Le peuple se révolte.
Car la fortune du dormeur, qui devait profiter à tous, a été détournée par le Concile. Tirant avantage du soulèvement, Ostrog se sert de Graham pour pousser ses pions. Quatrième épisode, les temps nouveaux. Depuis la salle d'attente du poste central des éoliennes, j'avais une vue imprenable sur Big Ben et le palais de Westminster. Le Parlement ne siégeait plus depuis des décennies.
Depuis que le Concile avait transformé le palais en décor pour son et lumière, il venait de se rallumer, comme la cité tout entière. Signe que la révolution avait commencé, on pouvait voir des centaines d'habits bleus, les prolétaires asservis par le Concile, s'agenouiller sur les artères filantes, les immenses trottoirs roulants de la cité. La plupart des artères étaient stoppées ou réglées sur la vitesse minimale. Le peuple imposait son rythme, reprenait possession du temps. Mademoiselle Walton ?
Vous voilà, aux premières loges de la Révolution. Qu'est-ce que ça vous fait ? Je ne vous avais pas entendu entrer. Pardonnez-moi. Qui êtes-vous ? Asano. J'étais, jusqu'à il y a peu, chargé de la sécurité de votre oncle Ostrog. Vous n'êtes plus ? Votre oncle m'a assigné la tâche plus prestigiée de servir son excellence en personne. Vous voulez dire ? Le dormeur, oui. Et d'être son assistant personnel. À vos côtés. Assistant de Guaram ? Non.
Assistante de l'assistant. Vous serez sous mes ordres. Quel intérêt pouvait avoir Ostrog de m'inclure dans ta garde rapprochée ? Je craignais, si je disais non, que la révolution se fasse sans moi. C'est d'accord. Vous n'avez pas répondu à ma question. Laquelle ? Ça vous fait quoi d'être à vos premières loges ? Je vous dirai ça quand la fumée sera dissipée. Suivez-moi. Les petites silhouettes rouges au bas de l'écran sont nos prisonniers.
Ceux-là ont eu de la chance. La police rouge est particulièrement unie depuis qu'elle a ouvert le feu sur les manifestants. Ces décombres sont ceux du hall de l'Atlas. Les membres du concile, paix à leurs âmes, doivent se trouver quelque part là-dessous. C'était le dernier bastion et nous l'avons pris. Pour résister à notre assaut, le concile a cru bon nous faire sauter les immeubles alentours. Tantôt en temps de l'explosion, la moitié des vitres de la cité a été pulvérisée.
Les oppresseurs ne tirent jamais leur révérence sans un fracas ou un gémissement. De la fumée, il y en avait partout sur les écrans allumés dans le bureau de mon oncle. Quand j'y entrais à la suite d'Asano, Ostrog était en train de te montrer ce qui restait du hall de l'Atlas. Le siège de l'ancien pouvoir n'était plus qu'un amas de ruines. Devant Ostrog et Olsen, son fidèle bras droit, tu te tenais bouche bée.
Aussi stupéfait par ces images de guérilla urbaine, cette révolution menée en ton nom, que par les écrans qu'en homme du XIXe siècle, tu appelais des kinétoscopes. Ces hommes en noir sont avec nous. Il y a quelques ondées encore, ils étaient des rebelles. À présent, la cité est à eux. À toi, Graham.
C'est pour établir ton règne qu'ils ont risqué leur vie. Un coup d'État splendidement mené. Voilà ce qu'ils te faisaient admirer. De même dans toutes les grandes capitales : Europe, Asie, Amérique. Le Concile n'est pas tombé seulement ici, mais dans le monde entier où sa tyrannie s'exerçait. Hélène. Graham. Tu as déjà rencontré ma nièce, je crois. Hélène, vous êtes là vous aussi. Votre Excellence.
Et voici Asano, à qui tu peux tout demander. Très honoré. Il sera ton assistant personnel, un guide indispensable. Mon guide dans la cité ? Tu as dormi une douze-dose et demie d'années, Graham. Pour toi, ça veut dire deux cents ans d'absence au monde qu'il va te falloir rattraper. Hélène a étudié le passé, elle est même éprise du passé. Elle saura gommer les malentendus, lever des obstacles entre ton époque et la nôtre. C'était ça, le rôle qu'il voulait me voir jouer ?
Une sorte de guide temporel ? Jack y essaie docilement, pour garder l'œil sur toi et ne pas perdre une miette de la Révolution. Bien, Hélène. Je n'en attendais pas moins. Tu sais qu'elle a veillé sur toi, Agra, pendant que tu dormais ? Vingt mois à tes côtés comme assistante curatrice ! Il savait. Mon oncle n'ignorait rien de moi et tenait à me le faire savoir. Bien, ne perdons pas une ondée, il faut saluer les vainqueurs.
Graham, le monde entier attendant Peach. On va l'enregistrer sur place, devant les débriefements du concile. Peach ? C'est ce qu'on appelait un discours à ton époque. Aujourd'hui, on ne fait plus aussi long. Six ou sept mots sont bien plus efficaces. Deux ou trois, idéalement. Hélène pourra t'expliquer. Six ou sept mots ? Qu'est-ce que je dois dire ? Olsen ? Je suis réveillé. Mon cœur est avec vous. Huit mots ?
C'est un de trop. Je suis réveillé, mon cœur, avec vous. Tiens mieux. Beaucoup mieux. Reçu ou arraché des mains, le pouvoir est un anneau maléfique. Sa première séduction ? La griserie avant l'ivresse. Il sera quoi le jour ? 18h ? 18h c'est bien. Tous les écrans seront allumés. Dans l'hyperloupe qui filait à grande vitesse entre le poste central des éoliennes et les ruines du hall de la classe,
Même moi, je me sentais gagnée par cet étrange sentiment de toute puissance. Il débordait à ce point d'Ostrogue qu'il finissait par me contaminer. L'esprit de machine sent à nous. Tu veux qu'on passe sur l'organe ? Non, pas l'esprit de machine. Pas tout de suite. Tout le monde les écoute, mais personne ne les dupe. Faut faire durer l'état de grâce. Assise à tes côtés, sanglée comme toi sur la banquette, j'observais Ostrogue et Olsen qui réglaient les détails de ton pitch en mondovision. Je ne pouvais m'empêcher de penser...
On va toucher tellement de monde. Génial. Il aurait pu être pire. Il aurait pu être bien pire. Le dormant, tu veux dire ? J'ai hésité avant de le réveiller. Finalement, il fait le job. Juste ce qu'il faut de charisme involontaire. C'est alors que je fus prise d'un doute. Mon cerveau, brusquement, me ramena plusieurs heures en arrière. Quand Olsen t'avait précipité dans l'arène. Il t'a dit quoi, Olsen, dans l'arène ?
On se tutoie maintenant ? Je n'arrivais plus à t'appeler, Excellence. Je les avais trop vus te manipuler. Oui, un peu. Qu'est-ce qu'il t'a dit avant de te faire parler dans le micro ? Il m'a dit, le peuple est à vous, il n'attend que votre signal. Quel signal ? Il m'a expliqué que les insurgés marchaient sur le concile et que je n'avais qu'un mot à dire pour les encourager. Un vrai traquenard. Situé dans un quartier ouvrier, l'aréna était pleine à craquer d'habits bleus.
Les faire sortir en masse vers le concile, c'était les jeter sous la mitraille de la police rouge. Exactement ce qui s'était passé. Non content de te réveiller, Ostrog t'avait utilisé pour mettre le feu aux poudres. Peu lui importait le nombre de morts et de blessés. Pourquoi tu me demandes ça ? Je me sentis très seule tout à coup. Ostrog et Olsen poursuivaient leur manigance dans l'hyperloop qui ralentissait. On arrivait sur les lieux. Pour rien, Graham ?
Pour rien. La prise du Concile a fait plus de 3000 morts dans notre camp. Ce courage, cette bravoure... Nous qui devons les guider, nous serons toujours en dessous d'eux. Le hall de l'Atlas n'était plus qu'une montagne de gravats. Là où se dressait auparavant un palais aux allures de Colisée,
Je découvrais un champ de ruines éclairé par les faisceaux de dizaines de projecteurs. Quel désastre ! Les membres du Concile se sont fait sauter dans leur palais ou quoi ? On les a un peu aidés. Combien de fois avais-je rêvé la chute du Concile ? La fin de son règne absolu sur les cinq continents. Maintenant que c'était arrivé, j'avais peine à y croire. Tu croyais qu'ils avaient capitulé ? Il n'y a pas eu de reddition ?
Il y en a bien un ou deux qui mouillent la visseau, non ? Peut-être. Comme vous voyez, les pelleteuses sont au travail. Il était presque minuit. Sous les feux des projecteurs, dans les interstices des gravats, je croyais voir le sang s'épaissir d'ondée en ondée. Graham, ça va être à toi. La révolution est un mot solennel, un mot pompeux qui n'aime pas qu'on le contredise. Mais la révolution qui soulève ces jupons et pataugent dans le sang, elle aide à voir.
Laid et mesquine. On a érigé cette petite estrade de fortitude. Montez dessus avec Ostrose et fixez l'objectif de cet appareil. Ici, Excellence. Ici. On appelle ça une caméra. On dirait que son Excellence a fait ça toute sa vie. Il n'a fait que dormir toute sa vie. Je fixe cet œil de verre et je prononce mon pitch. C'est ça ? Voilà. Place-toi bien dans la lumière.
À Londres et dans le monde entier, ton visage sera visible avec une telle précision que le peuple pourra compter le moindre de tes fils. Le direct dans 15 secondes. Bon, je te laisse seul, Graham. Seul avec ton peuple. Ça fait combien de personnes ? Combien d'habitants à Londres en ce moment ? 8 et 22 myriades. Comment ? Plus de 33 millions. 14 milliards à l'échelle de la planète. Prêt, Graham ? L'antenne dans 3 secondes. Je suis réveillé. Mon cœur avec vous.
Quel pitch ! Son Excellence mérite une bonne nuit de sommeil. Demain sera une grosse journée. Vous allez l'emmener où ? Un peu partout. Il doit tout voir. Enfin, presque tout. Je suis réveillée, mon cœur avec vous. C'est par ces mots d'une grande puissance et d'une grande consopterité que Francis, l'ancien dormeur, s'est adressé vers l'ennemi à la planète entière.
Une cérémonie de transition pacifique du pouvoir... Qu'est-ce que c'est que ça ? Est-ce que ce sont... Je vous laisse devenir. Des spin-machines. Il va sans dire que de nos jours, les nouvelles sont parlées. Cela fatigue moins les yeux et l'esprit. Il est impossible de rester hors de portée des spin-machines. Et impossible de les éteindre. C'est insupportable. Simple question d'habitude. Comment faites-vous pour vous concentrer ? Comment font les écoliers pour apprendre ? Je reviendrai.
passant sur cette artère brillante. Et le travers est central. Ce sont les anciennes Oxford Street et Hoban. Ici comme ailleurs, la maison individuelle, le foyer ont disparu.
C'est Tours, sur le mode du tout-en-un. Abrite des dortoirs ouverts, spacieux et hygiéniques. Ces mêmes tours contiennent des agrégats, conglomérats et agglutinats d'entreprises aux open spaces partagés entre travailleurs d'urne, nocturne, intérimaire du matin et intérimaire du soir. On travaille beaucoup ici.
C'est forcé si on ne veut pas être rétrogradé dans la ville basse. La ville basse ? Où est-elle ? Gardez les yeux en l'air, Excellence. Le sommet des tours est ce qu'il y a de plus beau. Maintenant, le préconcile a capitulé. Ne vous demandez pas ce que votre nouveau maître peut faire pour vous. Demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour votre nouveau maître. Tout entier est strictement supérieur à nous.
Les écoles ne sont plus des écoles, mais des centres à l'hypnose. Les méthodes traditionnelles d'apprentissage et d'évaluation sont tombées en désuétude. L'art de l'hypnose les a remplacées. Au lieu d'années d'études, les élèves passent quelques semaines en transe, pendant lesquelles les coachs experts leur répètent tout ce qu'il faut savoir pour donner les bonnes réponses.
La remémoration post-hypnotique rend les connaissances très vite mobilisables. Réveillez-vous, c'est tout pour aujourd'hui. Et là-bas, ce sont des adultes qu'on hypnotise. Oui, on s'est aperçu que l'hypnose permettait d'imprimer des souvenirs de façon permanente dans la mémoire. Et qu'à l'inverse, il était possible d'effacer des souvenirs. Une sorte de chirurgie psychique dont tout le monde s'est emparé.
Les situations honteuses, les expériences humiliantes peuvent ainsi être oblitérées de la mémoire. Votre ex-mari ne fait plus partie de votre mémoire. Qui ça ? Votre ex-mari. Ça vous dit quelque chose ? Je n'ai jamais été mariée. La séance est finie. Est-il possible de greffer des désirs ? Non. Pas plus aujourd'hui qu'à ton époque. Dommage. Assez parlé hypnose. Nous sommes attendus à Gatwick.
Extraordinaire ! Ça dépasse tout ce que je pouvais imaginer ! Le trafic aérien n'a pas encore repris. Dès le début de la Révolution, les aéronautes sont rangées avec nous. Les acrobaties que vous voyez dans le ciel célèbrent la chute du Concile. Louping ! Grille ! Piqué ! Ces engins sont prodigieux ! Y en a-t-il qui sont plus faciles à manier ?
Celui-là, avec ses ailes comme des membranes d'insectes. J'en ai vu un fondre sur moi pendant que je courais sur le dôme. C'est un aéropil. Précisément le plus difficile à piloter. Ces engins biomimétiques sont inspirés de libellules. On ne les confie qu'aux aéronautes les plus expérimentés. Je pourrais apprendre. Vous, Excellence ? Apprendre à voler ? Pourquoi pas ?
Les gens du peuple viennent d'être tués ou de risquer leur vie pour que tu accèdes au pouvoir. Ce n'est pas le moment de te cracher en avion. On pourrait toutefois vous y faire monter, si tel est votre désir. Qui sont ces gens en bleu de travail ? Oh, ce sont vos soutiens qui ne se lassent pas. Le peuple, le vrai. Nul craint à avoir. La police les aéroplènes les empêchent d'approcher.
Je ne comprends rien à ce qu'ils disent. Pourquoi est-ce qu'ils avalent leurs mots ? C'est l'accent de la ville basse. Je n'ai rien vu de la ville basse. Excellence, regardez, un loupi. Ils ont forcé le cordon. Excellence, détournez-vous. Surtout, ne les regardez pas. Ils tendent les bras pour me donner, on dirait des bouts de papier. La police les rattrape. Nous restons là.
Poste central des éoliennes. Une réception va être donnée pour vendre. Tu ne ramasses pas leurs papiers, quoi ? Je ne veux pas me baisser devant leurs yeux. Des papiers tendus par les habits bleus ? Pas me baisser, je dois tenir mon rang, non ? Suivez-moi, Excellente. Par ici. Contaminer toi aussi. Tenir mon rang ? Gagné par l'ivresse de la fonction. Il a dit tenir mon rang ? Et la méfiance envers la populace. Alors...
Comment se porte notre souverain ? Gardez les yeux en l'air, Excellence. Son excitation cérébrale est à son comble. Surtout depuis qu'il a vu des avions en plein vol. Bien. Très bien. Il rêve déjà de monter à bord. Ça pourrait se faire. C'est ce que lui a dit Asano. C'est Paris qu'on voit sur tes écrans ? Oui. Points levés, barricades, incendies ? La seule capitale à contester notre pouvoir. Il faut croire que la Commune ne leur a pas servi de leçon.
C'était il y a plus de deux siècles. Graham venait de naître. Pourquoi les Français veulent-ils toujours se distinguer ? Et qu'est-ce que tu vas faire ? Je vais faire allumer 10 000 Optym, armés de Matraque et de Taser. Ils rouillaient dans les entrepôts du Concile. Des robots pour mater nos rébellions. Pourquoi le Concile n'a pas songé à les utiliser contre nous ? Il y a songé ? La police des éoliennes est allée les chercher avant lui. Tu vois l'usine d'Achlarit, dans la zone Périssude ? Les entrepôts sont juste derrière.
De nouveau sur l'artère filante, on prit la direction du poste des éoliennes.
C'est là que tu les vis pour la première fois. Elles vous intriguent, ces silhouettes qui s'activent dans la vitrine ? Ce sont des automates ? On les appelle des Optimes. Ce sont des robots de dernière génération. Comme vous voyez, ils recousent, plient, repassent le linge. Ils ont aussi été conçus pour matraquer les gens. Ce n'est jamais arrivé. Les Optimes militaires croupissent dans les réserves du Concile. Tant mieux. Nous approchons du poste central des éoliennes. T'as pas compris ?
Alors, la visite vous a plu ? Vous vous faites une idée plus précise des temps modernes ? J'ai vu comment les gens vivent, comment ils se détendent, j'ai entendu les fausses nouvelles dont on les gave, mais ce que je n'arrive pas à savoir, c'est... Oui, Excellence ? Que souhaite-t-il pour l'avenir ? Que souhaite-t-il vraiment ? Est-ce qu'il le savent eux-mêmes ? Je suis sûre que oui. Laissez-moi vous dire ceci, Excellence.
S'il y a une chose que le peuple souhaite, c'est le changement. Parce que Ostrog, c'est le changement ? Une vie meilleure pour tout le monde ? Le changement sans renoncer à l'ordre. Ostrog incarne l'ordre. Vous, incarnez l'ordre. Il t'hypnotise, Graham. Il a passé la journée à t'hypnotiser. Ils ont attendu si longtemps votre réveil. Nous ne devons pas les décevoir. Le changement sans renoncer à l'ordre. Je voulais espérer que tu n'avalerais rien de tout ça.
Pas une miette des beaux-barres qu'Hassano te servait. Je comprends. Quoi ? Et maintenant, Excellence, it's party time ! Cette salle de fête supprime la tamise du jour où Rostrog l'a inaugurée. Les membres du Concile en ont été jaillis.
Ce soir, Ostroga convient toutes les personnalités qui comptent dans le Londra d'aujourd'hui. Votre Excellence, quelle joie de vous voir réveillée. Bridget Nattinson est l'inspectrice générale de l'éducation pour le monde entier. Ah oui, votre système d'apprentissage par hypnose est impressionnant.
Est-ce que tous les élèves en bénéficient à égalité ? Égalité, Excellence ? Permettez, Excellence. Voici Ami Prokoch, le vice-président de la faculté de médecine. Des membres du corps médical sont actionnaires de la compagnie des pilules, qui détient le monopole pour la fabrication et la vente de médicaments. Nous comptons sur vous, Excellence, pour pérenniser ce monopole qui profite à tout un chacun. Je... Il faudra que je me penche plus en détail, sûrement. Rapprochons-nous du buffet, Excellence.
Excusez-moi, Asano ? Je ne vois plus Hélène. Savez-vous où elle est ? Elle a préféré sortir. Elle n'était pas dans son élément. Asano ! Excellence, je vous présente Poinsettia Pompov. Myriade de respect. Poinsettia, comme tout le monde l'appelle, est la fille du directeur des viandes végétales. Vous dansez, Excellence ? Ne vous refusiez pas. Eh, venez danser ! Euh...
J'ai un peu trop bu, moi. Il y a quelqu'un qui vous tourne autour. Comment ? Quelqu'un vous tourne autour. Ah bon ? Depuis un moment, vous ne l'avez pas remarqué ? À quoi il ressemble ? Je pense que c'est un habit bleu sous son corset pourpre. Qu'est-ce que vous faites ? Je m'écarte. Elle est juste derrière vous.
Vous dansez, Excellence ? Elle a quelque chose dans sa main ! Votre Excellence, son agarque ! Vécurité ! Vécurité ! Lisez ça ! Lisez-le avant qu'il nous soit trop tard ! Allez, allez, allez ! Allez, allez ! Passez-y ! C'est pas mon mouvement ! Mon mouvement, Excellence ! Elle a placé ça dans le creux de ma main. Qu'est-ce qu'il t'écrit ? Le mot d'un seul homme donnait la nation entière, mais la vérité est devenue horrible. Permettez, Excellence !
Ce papier pourrait être empoisonné. Je veux voir Hélène. Il y a d'autres à nos tables à vous présenter. J'en ai assez vu comme ça. Hélène ? Hélène ? Hélène ? Tu es sûr qu'elle ne penche pas du mauvais côté ? Hélène ? C'est une gamine. Dans les révolutions, les gamins sont la pire engeance. On pourrait l'envoyer à Paris. Non, elle me manquerait trop. J'ai besoin de la colère, la rage dans ses yeux. Je me nourris de cette rage.
Quand tu sortis de la salle de réception, j'étais dans le couloir. Je regardais par la baie vitrée les eaux lourdes et noires de la tamise, avec une vague envie de m'y précipiter. J'ai cru que tu étais parti. Je me sens perdu quand tu n'es pas là. Détrompez-vous, Excellence. Vous jouez votre rôle à merveille. Où est votre chaperon ? Asano ? Je lui ai faussé compagnie. Il voulait m'empêcher de lire. Lire quoi ? Il avait écrit...
Le mot d'un seul homme tenait la nation entière, mais la vérité est devenue horrible. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ils ont arrêté la jeune femme qui me tendait ce message. Ça vient d'une chanson. Une très vieille chanson. Les protestes sangs sont interdites, alors on utilise celles du passé. Quand le dormeur s'éveillera, le mot qui les faisait tous espérer, c'est moi. Et la vérité est devenue horrible, désigne... Ostrog, la Résistance s'organise. Elle veut te rallier à elle.
Ostrog s'est servi de la Révolution pour prendre le pouvoir. Il ne le rendra à personne. Débarrasse-nous d'Ostrog. Moi ? Et si j'étais d'un autre avis ? D'un autre ? Si j'en avais jusque-là d'incarner la Révolution ? Pourquoi tu t'es réveillée alors ? Pourquoi tu es sortie miraculeusement de deux siècles de sommeil ? Pour laisser tous les pouvoirs à un autre et vivre une petite vie comme celle que tu vivais il y a 200 ans ? C'est pour ça que tu t'es réveillée ? Hélène... Pour ça ? Hélène !
Est-ce que c'était les larmes dans mes yeux ? Ou est-ce que je te voyais tel que tu étais vraiment ? Une silhouette au contour flou, indécis, un être insignifiant. Je t'ai tourné le dos et j'ai remonté le couloir. Le triomphe d'Ostrog était complet. C'est quoi déjà la phrase de Gramsci ? La fameuse phrase « Le vieux monde se meurt »
Le Dormeur s'éveille, d'après le roman de H.G. Wells. Adaptation Stéphane Michaka. Quatrième épisode...
Les temps nouveaux. Avec Benjamin Jungers, Maëlia Gentil, Kengo Saito, Jean-Marie Winling, Enrico Di Giovanni, Louis Astier, Julia Fort, Gauthier Bayot, France Jolie, Suzanne Sinberg, Lilia Leborn, Mathias Simon, Cécile Arnaud, Tariq Betahar,
Prises de son, montage, mixage Antoine Viossa, Timothée Hubert
Assistante à la réalisation, Céline Paris. Réalisation, Cédric Aussire.