France Info Junior a la découverte d'un métier aujourd'hui, un métier passionnant qui suscite la curiosité des enfants. Bonjour ! Bonjour ! Bienvenue dans France Info Junior. Nous sommes les élèves du collège Anatole France à Sarty dans la Manche. Et nous allons poser des questions à un sculpteur. Et oui, un sculpteur. A vous François-Gilles, bonjour ! Bonjour !
Vous êtes sculpteur et restaurateur, aussi meilleur apprenti de France, agrégé, normalien. Vous rénovez, entre autres, des monuments classés. Et les enfants ont plein de questions à vous poser. Qui veut commencer ? À toi Donovan. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre métier ?
Alors, le métier de sculpteur, en lui-même, il consiste à simplement créer des œuvres en volume, normalement, par enlèvement de matière. Donc, on part d'un bloc de quelque chose et on enlève de la matière dedans. Et donc, moi, je suis plus spécifiquement sculpteur sur bois, c'est-à-dire que je pars...
des arbres, je parle de planches de bois, pour créer des œuvres en volume, et plus particulièrement, effectivement, vous le disiez, pour des monuments historiques, et beaucoup, en fait, pour le décor intérieur, et je fais beaucoup de restauration dans ce cadre-là. Et puis, dans l'actualité aussi, il y a, et ça, je sais que vous avez travaillé en classe là-dessus, les enfants, il y a la restitution de sculptures à des pays colonisés par la France ?
en fait réparer des erreurs du passé finalement. Restitution par exemple d'un tambour-parleur à la Côte d'Ivoire, c'est une sculpture assez impressionnante de 430 kilos. Le Sénat a enclenché tout un processus là-dessus. En visite à Madagascar il y a un mois à peu près, Emmanuel Macron a aussi fait des annonces en ce sens, mais il n'y a pas de grande loi comme ça pouvait être espéré. Ça c'est important François Gilles, justement quand une sculpture ça fait partie de l'histoire d'un pays, qu'on revienne un peu là-dessus sur ce passé, même si on n'est qu'au début du chemin ?
C'est tout nouveau, effectivement, qu'on s'y intéresse du point de vue de la légalité. Théoriquement, les collections nationales sont des collections qui sont inaliénables. C'est un gros mot pour dire que toute œuvre qui rentre dans les collections nationales ne peut plus en sortir.
Donc à partir du moment où on souhaite, pour une raison X ou Y, faire sortir une œuvre des collections nationales, c'est qu'effectivement, il faut passer devant le Parlement, il faut passer par la loi, et c'est là encore un geste politique.
Donc en fait, ça veut dire qu'effectivement, au cas par cas, dans le cas de ces pays colonisés, il faut pouvoir étudier si les œuvres ont été acquises de manière frauduleuse ou non. Et si on a la preuve, effectivement, que les œuvres sont acquises de manière frauduleuse, dans l'absolu, il n'y a pas de raison de ne pas les rendre. Pourquoi restituer le mal-effet ? Alors, on peut considérer que...
les musées sont universels et que donc ils sont au-dessus de l'histoire, ils sont au-dessus des considérations politiques et que donc ils protègent la mémoire du monde, y compris la mauvaise mémoire du monde, j'allais dire presque même la mauvaise conscience du monde. Le problème est que dans le cas de certains pays, quasiment tout leur patrimoine, pour le coup, leur a été spolié. Et donc,
Même si on ne sort pas certaines collections ou certaines œuvres des collections publiques, il faut poser la question de les redéposer et de les re-rendre visibles de nouveau dans ces pays-là. Donovan, c'est à toi. Depuis quand le problème de restitution se pose ? Depuis toujours. Je ne me mouille pas trop en disant ça. C'est-à-dire qu'à partir du moment où des peuples se sont fait la guerre...
les œuvres d'art ont été finalement une forme de rançon et ont été une forme de trophée qu'il était bon de ramener chez soi. Et pour vous dire finalement toute la complexité de ce problème, c'est pour ça que je posais la question de la légalité de certaines acquisitions. Si vous prenez par exemple à Venise les fameux chevaux qui sont sur la Bézéique Saint-Marc, enfin ce sont des répliques mais...
les originaux sont dans la basilique, ce sont des bronzes qui ont été réalisés en Grèce, qui ont été déplacés par les Romains à Constantinople et qui ensuite ont été pris lors du sac de Constantinople par les Vénitiens pour les ramener chez eux. Et ensuite, Napoléon les a pris pour les ramener en France et quand Napoléon a perdu...
en 1814, elles sont reparties à Venise. Alors qu'en fait, les créateurs finalement de cette œuvre, eh bien, ce sont les Grecs. Mais en même temps, l'histoire, justement, comme on le disait tout à l'heure, s'est écoulée depuis. Et donc, finalement, c'est un petit peu le dernier propriétaire qui fait foi. Tout ça pour dire qu'effectivement, on voit bien que finalement, les œuvres ont toujours circulé et qu'on peut toujours poser la question de leur premier propriétaire et de leur premier créateur.
Après, il faut faire attention à une chose, c'est d'éviter une forme de nationalisme de l'art qui consisterait à dire que toute œuvre créée dans un pays ne peut pas le quitter. Alors qu'on sait très bien qu'il y a des échanges culturels, des échanges commerciaux qui font que les œuvres d'art, en fait, elles circulent. Pouvez-vous nous citer quelques œuvres connues qui ont été restituées à l'heure actuelle ?
Alors oui, dans les œuvres qui ont fait l'actualité, il y a par exemple l'affaire des... Enfin, l'affaire, ça a été une affaire, maintenant ça n'en est plus vraiment une, mais des manuscrits coréens. Dans le cadre de représailles qui ont été menées par l'armée française contre la Corée qui avait massacré des missionnaires jésuites sous Napoléon III, donc sous le Second Empire,
des manuscrits, à peu près 250 manuscrits ont été pris en Corée et
mis dans les collections de la Bibliothèque Nationale de France. Ces manuscrits, dans le cadre de bonnes relations diplomatiques, on va dire, ont été rendus à la Corée. Toujours sur ce cas des manuscrits coréens, les conservateurs de la Bibliothèque Nationale de France ont refusé de rendre ces manuscrits, donc il a fallu quasiment leur prendre de force. Les politiques, en fait, lors de ce voyage diplomatique, ont
ont dû récupérer la mallette dans laquelle il y avait les manuscrits, les conservateurs n'ont pas voulu donner la clé, donc il a fallu forcer la serrure. Il y a eu toute une affaire comme ça qui a un petit peu d'ailleurs aussi traumatisé le monde des musées, parce qu'il faut bien s'imaginer que les conservateurs du patrimoine qui s'occupent des collections des musées, eux, ce qu'on leur apprend, c'est à protéger les collections privées.
qu'on leur confie, quelle que soit leur histoire, d'une certaine manière. Merci beaucoup, François Gilles, d'être venu dans le studio de France Info Junior pour répondre aux questions des enfants sur votre métier de sculpteur, sur la restitution des biens culturels, également, France Info Junior. Une émission à retrouver sur franceinfo.fr et l'appli Radio France, préparée par Estelle Fort et Jeanne Sarfati-Camarec.