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cover of episode "Sans moi" de Marie Desplechin 4/10 : Un projet d'enfer

"Sans moi" de Marie Desplechin 4/10 : Un projet d'enfer

2025/6/15
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Le Feuilleton

AI Deep Dive AI Chapters Transcript
People
A
Adorable的人
G
Gaspard
N
Nathalie
O
Olivia
S
Simon
S
Suzanne
叙述者
年轻人
Topics
叙述者:我尽力帮助奥利维亚摆脱困境,给她提供住所和工作,并试图理解她的痛苦。我为她安排购物清单和家务,让她忙碌起来,避免她独自一人胡思乱想。我试图通过让她照顾孩子和参与小丑实习来帮助她找到生活的意义和乐趣。虽然我经常感到困惑和无助,但我仍然尽力支持她,希望她能找到属于自己的救赎之路。我意识到奥利维亚的过去充满了创伤和痛苦,这使得她很难摆脱绝望的情绪。我试图通过倾听她的故事和理解她的感受来帮助她,但我知道我无法完全理解她所经历的一切。我希望通过我的帮助,奥利维亚能够找到生活的希望,并最终摆脱困境。 Olivia:我感到非常绝望,甚至想要结束自己的生命。我无法承受自己身体的重量,希望自己从未存在过。我感谢叙述者对我的帮助,如果没有她,我不知道该怎么办。我过去的生活充满了痛苦和创伤,这使得我很难摆脱绝望的情绪。我曾经在勒鲁伊耶夫人家遭受虐待,这给我留下了深刻的阴影。我也曾经沉迷于毒品,这使得我的生活更加糟糕。我希望通过小丑实习来找到生活的乐趣,但我仍然感到非常迷茫和无助。我不知道未来会怎样,但我希望能够找到属于自己的救赎之路。我曾经遭受过性侵犯,这给我留下了难以磨灭的创伤。我试图忘记这些痛苦的经历,但我无法摆脱它们的阴影。我希望能够找到一个可以信任的人,并最终摆脱困境。

Deep Dive

Chapters
Ce chapitre présente l'arrivée d'Olivia, une jeune femme ayant des problèmes de dépendance, comme nounou pour les enfants de la narratrice. Il détaille leurs négociations financières et les arrangements concernant le logement et les responsabilités d'Olivia.
  • Olivia est engagée comme nounou
  • Négociations financières et conditions de logement
  • Début d'une relation complexe entre la narratrice et Olivia

Shownotes Transcript

Translations:
中文

Sur les conseils de plusieurs de mes amis, j'avais engagé Olivia pour s'occuper de mes enfants, Suzanne et Gaspard. Ces persécuteurs ont fini par la laisser tranquille. Depuis qu'elle avait arrêté la drogue, Olivia se partageait entre crise de boulimie et consommation immodérée de psychotropes.

Un soir, elle est sortie dans le froid et la pluie, maquillée à l'excès et sans dire où elle allait, me laissant dans un sentiment d'abandon. Quatrième épisode. Le réveil a sonné à 7h. Je n'ai pas bougé d'un poil. J'ai compté. Deux heures de sommeil seulement. J'ai noté que Patrick ne m'avait pas appelé. Sans doute craignait-il de me réveiller. J'ai pensé que les enfants se levaient chez leur père et que je n'avais pas de rendez-vous dans la matinée. Je me suis rendormie.

Dis Olivia, tu me présentes tes copains ? Pas de problème mon coco, lui tu vois, c'est Sidney. Salut gamou, tu veux voir mon flingue ? Ouah, trop bien ! Moi aussi, moi aussi je veux voir le pistolet ! Oh merde, mon seur ! Cette fois j'ai rien pensé du tout, je me suis levée d'un bond, j'ai couru à la salle de bain, j'ai ouvert les robinets de la baignoire, puis j'ai filé à la cuisine pour faire un café.

Je venais de déposer la cafetière sur le feu quand la porte de service s'est ouverte. Olivia est entrée, à demi-vêtue d'un t-shirt immense et gris, tremblante sur ses mules, engourdie par le froid de novembre. « Ça va ? » Elle était toute blanche. « Non, ça va pas. » Elle avait le visage gonflé, les yeux semblables à deux meurtrières à rouge sang. « J'ai envie de mourir. » « Qu'est-ce qui s'est passé ? » « C'est horrible de ne pas supporter le poids de son corps. »

Je peux te porter, moi. Je voudrais avoir jamais existé. Qu'est-ce que je ferais sans toi, moi, cet hiver ? Si le courage en fait, j'ai pas le courage. Je l'aurai pour toi. Je me dégoûte trop. Non, tu ne me dégoûtes pas. Bah, ta torche, qu'une merde, je vais crever. Bon, ça suffit maintenant, hein ? Olivia. Je ne suis pas allée vers elle. Je ne l'ai pas prise dans mes bras. Je n'ai pas posé la main sur son cou, ni sur son bras.

Nous ne nous touchions jamais. La règle s'était imposée entre nous. J'ai fait couler un bain. Va te laver. Tout à l'heure ? Non, maintenant. Le bain est prêt. Quelqu'un qui veut mourir peut toujours se laver les cheveux. On est mieux propre et désespéré que sale et désespéré. Bah peut-être, mais pas les cheveux. Pourquoi pas les cheveux ? Quand j'étais en Normandie, quand Madame Leroyer me lavait les cheveux, elle mettait une bassine sur la table de la cuisine. Et moi, devant, toute nue, j'avais les cheveux très très morts. Alors le shampoing, ça prenait des plombes.

Tout le monde y passait dans cette cuisine et tout le monde me regardait. Monsieur Leroy s'arrêtait derrière moi et disait « Quelle cul elle a celle-là ! Non mais quelle cul ! » Et alors ? « Et alors ? Ça va pas, je n'arrive pas à me laver, c'est impossible. » Oui, je comprends. Bon, on va dire que jusqu'à maintenant c'était impossible et hop, maintenant c'est possible. T'as qu'à vérifier, tu prends une grande serviette dans l'armoire de la salle de bain et tu fermes la porte. Olivia a grimacé. Elle a quitté la cuisine la tête basse.

J'avais retenu trois choses. Qu'elle arrêtait de pleurer quand elle parlait, que d'une enfance chez les Lerouillis, il fallait s'attendre au pire, et qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire la nuit pour se retrouver si triste au matin. Comme je l'avais espéré, Olivia, une fois lavée, s'était apaisée. Il n'y avait plus que la tristesse qui allait et venait en elle comme une vague, clapotant par moments au bord de ses paupières.

Mais avant de partir travailler, je voulais l'enserrer dans un filet suffisamment étroit pour qu'elle n'ait pas le loisir de gigoter et de retomber toute seule en bas de l'échelle. J'ai dressé une liste de courses urgentes qui l'emmèneraient du bureau de poste à la maison de la presse, de l'épicerie au marchand de fruits et légumes. J'ai entassé des vêtements chiffonnés dans le panier du repassage.

Je lui ai demandé enfin de chercher dans le pariscope à quelles activités conviaient Gaspard et Suzanne dimanche. J'aurais tellement aimé que nous fassions quelque chose ensemble une fois. Ensevelie sous l'avalanche de recommandations, Olivia a acquiescé, les yeux là. J'ai préparé mon sac et je suis partie tranquille. Elle était occupée jusqu'à mon retour.

Le soir, les cours s'étaient disposés sur la table de la cuisine, le linge repassé empilé sur mon lit, nous avions trois tickets à tarifs réduits pour l'atelier insecte du parc de la Villette, et ses cheveux étincelaient dans la lumière des lampes. Qu'est-ce qu'il fait comme métier ? Exactement, Jean-François. Professeur d'histoire géo. Je crois que c'est un bon professeur. Il a travaillé à la Courneuve, à la Cité des 4000. Maintenant, il enseigne à Saint-Denis, dans un LEP. Ça, ça ne veut rien dire. Des fois, c'est les pires. Olivia n'avait pas été une mauvaise élève.

Elle avait même sans doute aimé l'école. Sa bonne discipline et la joie que l'on trouve à apprendre. Il en restait des traces. Son orthographe, toujours logique à défaut d'être exact. Sa satisfaction à ranger un cartable. Son application à additionner, à soustraire, à opérer une règle ou deux trois. C'est sur le tard que les choses s'étaient gâtées. Au collège, elle s'était noyée dans le flot opaque des savoirs. Il n'y avait pas eu de bouée de sauvetage. D'ailleurs, elle n'aurait trouvé personne pour la lui lancer.

Combien de temps faut-il pour désespérer un enfant ? Une semaine peut suffire. Un mois, un an. Toi, si t'avais le choix maintenant, qu'est-ce que tu voudrais faire dans la vie ? Moi ? Si je pense qu'à moi, je me dis que j'aimerais bien creuser un trou profond, me mettre dedans et m'endormir. Si je pense au monde, je me dis que j'aimerais bien écrire des livres. Mais bon, ça sert à rien de rêver, de toute façon j'ai pas le temps, ni pour le trou, ni pour les livres. Moi j'aimerais bien être clown. Parce que je pense que je serais assez bonne. Parce que c'est vrai que j'ai pas trop de mal à faire rire les autres.

Au mur de sa chambre, Olivia avait accroché un poster représentant un clown. Le dessin était laid, le clown était sinistre. Il pleurait, évidemment. Je savais que je lui devais de l'argent.

Quand Agnès me l'avait dépêchée ce soir de septembre pour garder mes enfants, et parce qu'elle était virée simultanément de son emploi de standardiste et de l'appartement qu'elle partageait avec je ne sais qui, nous avions mené d'imbéciles négociations. J'étais incapable de tarifer le montant de ce que je demandais. S'occuper des enfants à la sortie de l'école en attendant mon retour, mais pas le mercredi, ils étaient chez leur père. Incapable aussi de chiffrer ce que j'offrais.

La chambre de bonne là-haut, à l'étage au-dessus. Elle n'était pas en très bon état, mais je m'engageais à la faire repeindre. J'ajoutais la vie avec nous, la clé de l'appartement et les repas que nous prenions ensemble. Mais comment calculer une valeur à tout cela ? À moins de compter aussi le prix de l'air et la lumière du jour. Dites-moi franchement, Olivia, qu'est-ce que vous en pensez ? Non mais laisse tomber, on se tutoie. Pour l'argent, moi je vais avoir peut-être des acédiques et puis après je vais chercher un truc à mi-temps ou n'importe quoi. Mais la chambre, franchement, c'est super. C'est déjà très bien.

Mais tu ne penses pas que je te vole au moins ? Je peux venir vers 19h pour apporter mes affaires ? 19h quand ? Demain, je n'ai pas grand chose de voyage en métro et c'est bon. Ah oui, demain, très bien. Et pour l'argent, on peut voir au fur et à mesure ? Oui, oui. A demain, bye. Au revoir Olivia. Merci.

Très vite, les activités d'Olivia avaient débordé le champ convenu de la garde des enfants à la sortie de l'école. Quand je sortais le soir, elle veillait sur Suzanne et Gaspard. Quand le repassage s'était accumulé, quand la vaisselle débordait, quand la poussière avait tout recouvert jusqu'à l'aspirateur, elle retroussait ses manches. De toute cette œuvre ménagère, je ne payais rien. Mais je savais que ce n'était pas juste. J'étais endettée, reconnaissante et embarrassée. Très bien.

Pour le stage, je vais te faire un chèque. Mais laisse tomber, je l'ai l'argent. Je me suis déjà inscrite pour la première semaine des vacances de Noël. Mais t'oublies pas, j'ai vérifié les enfants, ils seront chez Jean-François à ce moment-là. Mais il vient d'où ce fric ? T'en fais pas, je me débrouille. Pas de conneries, pas de trucs illégaux. Mais t'en fais pas, je te dis. Nous avions connu les embrouilles du papier alu. Nous connaissions les énigmes des sorties de nuit. Nous découvrions maintenant les mystères de l'argent.

Je ne parle pas des mille petits mensonges semés par-ci par-là par soucis esthétiques et par volonté de simplicité. Je parle juste des secrets énormes qu'elles déposaient entre nous, au milieu de notre vie, comme des obstacles, des fossés, des gouffres. Je suis contente. Je veux dire, pour le stage de clown, c'est une très bonne idée. Ouais, je trouve que c'est bien moi aussi. Mais pour l'argent, je préférais quand même que tu me demandes. Je préférais te payer, ça serait plus simple. Non, non, moi j'aime autant pas. Laisse-moi faire. La date du stage approchait.

Olivia ne s'adressait plus à nous que les bras ouverts et la voix claironnante. Gaspard et Suzanne adoraient qu'elle fasse l'auguste. J'en étais réduite à terre la méfiance que m'inspirent les clowns, les blancs, les rouges et tout ce cafard qu'ils traînent avec eux. Enfant déjà, j'évitais les chapiteaux et la misère qui grandit sous la toile, qui parade et qui s'offre en spectacle à la première occasion. Qu'est-ce que c'est que ce cirque ?

Je m'habituais à ranger dans un tiroir de la cuisine les nez de plastique rouge oubliés sur les chaises ou coincés dans les recoins du canapé. Un jour, Olivia a été convoquée à une réunion de préparation. Elle en est revenue enthousiasmée. Au dîner, elle évoqua pour nous dans le désordre les diverses théories du clown. Le clown, tu vois, c'est comme un miroir de lettres, en fait. C'est un peu une espèce de...

Une bonne fois pour toutes, il fut entendu que le clown n'est pas un type qui se couvre de ridicule pour faire rigoler la galerie, mais une discipline exigeante et complexe qui vaut bien la peinture, la danse ou l'exégèse biblique. Olivia en ramena aussi de nouveaux amis que nous allions voir défiler les uns après les autres au cours des semaines suivantes.

Salut ! Ça va bien. Bonjour ! Moi, c'est Simon. Mon nom est Seine. C'est Nodek. C'était des jeunes filles tendres, des jeunes gens ballots, quelques traînes savates désœuvrées, grands fumeurs de hachiches et petits filous.

Olivia s'attacha particulièrement à ces derniers. Elle avait une forme d'intuition pour se tromper du tout au tout sur la fiabilité des amis qu'elle se choisissait. Et sinon, t'as de l'alu ici ? Un soir, qu'elle esquissait devant Gaspard et Suzanne les principales figures du clown, le téléphone sonna. Je regardais Olivia qui se penchait vers les enfants avec de grands gestes des bras.

Les yeux écarquillés dans son visage lisse, elle ressemblait à Annie Fratellini. C'est ta soeur. Je peux lui dire que t'es pas là si tu veux. Non, vas-y, passe, c'est bon. Allô ? Ouais. Qu'est-ce qu'il y a ? Bah rien, c'est sa soeur qui veut lui parler. Et si on allumait la télé ? Oh, regardez ça les enfants, c'est Grésteauque. C'est quoi ? Ça alors !

C'est l'histoire de Tarzan. C'est un film de quand j'étais petite, moi. Tu vois le petit bébé, là ? C'est lui qui va devenir Tarzan. C'est des vrais singes ? Mais non, idiot. C'est des hommes qui sont déguisés. C'est lui. Olivia est réapparue dans la salle de séjour. Olivia ! Non, je ne peux pas. Non, s'il te plaît ! Ne me fais pas le courage. Oh !

« C'est pas gentil ! » « Eh oh ! Elle a dit qu'elle leur fera demain, elle leur fera demain ! » J'avais rendez-vous à 15h. Je mis une demi-heure à trouver l'entrée du bureau, cachée au fond d'une cour pavée plantée d'arbres et nichée en haut d'un escalier en colimaçon. « Non, non, tu verras, il est adorable. Il cherche une documentaliste pour un projet télé, donc je vais parler de toi. » Adorable si on veut. Il était enfoncé à l'extrémité d'un immense canapé où j'en aurais rangé sans peine 15 comme lui.

En face, sur le dossier d'un autre immense canapé, un jeune homme brun était juché. Il manipulait des boules lisses et brillantes qu'il faisait rouler à toute vitesse entre ses doigts. Il signalait sans doute ainsi qu'il était prestidigitateur, ou qu'il arrêtait de fumer. Ou les deux. Nathalie m'a dit beaucoup de bien de vous. Ah !

Alors voilà, je prépare un projet sur la crise, une série. Enfin, sur la galère en fait. Je suis le scénariste. Oui, donc nous pourvoyons deux héros. Oui, ou même trois. Ou même cinq. Oui. Le nombre n'est pas important. Une bande de copains qui se retrouvent dans la merde. La belle équipe quoi. Oui, voilà. Des chômeurs en fin de droit, jamais de travail, pas d'argent. Vous voyez le topo. Tu vois. En fait, on voudrait exploiter toutes les astuces qu'ils vont inventer pour s'en sortir. Oui. Et...

la débrouille, la démerde. Vous voyez ce que je veux dire ? L'idée, c'est de faire une série comique sur la crise. Il nous faudrait de la doc là-dessus. Sur la galère ? Oui, oui, sur les arnaques, les combines. Les gens doivent bien avoir des trucs pour s'en sortir. Ce sont des trucs comme ça que je veux. Oui, le travail au noir. Ah non, non, non, pas le travail, non. L'idée, c'est qu'ils n'ont pas de travail.

D'accord. Pôle emploi... Non, je ne fais pas un documentaire. Je fais une fiction télé. Le type avait beau être adorable, je ne voyais pas où il espérait en venir. Il y a bien les trafics, mais alors là, je ne vois pas comment faire drôle. Oula, attendez. Attendez. On travaille pour la télé. Alors, il y a des choses qu'on ne peut pas montrer. Pas de drogue, par exemple. Interdit. Pas de prostitution non plus. Pas de vol. Et pas de sans-papier. Enfin, pas noir, en tout cas. Oui, rien de choquant, en fait. Rien d'amer. Non, non. Ce que veut le public, c'est...

C'est du léger, du marrant, du contemporain, mais de l'espoir. Oui, c'est ça en fait. Que ça soit léger, drôle... Dans la pièce flottait un doux parfum dansant et du tabac hollandais. Je me dis que le jeune homme devait être le fils du type adorable. Je me dis que de la doc, on en trouve toujours. Je me dis que la série ne se ferait jamais. Ça va pas être facile. Moi, je vais faire mon mieux. Pour le tarif ? Oui.

Je vous propose 5000 euros. La moitié tout de suite. 5000 ? J'ai eu très chaud. Vous êtes sûre ? J'ai senti mes joues rougir brusquement. Le contrat est prêt. Vous pouvez signer si vous êtes d'accord. Pas de dope. Mais s'imaginent quoi ces types-là ? On s'en sort avec de la bière ? Remarque, ça peut être drôle en même temps que tu me dis. Mais où je vais trouver un guide de la misère, moi ? À la mairie de Paris ? Moi aussi, c'est que ça. T'en fais quoi ? Qu'est-ce qu'il te faut ?

Parmi ces affaires, Olivia conservait un énorme dossier cartonné. Dans ce dossier, des feuilles quadrillées sur lesquelles, d'une écriture soigneuse, elle avait noté des adresses. Des dizaines d'adresses. Où trouver des vêtements, des chaussures, de la nourriture, un lit, une douche, les bains publics, les hôpitaux, les services psychiatriques, les paroisses, les centres d'hébergement, les services sociaux des mairies de banlieue et d'arrondissement, l'armée du salut, Emmaüs, l'ami de pain, Marmottan, les foyers africains ?

Dans le dossier, il y avait aussi des prospectus sur la CMU, les prestations de dernier recours, les services de la DAS. Je te le prête si tu veux. Mais tu me le rends, hein. J'ai refermé le dossier avec piété. Olivia, si on faisait une réunion de travail demain soir après le dîner ? Quel genre de travail ? Eh ben, tu me racontes des trucs qui te sont arrivés dans la rue. Moi, je les note. Ok. Ouais. Mais si ça t'intéresse, je peux aussi aller voir des conseillers de Pôle emploi et le service social de la mairie. Ça peut te servir. Pour l'ambiance.

D'accord. Mais tu me laisses payer le stage de clown. Ah non, ça non plus. Bon, alors je paierai le prochain. Ouais, comme tu le sens. Il y avait les vieilles dames qu'elles entraînaient dans une ruelle et que les autres dépouillaient. Il y avait des vols à l'étalage, à l'arraché, à l'esbrouf. Il y avait les squats. Il y avait la drogue que l'on achète, que l'on vole, que l'on coupe, que l'on revend. Il y avait les bagarres, les coups, les règlements de comptes. Il y avait les hôpitaux psychiatriques.

Il y avait les empoisonnements volontaires pour roupiller tranquille aux urgences. Il y avait ces filles qu'on ne voit pas dans la rue parce qu'elles se trouvent un type chaque soir, elles ne dorment jamais dehors. Ce qu'on n'osait plus revoir et sur lesquelles on tombait un jour par hasard, on cachait sa situation miteuse, ils ouvraient leurs portes, on occupait le canapé, on se refaisait une santé. Mais malheureusement, il y avait à nouveau le vice, la dope et les copains. Et on finissait toujours par se retrouver dehors, dans la rue, dans les embrouilles, jusqu'au cou. Rien ?

Absolument rien de ce que racontait Olivia n'était utilisable. Et ta sœur, dans tout ça ? Elle ne voulait pas entendre parler de moi, tu penses ? Et la DAS ? De temps en temps, j'allais chez le juge des enfants. On est obligés. Ils m'engueulaient, forcément. Qu'est-ce que tu voulais qu'ils fassent d'autre ? Ça a duré combien de temps ce manège ? Un an ou deux. C'était par période. Il fallait que je me déglingue, c'était plus fort que moi. Je me suis calmée quand Momo m'a pris chez lui au-dessus de son épicerie. Je l'aimais bien, Momo. Momo avait une bonne cinquantaine d'années.

Elle en parlait gentiment. Il semblait bon et patient. Il était musulman. Puis Momo était parti. Il était retourné au Maroc. Elle s'était retrouvée dans un foyer à Aubervilliers. Le problème du foyer, c'était la dope et rebelote. Les viols aussi. Mais quoi, les viols ? Bah, les viols, quoi. Elle ne m'avait encore jamais rien dit, les viols. Bon. Mais ce n'était pas ce soir-là que nous allions en parler. J'avais ma dose. Tu veux une vodka ? Tu n'oublieras pas de m'en doser, hein. Ouais, je te promets.

Je peux dormir ici cette nuit ? Il est tard, j'ai la femme qui est rentrée. Évidemment. Allez, bois ça. Je contemplais Olivia avec effarement. Avant même de la connaître, j'avais si souvent failli la perdre. Les viols, évidemment. Mais qu'est-ce que j'imaginais donc ? Idiote que j'étais. Allez, bonne tableau de carré. Mais je crois que je préfère quand même la Smirnoff. Sans moi. Un roman de Marie Desplechin. Oublié aux éditions de l'Olivier.

Adaptation, Ketel Guillaume. Quatrième épisode. Avec Marie Payen, Judith Chemla, Yann Tassin, Carole Franck, Joachim Salinger, Alice Buteau, Anna Servinka, Madeleine Ziadé et Ambroise Marant. Bruitage, Sophie Bissons, conseillère littéraire, Emmanuelle Chevrière.

Prise de son, montage et mixage Philippe Bredin, Éric Villanfin Assistante à la réalisation Yael Mandelbaum Réalisation Cédric Ossia