on en consomme partout en France, pas seulement à Paris

Au lieu d'acheter ou de faire soi-même un gros pain pour toute la semaine qui finit par devenir rassis, par devenir sec les Français prennent l'habitude d'acheter une baguette fraîche tous les jours à la boulangerie du coin

Comment font les boulangers pour répondre à cette demande ? Eh bien, jusque dans les années 60, la production reste artisanale. En 1960, il y a environ 50 000 boulangeries artisanales pour 45 millions de Français, soit une pour 900 habitants. Il y a peu de concurrence. Parfois, il y a deux boulangeries dans la même rue ou le même village, mais tout le monde arrive à y trouver son compte, à gagner sa vie.

Mais la donne change dans les années 70 avec l'apparition d'une nouvelle forme de concurrence, la grande distribution. Autrement dit, les supermarchés. Les supermarchés industrialisent la production du pain. Ils fabriquent des baguettes surgelées en masse dans des usines, puis ils les cuisent dans leurs magasins. Cette production de masse leur permet de casser les prix en faisant des économies d'échelle.

Une partie des Français commencent donc à prendre l'habitude d'acheter leur pain au supermarché Non seulement ils le payent moins cher mais en plus, ça leur permet de gagner du temps vu qu'ils l'achètent en faisant leurs courses Et tant pis si la baguette n'est pas aussi bonne qu'à la boulangerie du coin À cause de cette concurrence, environ un tiers des boulangeries artisanales mettent la clé sous la porte entre 1970 et 2000

Alors, l'État français décide de voler à leur secours en promulguant deux lois importantes D'abord, en 1993 avec une loi qui crée l'appellation « baguette de tradition française » À partir de cette date pour avoir le droit d'appeler sa baguette « baguette tradition » elle doit être produite en respectant des critères très stricts

La baguette tradition ne peut contenir que quatre ingrédients : de la farine de blé, de l'eau, du sel et de la levure. La levure, c'est le micro-champignon qu'on utilise pour faire gonfler, faire grossir une pâte.

On en utilise souvent dans les gâteaux pour rendre la pâte plus légère et moelleuse Donc seulement ces quatre ingrédients et il faut aussi suivre une méthode de production précise La pâte doit être pétrie, autrement dit mélangée et cuite sur place, dans la boulangerie Elle doit aussi être façonnée à la main sans utiliser de machine

Donc vous l'avez compris, techniquement, il n'y a que les boulangeries artisanales qui peuvent produire des baguettes tradition Pour les clients, c'est la garantie d'acheter une baguette qui a été entièrement préparée sur place C'est pour ça que les Français adorent la baguette tradition Elle est aussi plus croustillante que la baguette blanche classique Donc si vous voulez goûter une bonne baguette la prochaine fois que vous irez en France je vous conseille d'acheter une tradition

Cinq ans plus tard, en 1998, l'État met en place une deuxième loi qui va encore plus loin puisqu'elle définit quels établissements ont le droit de s'appeler « boulangerie ». Pour pouvoir utiliser ce nom, toute la production du pain doit être réalisée sur place, dans le fournil. Le fournil, c'est comme la cuisine d'un restaurant, mais dans une boulangerie. C'est l'endroit où le pain est pétri et cuit.

Donc, depuis 1998, un établissement qui ne fait que cuire du pain surgelé n'a pas le droit de s'appeler boulangerie.

Grâce à ces deux lois, le nombre de boulangeries artisanales s'est stabilisé autour de 35 000 au début des années 2000. Et bien que leur pain soit plus cher qu'au supermarché, c'est chez elles que la majorité des Français achètent leurs baguettes. D'ailleurs, ils n'achètent pas seulement du pain. Oui, il faut savoir que le pain ne représente qu'environ la moitié du chiffre d'affaires d'une boulangerie.

Le reste, ce sont les viennoiseries autrement dit les produits sucrés ou salés qui sont généralement réalisés avec de la pâte feuilletée les croissants, les pains au chocolat ou encore les brioches Ça, les viennoiseries, ça représente environ 15% du chiffre d'affaires d'une boulangerie artisanale Il y a aussi les pâtisseries

tous les autres gâteaux sucrés, souvent avec de la crème, les éclairs, les tartelettes, etc. Là aussi, c'est 15% des ventes. Et les 20% restants, ce sont les autres produits salés comme les sandwiches, les quiches, etc.

Oui, pour survivre, les boulangeries artisanales sont obligées de proposer une gamme de produits de plus en plus large Vendre du pain ne suffit pas Et malgré leurs efforts, on peut pas dire que les boulangers roulent sur l'or L'or, le métal précieux Rouler sur l'or, ça signifie être très riche La plupart des boulangers ne roulent pas sur l'or parce que c'est un secteur très concurrentiel

Mais en plus, c'est un métier très difficile où on ne compte pas ses heures On commence le travail vers 3 ou 4 heures du matin pour que le pain soit prêt quand les premiers clients arrivent Il faut avoir une excellente organisation parce qu'il y a plein d'opérations à gérer en parallèle

Et même si les boulangers ont aujourd'hui des machines pour les aider, par exemple pour pétrir la pâte, c'est un métier qui reste physique. Il faut enfourner les pains, supporter la chaleur du four. Les Français en sont conscients, c'est pourquoi ils ont beaucoup de respect pour les boulangers, leur force de travail et leur savoir-faire. Je dirais que c'est un des métiers manuels les plus respectés en France.

Pourtant, il y a de moins en moins de jeunes qui ont envie de faire ce métier Ils connaissent les faibles salaires dans le secteur et la difficulté du travail C'est sûr qu'il n'y a pas grand monde qui a envie de se lever à 3h du matin tous les jours pour gagner un petit salaire

Moi, je connaissais un jeune boulanger un ami que j'avais quand j'étais au lycée À l'époque, il était apprenti boulanger Il apprenait le métier Il s'appelait Kevin Comme ses parents habitaient loin de la boulangerie où il faisait son apprentissage il lui avait loué un appartement à côté C'était le seul de mes amis qui avait son propre appartement donc forcément, toutes les fêtes étaient chez lui

Je me souviens qu'il se couchait vers 1h du matin pendant qu'on continuait de faire la fête dans le salon et quand nous, on allait se coucher vers 3h du matin lui, il allait au travail Et quand on se réveillait vers midi il y avait des croissants frais sur la table Je peux vous dire que Kevin était très populaire

Je l'ai perdu de vue mais je crois qu'il a ouvert une boulangerie à Dubaï donc il doit plutôt bien gagner sa vie Mais revenons-en à notre fameuse guerre des boulangeries Si on résume

Pendant longtemps, les gens faisaient leurs pains eux-mêmes Ensuite, il y a eu un essor des boulangeries artisanales jusqu'au milieu du XXe siècle C'était la seule forme de concurrence : la boulangerie du coin face à l'autre boulangerie du coin Dans les années 70, les supermarchés ont cassé les prix entraînant la faillite de nombreuses boulangeries artisanales

Pour stopper l'hémorragie, l'État français a promulgué deux lois qui protègent leur nom et leur savoir-faire. Mais depuis une vingtaine d'années, cet équilibre est encore une fois fragilisé à cause d'un nouveau modèle de boulangerie, les boulangeries de rond-point. Alors, de quoi s'agit-il ? Un rond-point, c'est... comment expliquer ça ?

Bon, ça concerne la route C'est une route en forme de cercle avec plusieurs sorties pour aller dans différentes directions Il y en a beaucoup en France, notamment en périphérie des villes dans les zones commerciales les zones où on trouve les grands magasins de voitures, de meubles, de sports, etc.

À la fin des années 2000, des boulangeries ont commencé à s'installer là alors qu'avant, il n'y en avait jamais dans ces zones Les boulangeries étaient toujours dans les centres-villes On allait acheter son pain à pied Tandis que pour aller dans ces boulangeries de ronds-points, il faut prendre la voiture

Alors, pourquoi ont-elles décidé de s'installer là ? Eh bien, pour deux raisons, un nouveau mode de production et un nouveau mode de consommation. Une boulangerie de rond-point, c'est une sorte de boulangerie artisanale avec des méthodes industrielles.

Comme les loyers dans les zones commerciales sont plus bas qu'en centre-ville ces boulangeries peuvent avoir des locaux plus grands donc un fournil plus grand et une production plus importante avec plusieurs boulangers qui travaillent en même temps

Grâce à ça, elles peuvent vendre leur pain moins cher que les boulangeries artisanales Elles ont des offres du style « 3 baguettes achetées, la quatrième gratuite » comme dans les supermarchés Une chose que vous ne verrez jamais dans une boulangerie artisanale Mais en même temps, puisqu'elles produisent leur pain sur place elles ont le droit d'utiliser l'appellation « boulangerie »

Elles ont aussi une gamme de produits beaucoup plus large C'est logique, comme elles ont plus de place dans leur vitrine elles peuvent proposer plus de choses Donc, en plus des produits classiques qu'on trouve dans les boulangeries traditionnelles elles vendent aussi des mini pizzas, des burgers plein de gâteaux différents

et elles ont des tables pour que les clients puissent prendre un café ou déjeuner sur place ce qui est rarement le cas dans les petites boulangeries de centre-ville Ce modèle cartonne, il rencontre un grand succès Beaucoup de Français ont pris l'habitude d'acheter leur pain dans les boulangeries de ronds-points après leurs courses au supermarché

Ils achètent quatre baguettes pour le prix de trois, ils les congèlent et comme ça, ils font des économies tout en ayant du pain dont la qualité est relativement proche de la qualité artisanale Les boulangeries de Rompoint ont connu un tel succès qu'elles sont aujourd'hui de véritables chaînes présentes dans toute la France voire même à l'étranger pour certaines

Celle qui a inventé la formule et qui est la plus grande aujourd'hui, c'est Marie Blachère. Il y a aussi Ange, Louise. Vous entendez plutôt des noms féminins. Et c'est pas un hasard. Ce sont des noms qui évoquent un côté traditionnel, familial. Encore une fois, ces boulangeries jouent la carte de l'artisanal mais en proposant des prix plus bas.

Vous connaissez peut-être une autre chaîne les fameuses boulangeries Paul mais là, c'est un peu différent À l'origine, c'est une boulangerie artisanale familiale qui s'est développée dans les années 70 en produisant du pain pour les supermarchés tout en gardant ses propres boulangeries à côté

Ils ont un positionnement plus premium et ils sont souvent placés dans les centres-villes Donc ça n'a rien à voir avec ces nouvelles boulangeries de rond-point Mais justement, maintenant j'aimerais vous parler d'un autre acteur qui a fait son apparition dans le paysage des boulangeries françaises avec une offre complètement différente

Quand je vivais en Pologne et que je rentrais voir des amis à Paris, j'ai vu apparaître des boulangeries dont les codes étaient très différents des boulangeries traditionnelles. Un design minimaliste, des pains spéciaux à la place de la baguette et des prix nettement plus élevés. Je les ai remarqués parce qu'il y avait systématiquement la queue devant.

Alors, ça arrive qu'il y ait la queue devant une boulangerie par exemple le dimanche matin quand tout le monde va acheter des croissants et une baguette pour le déjeuner mais avoir la queue toute la journée tous les jours de la semaine j'avais jamais vu ça

En fait, ces néo-boulangeries ont réussi à faire du pain un produit tendance un produit qu'on n'achète pas comme une simple commodité mais pour se faire plaisir comme un bon vin pour accompagner le repas Alors, quelle est leur recette ? Déjà, concernant le produit en lui-même les pains qu'on trouve dans les néo-boulangeries sont très différents de ceux qu'on a l'habitude de voir dans les boulangeries traditionnelles

Ils sont faits à partir de farines spéciales comme l'épeautre, une variété de blé ou bien des farines sans gluten comme le riz Les ingrédients sont généralement bio et locaux Dans le fournil, on fait les choses différemment aussi

Au lieu de tout automatiser avec des machines on utilise des méthodes de production anciennes La fermentation longue le pétrissage à la main parfois même la cuisson au feu de bois

D'ailleurs, les clients peuvent voir le fournil alors que dans les boulangeries traditionnelles, le fournil est fermé Dans les néoboulangeries, on peut voir le boulanger travailler ce qui renforce cette impression de transparence et de qualité

Et puis, contrairement aux boulangeries artisanales qui ont parfois un aspect vieillot une décoration qui n'a pas changé depuis les années 80 les néo-boulangeries ont des designs intérieurs très travaillés des matières brutes, un grand comptoir en marbre des vitrines minimalistes Elles s'inspirent des codes des coffee shops branchés de New York ou Melbourne des codes qu'on retrouve jusque dans leurs noms

Alors que beaucoup de boulangeries artisanales s'appellent simplement « boulangerie » les néo-boulangeries ont soit des noms un peu philosophiques comme Utopie, Liberté, Du Pain et des Idées soit des noms en anglais par exemple The French Bastards ou Land and Monkeys une boulangerie 100% végétale excellente que je vous recommande au passage

Il faut dire que les néo-boulangeries maîtrisent aussi bien la communication digitale que la production artisanale Elles ont des milliers d'abonnés sur Instagram et TikTok ce qui leur permet de toucher une clientèle qui dépasse largement les habitants du quartier Des gens qui traversent la ville pour acheter leur pain mais aussi les touristes qui veulent se prendre en photo dans leur boutique avec un de leurs célèbres gâteaux

Tous ces éléments expliquent pourquoi, malgré des prix beaucoup plus élevés, les néo-boulangeries ont réussi à trouver leur place. Il y a 15 ans, il y en avait seulement une ou deux à Paris, mais maintenant, on en trouve dans toutes les grandes villes françaises. Même à Marseille, il y en a trois dans le quartier où j'habite,

Ah oui, il faut préciser qu'elles sont toujours situées dans les quartiers branchés, les quartiers à la mode Oui, parce que leurs clients, vous l'avez deviné, ce sont les fameux bobos des personnes qui ont un pouvoir d'achat important et qui veulent consommer des produits de qualité en phase avec leurs valeurs des produits locaux, bio, etc.

Cette clientèle est prête à payer son pain trois fois plus cher que dans une boulangerie traditionnelle. Et oui, moi aussi, j'achète souvent ma baguette dans une boulangerie de Bobo. Mais ce que je trouve le plus intéressant avec ces nouveaux types de boulangerie, c'est pas tant l'aspect économique que sociologique. Jusqu'à récemment, le pain était un produit basique qui était plus ou moins le même sur toutes les tables françaises.

Oui, il y avait des boulangeries qui faisaient de meilleures baguettes que d'autres mais globalement, c'était le même produit vendu au même prix dans toute la France Aujourd'hui, c'est plus le cas Alors, qu'est-ce que cette évolution nous apprend sur la société française ?

Comme vous l'avez compris, le marché des boulangeries françaises n'a jamais été aussi segmenté qu'aujourd'hui Dans les grandes villes, on trouve des boulangeries artisanales à tous les coins de rue et des néo-boulangeries dans les quartiers branchés Alors que dans les villages, l'unique boulangerie a fermé

Parfois, elle a été remplacée par un distributeur automatique de baguettes Oui, oui, ça existe Ces distributeurs sont alimentés par une boulangerie qui fournit le pain pour plusieurs villages à la fois S'il n'y a pas de distributeur, les habitants sont obligés de prendre leur voiture pour aller acheter leur pain que ce soit dans la ville d'à côté ou dans une boulangerie de rond-point

Cette répartition, les géographes et les sociologues lui ont donné un nom : la France à deux vitesses.

D'un côté, les grandes villes dynamiques où les gens sont plus riches et plus diplômés De l'autre, les territoires où la population diminue d'année en année et où les services publics et les petits commerces ferment les uns après les autres Le problème, c'est que pour les Français, la boulangerie n'est pas juste un endroit où on achète du pain C'est aussi un lieu de socialisation

On y va tous les jours ou presque Le dimanche matin, on fait la queue pour acheter des croissants frais On en profite pour papoter, pour discuter avec les autres clients, souvent des voisins On échange les dernières nouvelles du quartier, on commente l'actualité politique ou sportive Mais ce côté convivial semble être en train de disparaître

Dans les boulangeries de rond-point, on ne connaît pas les autres clients parce qu'ils viennent de loin, comme nous ni les vendeuses parce qu'elles sont nombreuses et qu'elles changent souvent On achète son pain en vitesse après avoir fait les courses et on repart dans sa voiture Et comme on en achète en grande quantité pour profiter des promotions, on y va moins souvent

Pour les boulangeries haut de gamme en ville, c'est un peu différent. Elles créent bien une sorte de communauté, mais c'est un club assez fermé. Il faut avoir les moyens d'en faire partie et vivre dans le bon quartier. L'autre évolution intéressante, c'est que les Français mangent de moins en moins de pain. Trois fois moins qu'en 1950, pour être précis. Pourtant, ils continuent de le revendiquer comme une part importante de leur identité.

D'ailleurs, en 2022, ils ont fait campagne pour que la baguette soit inscrite au patrimoine immatériel de l'UNESCO Cette obsession pour le pain traditionnel, c'est un peu comme si on cherchait à se raccrocher à nos racines Face à la mondialisation où tout se ressemble de plus en plus les Français essaient de garder leur identité culinaire

Les néo-boulangeries haut de gamme l'ont bien compris Elles nous vendent un retour aux sources avec leur méthode soi-disant ancestrale Elles nous font rêver d'un passé où le pain était forcément meilleur parce que plus authentique Même si entre nous, je pense que peu de Français apprécieraient le pain que leurs ancêtres mangeaient au XIXe siècle

Mais cette nostalgie a un prix qui n'est pas accessible à tous. Le pain, cet aliment du peuple par excellence, devient une sorte de marqueur social. D'un côté, les Français qui vivent dans une grande ville et qui ont les moyens d'acheter leur pain à la farine des pôtres. De l'autre, ceux qui achètent des baguettes en promotion au supermarché ou dans une boulangerie de rond-point. Alors, qui gagnera cette guerre des boulangeries ?

Je crois qu'il n'y aura pas un seul gagnant Chaque type de boulangerie a sa place et répond à des clientèles et des besoins différents Les boulangeries artisanales traditionnelles continueront d'exister surtout dans les centres-villes Les chaînes de boulangerie prospéreront sur les ronds-points des zones commerciales et les néo-boulangeries répondront aux exigences des bobos des grandes villes

Ce qui est certain, c'est que malgré la baisse de la consommation de pain, les Français restent attachés à leur boulangerie. D'ailleurs, leur nombre augmente légèrement depuis deux ans. Donc rassurez-vous, vous pourrez acheter une délicieuse baguette tradition lors de votre prochain voyage en France. D'ailleurs, c'est ce que je vais faire tout de suite parce que cet épisode m'a donné faim. Donc merci de m'avoir écouté et on se revoit très bientôt. Ciao !