L'intelligence artificielle au cœur de cette journée spéciale sur France Info et donc dans France Info Junior, puisque les adolescents ont beaucoup d'interrogations aussi à ce sujet. Bonjour Colin Delahiguera. Bonjour ! Vous enseignez à Nantes Université, titulaire de la chaire UNESCO, ressources éducatives libres et intelligence artificielle. Merci donc d'être avec nous pour répondre à des questions authentiquement humaines, je le précise, posées par des élèves de 5e du collège Émile Mal, c'est dans l'allié à Comentry.
Et nous commençons avec Naïm. Quelle est l'IA la plus fiable pour chercher une réponse quelconque ? Beaucoup des réponses que vous allez trouver vont dépendre de la qualité de la question. Si vous posez une bonne question, vous avez des bonnes chances d'avoir une bonne réponse.
Mais le fait qu'elle ne soit pas fiable, c'est plutôt une bonne nouvelle. Ça veut dire qu'il faut qu'on fasse attention, qu'on ne doit pas juste prendre la réponse et puis la recopier. Donc, on a besoin de faire quelque chose qui s'appelle exercer l'esprit critique. Une question d'Illiana. Est-ce que l'IA pourrait remplacer les professeurs ? Alors, vous semblez dire que non.
L'IA ne peut pas remplacer un professeur, parce qu'un professeur n'est pas là juste pour t'apporter de la connaissance.
Le professeur, il est là aussi pour t'apprendre à apprendre, pour te donner envie d'apprendre. Et exercer cet esprit critique que vous citiez à l'instant. Et exercer cet esprit critique, apprendre à l'exercer. Donc, même s'il y a des connaissances, il y a aussi tout le reste. Et ça, c'est les humains, c'est les professeurs qui le font très bien. Est-ce que certains professeurs, toutefois, utilisent des systèmes d'intelligence artificielle dans la préparation de leurs cours, par exemple ?
Pas assez. Un professeur sur cinq seulement. Et pourtant, il faudrait vraiment le faire parce qu'en face, les élèves sont en train de l'utiliser et donc le professeur doit comprendre comment font les élèves. On pourrait penser qu'il faut plutôt freiner cette pratique-là. Vous vous dites au contraire, il faut que d'une certaine manière, chacun se pousse vers davantage d'intelligence artificielle, que les élèves poussent les professeurs et les professeurs poussent les élèves ?
à partir d'un certain moment. En cinquième, c'est peut-être encore tôt, mais au lycée, c'est évident que oui. Les élèves, même au collège, sont en train d'utiliser l'intelligence artificielle. Bon, il faut que, quelque part, la discussion, le dialogue ait lieu avec les professeurs. Une question de Marceau. Pour moi, c'est comme si on faisait les recherches sur Internet, parce que
C'est une partie d'Internet. Alors, depuis le début, on parle d'ailleurs d'intelligence artificielle comme de logiciels auxquels on pose des questions et qui nous apportent des informations. Il y a toutes sortes d'autres intelligences artificielles, mais est-ce que c'est aussi anodin comme système de recherche qu'une recherche Internet ?
Vous avez raison de dire qu'il y a d'autres IA, d'autres intelligences artificielles. Alors d'abord, on n'interroge pas. On a une conversation, c'est-à-dire qu'on doit apprendre à poser des questions. Alors que pour utiliser un moteur de recherche, il y avait des techniques, mais ce n'est pas la même chose que de savoir poser des questions.
Et important, c'est que quand vous faisiez une recherche sur Internet, on vous donnait quelque chose qui existe vraiment. Lorsqu'on demande à l'IA, c'est quelque chose qui a été reconstruit par l'IA. Donc peut-être que ce n'est pas quelque chose qui existe vraiment. Mais reconstruit à partir de données que l'IA capte déjà sur Internet. Mais la reconstruction peut être bien faite ou pas. Une remarque d'Hugo. Est-ce que l'IA est bénéfique ou entre guillemets maléfique pour les enfants ? C'est un peu le...
le bilan de tout ce qu'on vient de dire ?
Oui, c'est important comme question. En fait, les deux. L'IA n'est ni maléfique ni bénéfique, mais elle peut être bénéfique. C'est aujourd'hui le cas pour la médecine, par exemple. Il va y avoir des maladies. Il y a déjà des maladies qui sont guérissables grâce à l'IA. Donc ça, c'est formidable. En agriculture, on va pouvoir dépenser moins d'eau, moins de produits qui ne sont pas très bons pour la terre grâce à l'IA. Mais pour l'école ?
Pour l'école, quand on apprend à s'en servir et quand on l'utilise pour des bonnes choses, donc pas pour faire les devoirs, mais pour aller plus loin, pour explorer, pour aller chercher les réponses aux questions qu'on n'a pas eu le temps de poser, ça c'est absolument très bien. Par contre, si le but c'est juste de faire les devoirs pour ne pas se fatiguer, c'est une mauvaise chose.
Quand tu fais tes devoirs avec l'IA et en fait, tu n'as pas appris, tu es en train de tricher, mais tu n'es pas en train de tricher par rapport au professeur, tu es en train de tricher par rapport à toi-même. C'est
C'est surtout s'empêcher d'avoir la possibilité d'apprendre. Ceux qui s'opposent ou qui ont des craintes au sujet de l'intelligence artificielle disent que plus on va l'utiliser, plus on nourrit la bête en quelque sorte et qu'au fond, on ne sait pas, en nourrissant la bête, ce que ces systèmes vont devenir. Est-ce que c'est une inquiétude légitime ?
C'est une inquiétude légitime. Si nous sommes en train de parler aux enfants, certains ont peut-être vu un film de Walt Disney, « L'apprenti sorcier », dans lequel Mickey se met à utiliser la magie pour ne pas travailler, pour monter des seaux d'eau. Et petit à petit, la magie lui échappe et soudainement, il se retrouve inondé avant d'être sauvé par le sorcier.
C'est des scénarios comme ça qui sont possibles. Ce sont des techniques qui sont très, très puissantes, qui sont formidablement puissantes, on a envie de dire. Formidablement, ça veut dire que ça peut faire plein de bonnes choses. Mais il ne faut pas se retrouver comme Mickey à ne plus savoir finalement ce qu'on est en train d'en faire. Mais alors j'en reviens à cette question précédente. Est-ce que dans ce cas, il ne vaut pas mieux freiner l'usage des intelligences artificielles plutôt que de se désoler qu'il n'y ait qu'un cinquième des profs qui l'utilisent actuellement ?
Le fait est que le 1 cinquième des professeurs doit être accompagné du fait qu'il y a 100% des élèves, en tout cas au lycée. Donc on ne peut pas accepter cette asymétrie dans laquelle les élèves l'utilisent et les profs ne savent pas très bien ce qui se passe. Si les élèves s'en servent pour apprendre, en fait ils peuvent s'en servir pour apprendre bien.
mais il faut qu'il soit accompagné et le rôle de l'enseignant va être de l'accompagner. Sinon, on aura un problème d'iniquité. On va avoir quelques élèves qui vont s'en servir très bien et vont en profiter et faire des choses vraiment intéressantes avec. Et on a beaucoup d'exemples comme ça. Et d'autres élèves, peut-être, ne s'en serviront que pour faire les devoirs et éviter d'apprendre, ce qui serait dommage puisque le rôle de l'école, c'est aussi d'apprendre et de nous apprendre à apprendre.
Merci Colin Delahiguera. Je rappelle que vous êtes professeur à Nantes Université, titulaire de la chaire UNESCO Ressources éducatives libres et intelligence artificielle. Merci aux élèves du collège Émile Mal de Comentry dans l'Allier et à Estelle Fort qui a recueilli leurs questions. France Info Junior, c'est à retrouver sur franceinfo.fr.