France Culture. Raison et sentiments de Jane Austen. Réalisation Juliette Emmanuel. Septième épisode. À Londres, Marianne revoit Willoughby à une réception au cours de laquelle il l'ignore. Elle reçoit le lendemain une lettre où il lui écrit qu'il ne l'a jamais aimée, que c'est une méprise et qu'il est fiancé depuis longtemps à une autre. Marianne est submergée de chagrin et d'incompréhension. Pendant ce temps,
Le colonel Brandon dévoile le vrai visage de Willoughby à Elinor. Quand Elinor eut sans tarder répété à Marianne chaque élément de la conversation qu'elle avait eue avec le colonel Brandon à propos de Willoughby, les effets que cela eut sur elle ne furent pas tout à fait ceux qu'Elinor avait espérés. Même si elle constata que Marianne avait les nerfs moins avifs qu'auparavant, Elinor ne la trouva pas moins malheureuse pour autant.
la perte de l'image qu'elle s'était faite de willoughby était pour elle plus cruelle encore que la perte de son coeur contrairement à son intérêt à elle mrs dashwood avait décidé qu'il serait préférable pour marianne qu'elle se trouve alors n'importe où plutôt qu'à barton où tout ce qu'elle y verrait lui rappellerait le passé de la plus forte et de la plus douloureuse des manières en lui mettant constamment willoughby sous les yeux comme si elle l'avait toujours vu là
Elle conseilla donc à ses filles de n'abréger sous aucun prétexte leur séjour chez Mrs. Jennings. Là-bas, elles auraient une foule d'occupations, de choses à faire, de gens à voir. Cela permettrait à Marianne, malgré elle, de s'intéresser à autre chose qu'elle-même, voire de la distraire, même si, pour le moment, elle n'en avait pas la moindre envie.
Marianne avait promis de se laisser guider par l'opinion de sa mère et elle s'y soumit donc sans broncher, même si cela était loin de correspondre à ce qu'elle aurait souhaité. La vigilance dont fit preuve Elinor pour que sa sœur n'entende jamais prononcer le nom de Willoughby ne fut pas vaine. Marianne, sans s'en rendre compte, en retira tout le bénéfice, car ni Mrs Jennings, ni Sir John, ni même Mrs Palmer ne parlaient jamais de lui en sa présence. Début février,
Quinze jours après que Marianne ait reçu la lettre de Willoughby, Elinor eut la tâche délicate d'annoncer à sa sœur qu'il était marié avec une certaine mise gré. Quand Marianne apprit la nouvelle, elle garda parfaitement son calme. Elle ne fit aucune observation et au début elle contint ses larmes. Mais au bout d'un moment, elle éclata en sanglots et tout le reste de la journée, son état fut à peine moins pitoyable que le jour où elle avait su que l'événement était imminent.
Les Willoughby quittèrent Londres dès qu'ils furent mariés et Elinor espérait désormais que, comme il n'y avait plus de risque de tomber sur l'un ou l'autre, elle pourrait convaincre sa sœur, qui n'avait plus quitté la maison depuis qu'elle avait reçu le premier coup sur la tête, de sortir à nouveau. Un matin, Marianne consentit enfin à aller se promener une demi-heure en compagnie de sa sœur.
C'était à la seule condition qu'on n'irait voir personne et qu'on se bornerait à l'accompagner chez Gray, dans Sackville Street, où Elinor voulait échanger quelques vieux bijoux appartenant à sa mère. Elinor régla son affaire en un clin d'œil et s'apprêtait à la conclure quand un autre client se présenta à ses côtés.
Elle tourna son regard vers lui et vit, non sans quelques surprises, qu'il s'agissait de leur frère. Quelle joyeuse surprise ! Comment allez-vous ? C'est sans la moindre contrariété, loin de là, que John Dashwood revit ses sœurs. Et comment va votre mère ? Elles en furent heureuses, comme de la façon respectueuse et attentionnée dont ils prient des nouvelles de leur mère. Elles apprirent que Fanny et lui étaient à Londres depuis deux jours.
« Écoutez, j'avais vraiment espéré pouvoir passer vous voir hier. Mais cela n'a pas été possible car on a dû emmener Harry voir les animaux à Exeter Exchange. On a passé le reste de la journée en compagnie de Mrs. Ferrarse. Mais je pense que je pourrais très certainement venir vous voir demain à Berkeley Street et faire au passage la connaissance de votre amie, Mrs. Jennings. Je me suis laissé dire que c'est une femme qui n'est pas sans ressources. Et puis il y a aussi les Middletons qu'il faut que vous me présentiez. »
Ce sont là pour vous, dans le Devon, d'excellents voisins, d'après ce que je comprends. Excellent, en effet. Le souci qu'ils ont de notre confort et l'amitié qu'ils nous témoignent en toutes choses dépasse tout ce que je pourrais en dire. Voilà qui me semble parfait. Vous m'en voyez sincèrement ravi. Mais il est normal qu'il en soit ainsi. Ce sont des gens très fortunés, ils vous sont liés, et la courtoisie à votre égard, le fait de mettre à votre disposition un logement vous rendant la vie agréable, sont tout de même la moindre des choses.
Je vous propose de m'attendre dehors, le temps que je termine mon petit achat. Ah, d'accord. À tout de suite. Mr Dashwood tint effectivement parole et leur rendit visite le lendemain. Sans pousser au-delà de la simple correction la sincère affabilité qu'il leur témoigna, il fit assaut d'amabilité auprès de Mrs Jennings. Et quand le colonel Brandon arriva juste après lui,
Il le détailla avec une curiosité qui paraissait signifier qu'il voulait juste s'assurer qu'il était riche, afin de faire preuve de la même courtoisie. Au bout d'une demi-heure, il demanda à Eleanor de bien vouloir l'accompagner jusqu'à Conduit Street pour qu'elle le présente à Sir John et Lady Middleton. Il faisait un temps superbe et elle y consentit volontiers. Qui est ce colonel Brandon ? Est-ce qu'il a de l'argent ? Oui, il a une très belle propriété dans le Dorset. Ah, tant mieux !
Il m'a vraiment l'air d'être un gentleman et je crois bien, Elinor, que je dois te féliciter de la belle situation qui va bientôt être la tienne. La mienne, mon frère ? Que veux-tu dire ? Il t'apprécie. Je l'ai bien observé et j'en suis convaincu. À combien s'élève sa fortune ? À environ 2000 livres par an, il me semble. 2000 livres par an... Pour ton bien, Elinor, je préférerais de tout cœur que ce fût au moins le double. Merci pour ces bonnes paroles, John.
Mais je suis absolument certaine que le colonel Brandon n'a pas la moindre intention de m'épouser. Tu te trompes, Eleanor. Tu te trompes lourdement. Il n'en faudra pas beaucoup pour le convaincre. Peut-être qu'il est encore indécis à l'heure actuelle. Ton peu de fortune peut le dissuader et il n'est pas impossible que ses amis lui déconseillent de t'épouser. Mais il n'y a aucune raison pour ne pas essayer de l'avoir. Le colonel Brandon est l'homme qu'il te faut. Et je suis prêt à déployer toute la fabilité qu'il faudra pour qu'il vous apprécie, toi et ta famille.
c'est qu'une union qui devrait satisfaire tout le monde. Ce serait quand même peu ordinaire si ma chère Fanny voyait son frère Edward et toi Elinor mariés au même moment. Et pourtant la chose n'aurait rien d'improbable. Mr Edward Ferrars va donc se marier ? Ce n'est pas encore fait mais c'est dans l'air. Il a la meilleure des mères. Mrs Ferrars fera preuve de la plus extrême générosité en lui consentant 1000 livres par an si le mariage se fait. La jeune femme en question est l'honorable Miss Morton.
La fille unique de Feulor de Morton, qui possède 30 000 livres. 1000 livres par an. C'est une sacrée somme pour une mère si elle doit s'en séparer à tout jamais. Même ici, Sphérars a une grande noblesse d'esprit. Tiens, Elinor, voici un autre exemple de sa générosité. L'autre jour, dès qu'on est arrivé à Londres, sachant qu'on manquait en ce moment de liquidités, elle a glissé une liasse de billets à Fanny. Il y en avait pour 200 livres !
Et on l'a bien volontiers accepté, car tout le temps qu'on sera ici, il va nous falloir vivre sur un grand pied. Les dépenses auxquelles tu dois faire face à Londres comme à la campagne sont très certainement considérables. Mais tes revenus sont tout de même conséquents. Certainement pas aussi conséquents que la plupart des gens se l'imaginent. On fait actuellement clôturer des parcelles communes à Norlande. Une opération qui grève sérieusement notre budget. Et puis j'ai fait une petite acquisition au cours des six derniers mois, la ferme d'East Kingham.
Après toutes ces dépenses, on est, comme tu l'imagines bien, très loin d'être riche. L'attention de Mrs. Ferrarse a donc été la bienvenue. Certainement. Et je vous espérais que sa générosité t'évitera d'être sur la paille. Ma chère Elinor, qu'est-ce qui arrive à Marianne ? Elle n'a pas l'air bien du tout, elle a perdu ses couleurs et a beaucoup maigri. Est-elle souffrante ? Elle ne va pas bien. Et cela fait plusieurs semaines qu'elle souffre des nerfs. Tu m'envoies navré. À son âge, tout ce qui ressemble à une maladie peut détruire à jamais la fraîcheur d'une jeune femme.
La sienne aurait été de bien courte durée. Je me demande maintenant si Marianne pourra trouver un mari détenteur de plus de cinq ou six cents livres au maximum par an. Et je serais très étonné que tu ne te débrouilles pas mieux. Le dorset.
Je connais très mal le Dorset, mais ma chère Elinor, je serais absolument ravie de mieux le connaître. Arrête de parler du Dorset, cela n'a aucun sens. Puisque je te dis que le colonel Brandon ne s'intéresse pas à moi. Malgré les efforts d'Elinor pour convaincre son frère qu'il n'y avait pas la moindre chance qu'elle épousât le colonel Brandon...
Une telle perspective lui tenait trop à cœur pour qu'il y renonce, et il était vraiment décidé à tenter de se lier d'amitié avec ce monsieur et à user de tout son pouvoir pour obtenir que ce mariage se fasse. N'ayant lui-même rien fait pour ses sœurs, il lui restait juste assez de scrupules pour s'ingénier à tout prix à ce que les autres en fassent le plus possible. Une demande en mariage de la part du colonel Brandon était pour lui le moyen le plus facile de se faire pardonner la négligence dont il s'était rendu coupable.
Ils eurent la chance de trouver Lady Middleton chez elles et Sir John arriva avant la fin de leur visite. Chacun rivalisa de courtoisie. Sir John était prêt à aimer tout le monde et bien que Mr Dashwood parut peut s'y connaître en matière de chevaux, il en va rapidement à le trouver sympathique. Tandis que Lady Middleton le jugea suffisamment bien mis pour se dire que cela valait la peine de le connaître. Mr Dashwood les quitta donc ravis d'avoir fait leur connaissance.
Mrs. John Dashwood avait une telle confiance dans le jugement de son mari que pas plus tard que le lendemain, elle rendit visite à Mrs. Jennings et à sa fille, laquelle devint à ses yeux l'une des plus charmantes femmes qui fussent au monde. Lady Middleton fut elle aussi enchantée par Mrs. Dashwood. Chez l'une comme chez l'autre, il y avait une sorte d'égoïsme froid qui expliquait leur attirance mutuelle et elles sympathisèrent en faisant montre des mêmes manières insipides et de la même absence de sagacité.
Même si elle préféra ne rien demander, Elinor brûlait de savoir si Edward était à Londres en ce moment. Mais Fanny se gardait bien de mentionner expressément son nom devant elle. Peu de temps après, Edward les assura lui-même de sa présence en ville en passant à deux reprises à Berkeley Street. Au retour des courses du matin, on trouva par deux fois sa carte sur la table. Elinor était heureuse de savoir qu'il était passé et plus heureuse encore de l'avoir raté.
Les Dashwood étaient si extraordinairement emballés par les Middleton que bien qu'ils ne furent pas dans leurs habitudes d'offrir quoi que ce soit, ils décidèrent de leur offrir un dîner. Et, peu après les avoir rencontrés pour la première fois, ils les invitèrent à Harley Street où ils avaient loué une très belle maison pour trois mois. Eleanor, Marianne et Mrs Jennings furent également invitées et John Dashwood prit soin de s'assurer de la venue du colonel Brandon. Il devait rencontrer Mrs Ferrars
mais élinor ne parvint pas à savoir si ses fils seraient présents à cette réception toutefois la perspective de pouvoir faire la connaissance de la mère d'édouard suffisait à rendre cette invitation intéressante car bien qu'elle fût désormais en mesure de la voir sans éprouver la forte angoisse qui l'avait un jour tenaillée à l'idée d'une telle rencontre et bien qu'elle pût désormais la côtoyer en se moquant totalement de l'opinion que cette dernière pouvait avoir d'elle
Son désir de se trouver en compagnie de Mrs. Ferrars et de voir à quoi elle ressemblait était plus intense que jamais. L'intérêt qu'elle éprouvait à l'avance pour cette réception s'accrut beaucoup par la suite, même si la fièvre l'emportait sur le plaisir, quand elle apprit que les demoiselles Steele, tout récemment arrivées à Londres, étaient elles aussi invitées. « Ayez pitié de moi, chère Miss Dashwood. Je tiens peine debout. »
Oh mon Dieu ! Dans quelques instants, je vais rencontrer la personne dont tout mon bonheur dépend. La personne qui doit devenir ma belle-mère. Elinor aurait pu tout de suite rassurer Lucie en lui disant que la femme qu'elles étaient sur le point de rencontrer avait plus de chance d'être la belle-mère de Miss Morton que la sienne.
Mais elle préféra lui dire avec une sincérité non feinte qu'elle la plaignait en effet. « Sir John, vous allez vous régaler ! » Mrs. Ferrars était une petite femme, à la silhouette maigre et droite, voire raide, au visage sérieux, pour ne pas dire écrit. Elle avait le teint jaunâtre, des traits rabougris sans aucune beauté et naturellement dépourvus d'expression,
Mais un heureux froncement de sourcils évitait à son visage l'indignité de la fadeur en lui conférant une forte expression d'orgueil et de méchanceté. Elle ne s'exprimait qu'assez peu, car contrairement à ce qu'on fait généralement, elle calculait le nombre de ses paroles en fonction de celui de ses idées et, sur les rares syllabes qui lui échappèrent, pas une ne fut destinée à Elinor.
qu'elle observait avec la ferme intention de la détester coûte que coûte. À présent, Elinor se moquait un peu de cette manière de faire. Elle s'amusait tout simplement de la différence d'attitude qui était la sienne face aux demoiselles Steele, une différence paraissant destinée à l'humilier un peu plus. Elle ne pouvait que sourire en constatant la grande amabilité de la mère et de la fille vis-à-vis de la seule personne, car Lucie bénéficiait d'un traitement de faveur,
que parmi tous leurs invités, elles auraient aimé le plus vexer si elles avaient disposé des mêmes informations qu'Elinor, alors qu'elles-mêmes, qui n'avaient par comparaison aucun pouvoir de nuisance, étaient là à se voir clairement traitées avec aussi peu d'égard par l'une que par l'autre.
Mais, tandis qu'elle s'amusait de cette courtoisie si inopportune, elle observait avec le plus profond mépris la bêtise aveugle qui en était la cause et le grand sérieux avec lequel les demoiselles Steele s'y adonnaient. On avait mis les petits plats dans les grands, les domestiques étaient là en nombre et tout indiquait le goût de la maîtresse de maison pour l'ostentation et les moyens financiers du mari qui pouvaient le lui permettre.
Il n'y avait rien qui put indiquer une quelconque indigence, excepté la conversation, dont la pauvreté était, quant à elle, considérable. John Dashwood n'avait lui-même pas grand-chose d'intéressant à dire, et sa femme encore moins. Mais cela ne posait pas de problème particulier, puisque c'était là le cas de la plupart de leurs hôtes. Mes chers, c'est nos patients d'aujourd'hui.
Lorsque les dames se retirèrent au salon après déjeuner, l'insipidité des propos fut à son comble, car si les messieurs avaient de leur côté tenu une conversation tant soit peu variée, on avait parlé politique, terres accloturées, dressage de chevaux, ils se turent brusquement.
De sorte qu'un seul sujet occupa les dames jusqu'au café, elles s'interrogeaient gravement sur les tailles respectives de Harry Dashwood et de William, le fils cadet de Lady Middleton, qui avaient tous deux pratiquement le même âge. Les camps en présence se répartissaient comme suit. Même si chacune était convaincue que son propre fils était le plus grand, les deux mères s'étaient poliment prononcées en faveur du fils de l'autre.
De manière non moins partiale, mais plus sincère, les deux grands-mères défendaient leurs descendances respectives avec une égale ferveur. Lucie, qui voulait plaire à une mère autant qu'à l'autre, était de son côté d'avis que les enfants étaient tous deux remarquablement grands pour leur âge et elle avait du mal à croire qu'il y ait pu y avoir la moindre différence entre les deux. Plus habilement encore, Miss Anstil se hâta de dire qu'elle trouvait l'un aussi grand que l'autre.
Et Lénore, qui avait opté pour William, ce qui eut le don d'irriter un peu plus Mrs. Ferrar-Zéphanie, jugea inutile d'enfoncer le clou. Et quand ce fut au tour de Marianne de donner son avis, elle scandalisa tout le monde en déclarant qu'elle n'en avait pas la moindre idée...
Car c'était là une question à laquelle elle n'avait jamais pensé. Avant de quitter Norland, Elinor avait décoré deux beaux pare-feux pour sa belle-sœur qui ornait à présent le salon.
Et John Dashwood, qui les avait remarqués en suivant les autres messieurs dans la pièce, les tendit avec empressement au colonel Brandon pour lui permettre de les admirer. Tenez, c'est ma sœur aînée qui les a faits, cher colonel, et comme vous êtes un homme de goût, je pense que vous allez les apprécier. C'est que je ne suis pas un fin connaisseur, mais c'est vrai qu'ils sont très beaux.
Chérie, est-ce que vous voulez peut-être les montrer ? Regardez. Regardez. Regardez les nuances. Puis-je moi aussi jeter un coup d'œil ? Bien sûr, mère. Et voilà.
Figurez-vous qu'ils ont été décorés par Miss Dashwood. Ils sont très beaux, hein ? N'est-ce pas ? Oui. Très jolis. Tenez. Mère, ne trouvez-vous pas qu'on retrouve chez eux le style de Miss Morton ? Voilà quelqu'un qui a un joli coup de pinceau. Son dernier paysage est une vraie merveille. Ah ça, oui. C'est très joliment fait. Mais elle fait tout bien, elle. C'est très joli.
Pour Elinor, c'en était fini de sa curiosité vis-à-vis de Mrs. Ferrars. Elle avait pu observer chez elle tout ce qui suffisait à rendre des plus indésirables un éventuel resserrement des liens entre les deux familles. Elle en avait suffisamment vu de son orgueil, de sa mesquinerie et des préjugés profondément ancrés vis-à-vis d'elle pour qu'elle ne se rende pas compte de ses problèmes.
pour pouvoir prendre la mesure des obstacles qui n'auraient pas manqué de survenir pour retarder ses fiançailles et empêcher son mariage avec edward s'il avait été libre elle s'étonnait que la courtoisie de mrs ferrars à l'égard de lucie ait pu tant la combler que l'intérêt et la vanité aient pu l'aveugler au point qu'elle puisse s'imaginer que l'attention qu'on faisait mine de lui prêter uniquement parce qu'elle n'était pas elinor fût pour elle un compliment sur sa personne
Mais le regard de Lucie montrait bien que c'est ainsi qu'elle voyait les choses. Et Elinor en eut la preuve directe lorsqu'elle lui rendit visite le lendemain matin. « Miss Steele. » « Ma chère amie, je suis venue vous faire part de mon bonheur. Peut-on être traitée de manière plus flatteuse que je l'ai été hier par Mrs Ferrarth ? » « Elle a certainement été fort polie à votre égard. » « Polie ? J'y ai vu, moi, beaucoup plus que cela. C'était une forme de bienveillance qui n'était destinée à personne d'autre qu'à moi. »
Et ce fut pareil de la part de votre belle-sœur. Elle n'est que douceur et affabilité. Si elles avaient été au courant de vos fiançailles, rien n'aurait bien entendu pu être plus flatteur que l'accueil qu'elles vous ont fait. Mais comme ce n'était pas le cas... J'étais sûre que vous diriez cela. Mais il n'y avait aucune raison au monde pour que Mrs. Ferrar me montre de la considération, même sans être au courant. Pour moi, tout ce qui compte, c'est qu'elle m'apprécie. Je suis sûre que tout va bien finir.
et que contrairement à ce que je m'imaginais, aucun obstacle ne va nous barrer la route. La porte s'ouvrit alors tout à coup et à peine le domestique avait-il eu le temps d'annoncer Mr. Ferrars qu'Edward était là face à elle deux.
Oui, vous connaissez le sport ? Ce fut un moment très embarrassant, à voir l'expression qu'ils prirent alors tous les trois. Bonjour, Mr Ferrarf. La situation la plus déplaisante qu'ils pouvaient imaginer, et qu'ils avaient tous pris le plus grand soin d'éviter, leur tombait dessus. Les jeunes femmes furent les premières à reprendre le dessus. Il fallait que Lucie évite de se mettre en avant, et qu'elle maintienne la fiction du secret. Elle ne pouvait guère exprimer sa tendresse envers Edouard que par son regard,
Et après lui avoir juste adressé quelques mots, elle se tut. Et Lénore devait, quant à elle, en faire davantage. Et elle s'appliqua donc, pour lui comme pour elle, à l'accueillir avec un air et des manières qui pouvaient passer pour naturelles et cordiales. Et tout cela s'améliora au prix d'un nouveau combat et d'un nouvel effort. Cette façon de faire permit à Edouard de reprendre un peu d'assurance. Et il eut le courage de venir s'asseoir.
Ce fut Elinor qui fit toute la conversation et qui dut prendre l'initiative de l'informer sur tout ce qui avait trait à la santé de sa mère, sur leur venue à Londres, etc. Toutes choses sur lesquelles Edouard aurait dû l'interroger, ce qu'il ne fit à aucun moment. Ses efforts ne s'arrêtèrent pas là, car peu de temps après, sous prétexte d'aller chercher Marianne, elle eut l'héroïsme de laisser les deux autres en tête à tête.
Cher Edouard ! Marianne ! Quel grand bonheur que ce moment ! Pour un peu, il compenserait tout le reste. C'est sûr. Comment vous portez-vous ? Je vois que vous avez changé de coiffure. Ça vous va très bien. Merci, Marianne. Vous n'avez pas bonne mine, Marianne. Je crains que Londres ne vous convienne pas. Ne vous souciez pas de moi. Ne vous souciez pas de ma santé. Elinor, elle, va bien, comme vous voyez. Et c'est là l'essentiel pour nous deux. Vous vous plaisez à Londres ? Pas du tout. Je m'attendais à beaucoup m'y plaire, mais ça n'a pas été le cas.
Vous voir, Edouard est la seule et unique consolation qui m'a été donnée. Et Dieu merci, vous n'avez pas changé du tout. Vous me savez ce que... Le pauvre Edouard balbutia quelque chose, mais quoi ? Personne ne le sut. Et lui le dernier. Excusez-moi, je vous prie de m'excuser. Puis il se leva pour prendre congé. Vous partez déjà ? Mon cher Edouard, ce n'est pas possible, attendez. Edouard, venez. Je suis sûre que Lucie ne va plus rester bien longtemps.
Mais même ces mots d'encouragement n'eurent pas les faits escompter, car il insista pour partir. Et Lucie, qui l'aurait attendue même si sa visite avait duré deux heures, quitta les lieux peu après. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Bonne fin de journée. Au revoir, Lucie. Au revoir. Qu'est-ce qui peut donc l'amener si fréquemment ici ? Elle ne s'est donc pas aperçue qu'on attendait qu'elle s'en aille ? Comme cela a dû agacer Edouard. Tant quoi cela ? Nous sommes toutes ses amies, et Lucie est celle qui le connaît depuis le plus longtemps.
Il est bien normal qu'il veuille la voir tout autant que nous. Tu sais, Elinor, que c'est là le genre de propos dont j'ai horreur. Si tu veux juste qu'on te contredise, comme j'imagine que c'est le cas, tu devrais avoir en tête que je suis la dernière personne au monde à vouloir me prêter à ce petit jeu. Sur ces entrefaites, elle quitta la pièce. Et Elinor n'osa pas la suivre pour lui en dire davantage, car en raison de la promesse faite à Lucie de garder le secret, elle ne pouvait donner aucune information susceptible de l'éclairer sur la situation.
Cela en dépit de conséquences éventuellement douloureuses pour elle, tout le temps que Marianne demeurait dans l'ignorance des faits.
Prises de son, montage, mixage Claire Levasseur et Éric Villanfin
Assistante à la réalisation Céline Paris. Réalisation Juliette Eman. Retrouvez le générique complet sur le site de France Culture. Raison et sentiments de Jane Austen dans la traduction de Sophie Chiari est édité chez Le Livre de Poche.