20h30 ici à Damas. Et 18h30 ici à Paris. Et le populisme est à l'épreuve du débat du jour ce soir. Le débat du jour. Romain Osoui.
La voix du populisme qui se fait beaucoup de pentendre depuis le début de l'année à travers l'homme le plus riche de la planète, Elon Musk, qui multiplie les prises de position à l'étranger. Cela donne le ton d'une année qui évidemment va être marquée aux Etats-Unis par le second mandat de celui qui l'a soutenu, Donald Trump.
emblème du populisme, mais loin d'être le seul sur la planète. Avant sa réélection, Giorgia Meloni était arrivée à la tête du pouvoir en Italie en 2022, Javier Milei en Argentine en 2023, et que dire de Viktor Orban qui depuis près de 15 ans maintenant défie les codes de la démocratie à la tête de la Hongrie. Notre question ce soir, le populisme s'est-il normalisé ? Comment expliquer qu'il n'explose pas à l'épreuve du pouvoir ? Comment est-il parvenu à se légitimer ? Eh bien, soyez les bienvenus dans le débat du jour.
Et pour répondre à ces questions, nos trois invités à mes côtés en studio, Erwan Locker, bonsoir. Bonsoir. Vous êtes politologue et sociologue, spécialiste des questions liées à l'extrême droite et au populisme. Nos deux autres invités sont en ligne avec nous, Thibaut Musergue, bonsoir.
Bonsoir. En direct depuis Rome, la capitale italienne. Vous êtes politologue et séilliste, auteur de l'ouvrage Post-populisme, la nouvelle vague qui va secouer l'Occident. Vous allez évidemment développer, nous parler de ce concept de post-populisme. Frédérico Taragoni, bonsoir.
Bonsoir. Notre troisième invité, également en ligne, professeur à l'université de Caen en sociologie, membre de l'Institut de l'universitaire de France. Et votre ouvrage, intéressant également, « L'esprit démocratique du populisme ». On va parler démocratie et populisme évidemment dans cette émission. Merci beaucoup à vous trois d'avoir accepté l'invitation du débat du jour. Alors pour commencer, puisque l'actualité française évidemment reste marquée par la mort de Jean-Marie Le Pen.
Ça permet pour débuter de faire un parallèle. Le 21 avril 2002, évidemment, la date qui a marqué la carrière de cette figure de l'extrême droite française quand Jean-Marie Le Pen accède au second tour de l'élection présidentielle. Il est décrit alors comme tétanisé à l'idée d'exercer le pouvoir. Arwen Locker, je vais vous poser la première question. Qu'est-ce qui fait que le pouvoir, aujourd'hui, ne fait plus peur aux populistes qui sont prêts à l'exercer, qu'il exerce ? Évidemment, on va en parler dans cette émission.
Je crois très sincèrement que nous avons affaire à une nouvelle génération que Marine Le Pen emblématise assez fortement et assez bien, qu'elle
qui est la génération née dans les années 60-70 et qui n'est plus la génération qui porte encore les stigmates de l'après-guerre comme Jean-Marie Le Pen. Jean-Marie Le Pen, moi, j'ai toujours considéré, puisque c'est sur ce sujet que j'ai fait ma thèse le 3 mai 2002, donc entre les deux tours, je soutenais ma thèse à ce moment-là et j'avais écrit qu'il pouvait être au second tour très nettement et que ce qui faisait le succès du Front National et du Le Penisme
était justement cette capacité à parler largement, à créer ce néo-populisme. J'avais utilisé ce terme déjà à l'époque, ce national-populisme, et à être, je dirais, un tribun. Et Jean-Marie Le Pen était en effet à créer un style, un style politique néo-populiste.
ce néo-populisme, ce nouveau populisme entre guillemets, nationaliste, raciste, antisémite, avec des saillies, avec des sorties qui interpellent et qui font médiatiquement mouche. Et de ce fait, il a créé un style qui ensuite a été imité dans beaucoup de pays dans le monde. Lui-même s'était inspiré de Ronald Reagan notamment. Et donc je dirais qu'aujourd'hui, nous avons affaire à plutôt à...
C'est la génération issue de Bruno Maigret à l'époque, si vous vous souvenez de l'opposition entre Jean-Marie Le Pen, qui ne voulait pas forcément le pouvoir et à mon avis ne l'a jamais véritablement voulu. Il voulait le ministère de la parole, il voulait être un tribun, il voulait, je dirais, turbuler le système comme il le disait lui-même, mais il ne voulait pas du pouvoir en tant que tel. Il ne pensait d'ailleurs pas que le Front National était capable de gérer un pays, sans aucun doute.
Par contre, Bruno Legrès... Mais il a fait avancer les idées. Et il a fait fortement avancer les idées parce qu'il avait... Ce qui permet aujourd'hui aux populistes d'être au pouvoir. Pas en France, mais en tout cas ailleurs. En France, bientôt, sans doute, malheureusement, pour le pays qui, a priori, depuis 20 ou 30 ans, sait que c'est en train de progresser. C'est-à-dire, nous voyons bien dans ce pays-ci, la France, comme dans d'autres pays aux alentours, en Autriche, comme nous le voyons en Allemagne, comme nous le voyons dans d'autres pays, nous voyons bien que c'est la seule force politique qui progresse
massivement au niveau mondial. Moi, j'étais en Inde dans les années 90 quand j'étais étudiant à Sciences Po. L'Inde est, depuis très longtemps maintenant, sous le joug du nationalisme populiste hindouiste avec M. Modi. Le monde entier est en train de basculer dans cette forme de nouveau populisme identitaire. J'appelle ça l'identitarisme, qui est un mélange d'identitarisme politique
de croyances religieuses, parce qu'il ne faut pas le sous-estimer, ça ressort d'une forme de propagande proprement d'ordre religieux, j'avais parlé de quasi-religieux, et le business. Et c'est là qu'on voit ce qui est en train de se produire avec notamment Elon Musk. Il y a une nouvelle génération qui veut gagner, qui veut le pouvoir, et ils veulent le pouvoir pour pouvoir enfin faire business
pour Elon Musk notamment, mais aussi tenir les cordons de la bourse, de l'État et de l'autorité religieuse notamment. Et là, on a le triptyque qui est en train, en effet, comme vous l'avez dit, de gagner un peu partout dans le monde. Je rappelle que les cinq premières puissances mondiales ont déjà été, et le Brésil n'est plus, mais les autres, oui. Les cinq premières puissances mondiales sont aux mains d'autoritaristes nationalistes durs.
Et là, si on rajoute tous les autres pays qui sont en train de basculer autour de nous en France et en Europe, ça va être une large majorité de la population mondiale qui va être sous le joug de ce type de régime. Le populisme est la seule force politique qui progresse, nous dit Erwan Locker. Thibaut Muser, pourquoi ? Le populisme, moi j'ai surtout l'impression...
Quand on parle de populisme qui progresse, j'ai toujours l'impression qu'on amalgame des mots et des idées. Moi, j'aurais un point de vue un petit peu différent parce que ce qu'on appelle les populistes, c'est Francis Fukuyama qui disait que le populisme, c'est un label, une étiquette qu'on met à des politiques publiques
que les élites abhorrent, mais que la population veut. Et quand on regarde ce qu'il y a dans ce qu'on appelle les populismes ou l'extrême droite, puisque les mots sont parfois interchangeables, on a en fait des situations à...
qui ne sont pas du tout équivalentes. Même quand on regarde le populisme américain, enfin ce qu'on appelle le populisme américain, le trumpisme, on voit qu'il y a des mélanges à la fois d'un populisme plutôt étatiste, de gauche, qu'on retrouve un petit peu chez Trump, enfin peut-être pas de gauche, mais tout du moins étatiste, et au contraire chez Elon Musk, un populisme
une vision anti-État libertarienne qui fait qu'au niveau des idées, c'est un petit peu difficile de s'y retrouver. Moi, je pense surtout qu'aujourd'hui, un peu partout dans le monde, et notamment en Occident, on est en train de retrouver le clivage droite-gauche
avec une droite qui est beaucoup plus à droite et une gauche qui est beaucoup plus à gauche, et une gauche qui est beaucoup plus à gauche mais qui n'arrive pas, plus ou moins pour l'instant, à s'imposer. Quand on parle de populisme, le populisme c'est d'abord un style, et c'est un style qui se base sur un clivage, qui n'est pas un clivage droite-gauche, mais qui est un clivage entre le peuple et les élites. Et
Donald Trump en 2016 était tout à fait dans ce clivage. Moi, quitte à aller un petit peu à contre-courant, je dirais que finalement, dans le Trump...
Le Trump de 2024, pas forcément le Trump qu'on voit là ces jours-ci, mais le Trump de 2024, il était beaucoup plus sur le clivage droite-gauche, c'est d'ailleurs ça qu'il a fait élire, que sur le clivage élite contre peuple. Mais il se plaçait où, Donald Trump et les populistes en général, sur ce clivage dont vous dites qu'il revient à gauche-droite ?
Mais justement, le populisme refuse de se... Le populisme a un mouvement 5 étoiles. Il refuse d'être placé sur cette échelle-là. Donald Trump, finalement, en 2016, refusait un petit peu le débat droite-gauche. Il disait que tout ça, c'était...
C'était des enfumades et que lui, ce qui l'intéressait, c'est le peuple. Il avait une adversaire à l'époque qui était Hillary Clinton qui convenait très, très bien à ce clivage-là. Alors que si vous regardez la campagne de l'an dernier, je parle bien de la campagne…
La campagne l'an dernier, on était beaucoup plus sur « je suis le candidat de la droite, je suis contre Kamala ». Et la fameuse phrase qui a fait mouche pendant la campagne « Kamala is for they, them ».
Trump is for you, Kamala est pour elle, eux, alors que Trump est pour vous. Donc, il y a vraiment un rappel du clivage droite-gauche sur la question identitaire, certes, mais c'était un clivage droite-gauche. Je ne suis pas sûr que le
le populisme en soi soit en progression partout. Effectivement, on a une progression des politiques identitaires, mais j'ai envie de dire qu'on se demande qui l'a commencé, si c'est la gauche ou la droite. Je pense que ça arrivait à peu près en même temps. Mais j'ai plutôt l'impression que le populisme en tant que tel, c'est-à-dire cette opposition entre élite et peuple,
et plutôt sur le reculoir, notamment parce que si vous regardez Donald Trump, finalement, à quoi bon être populiste, s'abreuver du clivage entre peuple et élite, dans la mesure où une grande partie des élites américaines, enfin tout du moins une partie des élites américaines, y compris dans la Silicon Valley, s'est rangée du côté de Trump pendant la campagne électorale ?
Thibaut Muser, cette évolution que vous évoquez du clivage qui est passé d'élite contre peuple à clivage gauche-droite, est-ce que cette évolution témoigne, puisque la question compose est-ce que le populisme s'est normalisé, est-ce qu'elle témoigne selon vous d'une normalisation du populisme ?
Oui, d'une normalisation du populisme et d'une populismisation, si on peut dire ça, excusez le barbarisme, des élites traditionnelles. Il faut quand même voir que, on le disait tout à l'heure par rapport aux idées de Jean-Marie Le Pen, la lepénisation des esprits a quand même très bien fonctionné.
que ce soit, après, est-ce que c'est le fruit de la propagande ou est-ce que c'est le fruit d'évolution de la société, on peut en débattre. Mais sur des questions comme l'immigration, les populistes ont pris
a priori gagné le débat. Si je regarde aux États-Unis, moi j'ai travaillé un petit peu pour la campagne de Mitt Romney en 2012, personne en 2012, dans les primaires américaines, personne en 2012 chez les Républicains n'était prêt à dire ouvertement que l'immigration était une mauvaise chose pour les États-Unis. Aujourd'hui, si vous faites le comparatif avec...
l'an dernier, la primaire républicaine, c'était exactement le contraire. Vous n'aviez personne qui était capable de dire, y compris Nikki Haley, devant la télévision ou devant des militants républicains que les migrations étaient une bonne chose pour les États-Unis. Donc, d'un côté, vous avez une normalisation des...
Des idées ? Des idées de ce qu'on appelle les populistes, des idées de ce qu'on a appelé les populistes. Mais de l'autre, vous avez effectivement toute une partie de la population, toute une partie des élites qui est allée vers eux. Elon Musk, en fait, est un exemple caricatural. Elon Musk, aujourd'hui, essaye de faire du trumpisme. Il n'est pas forcément très... Il n'est pas toujours très habile à cela. Mais on voit bien qu'une partie de l'élite, aujourd'hui, c'est...
non pas cette Trumpisée, mais est devenue acquise à une partie des causes défendues par ceux qu'on a appelés les populistes il y a une dizaine d'années. – Federico Taragoni, vocate professeur en sociologie, qu'est-ce qui fait, selon vous, que les idées populistes aient à ce point pénétré les différentes sociétés ? Parce que là, encore une fois, on a commencé avec vous et Roel Nocker à évoquer à quel point les populistes sont au pouvoir dans des sociétés
Dans des pays très puissants, évidemment, aux États-Unis. Ils l'ont été au Brésil. Ils le sont en Italie, en Hongrie, en Argentine. Et on parle d'Elon Musk. C'est intéressant. C'est l'homme le plus riche de la planète. Qu'est-ce qui fait qu'en soutenant Donald Trump, il ne va pas perdre de son honneur, mais au contraire, sans doute en gagner ?
C'est un processus très long de droitisation du champ politique auquel d'ailleurs les médias ont contribué en banalisant un certain nombre de problèmes et de lubies de l'extrême droite en faisant des problèmes publics. On a quand même parlé...
à long et à travers du problème de l'immigration, comme si l'immigration était davantage une contrainte et un souci plutôt qu'une richesse. Voilà, et j'en passe. Donc que l'extrême droite ait gagné sur certains plans la guerre des idées, c'est une évidence. Que le champ politique, enfin les champs politiques...
des pays capitalistes avancés se soient droitisés, c'est aussi une évidence. Macron en est une preuve aujourd'hui en France. Ce n'est pas forcément la même chose de dire que les sociétés se sont droitisées et que donc les sujets de l'extrême droite sont aussi populaires qu'on le croit. Mais on assiste à une droitisation structurelle. On rappelle quand même que ce sont le peuple qui a élu
ces populistes. Ils sont entrés sans coup férir. Oui, alors c'est toujours le peuple qui élit, en fait. Et justement, je pense que ce concept de populisme dessert davantage la compréhension dans ce cas qu'elle ne la permet. Parce que, vous voyez, par exemple, prenons Jean-Marie Le Pen à ses débuts à
Certes, il parlait du peuple, de la nation contre les élites cosmopolites, mais il parlait d'un certain peuple contre certaines élites. Il parlait de la nation contre les élites cosmopolites. Le fond idéologique de son discours, ce n'était pas l'opposition au peuple élite, c'était l'utilisation structurelle du racisme, un certain nativisme et ce qu'on appelle
On se rappelle le néolibéralisme, le président Marine Le Pen était pour la baisse des impôts, la baisse des dépenses sociales, la marchandisation généralisée de l'économie, la privatisation, etc. Quand on regarde un peu de façon attentive le discours politique de ces gens qu'on appelle populistes, à droite et à gauche, on se rend compte qu'ils ont des projets politiques très différents et que ce concept permet des amalgames, à mon sens, qui…
qui mine la compréhension. En tout cas, ce qui est évident, c'est qu'on assiste aujourd'hui à une arrivée au pouvoir d'un certain nombre de forces que moi, j'ai qualifié davantage de post-fascistes ou de néonativistes ou d'extrême droite, tout simplement, pour ne pas les assimiler à la gauche populiste, pour ne pas
pour ne pas suggérer qu'on a affaire au même phénomène avec deux variantes. C'est le point commun selon vous, l'extrême droite, entre tous les populistes aujourd'hui au pouvoir dans le monde ?
Pour moi, c'est justement l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, d'une extrême droite qui s'est construite comme une force anti-système et qui est passée d'une phase où c'était une force extra-parlementaire et antidémocratique à une force qui a banalisé les procédures électorales et qui donc arrive au pouvoir par l'élection. Et on voit bien d'ailleurs en Italie...
Et même le premier passage de Trump le prouve, qu'ils ne sont pas en mesure d'appliquer leur programme disruptif et de destruction complète de la démocratie. Ils sont obligés de faire un certain nombre de négociations. Et là où ils font très très mal, effectivement, c'est dans la culture, c'est dans les droits des minorités, c'est dans les équilibres de pouvoir. Mais prenez par exemple ce que voulait faire Mélanie au début. Mélanie voulait quand même...
fermer militairement les ports de l'Italie. Je ne sais pas si vous voyez ce que ça voulait dire. C'était évidemment contraire au droit international. C'était d'ailleurs la lubie aussi de l'ancien ministre de l'Intérieur, Salvini. Quand elle est allée au pouvoir, qu'est-ce qu'elle a fait ? Elle a...
donner des papiers à près de 300 000 migrants pour les besoins de l'économie agricole. Elle a retourné complètement son programme ? C'est ça que vous voulez dire ? Que finalement, entre ce que propose et ce qu'annonce le populisme et la réalité de l'exercice du pouvoir, c'est un deux poids deux mesures évident ?
Mais bien sûr, il y a une certaine dose de démagogie dans tous ces discours. Après la campagne électorale américaine, il y a une forme de démagogie qui d'ailleurs ne l'est pas propre en soi. Enfin, ils ne sont pas les seuls à user de la démagogie, mais ils le font de façon structurelle. Et le fond idéologique de leur discours, ce n'est pas l'opposition au peuple élite, c'est une conception nativiste et raciste de la nation et le néolibéralisme en matière sociale et économique. Ce qu'ils font, c'est...
des politiques de réduction des droits sociaux. C'est ça ce qu'ils font tous, Milley, Trump, Meloni, le FPO en Autriche, et j'en passe. Alors cependant, ça va être intéressant aussi, on va évoquer dans la seconde partie du débat la confrontation du populisme à la démocratie. Évidemment, ça fait écho à votre ouvrage, Federico Taragoni. Mais j'aimerais qu'on revienne sur ce concept Erwan Locker,
du populisme à l'épreuve du pouvoir parce que Federico Tarragoni nous disait qu'évidemment entre ce qui est annoncé et ce qui est proposé il y a évidemment un deux poids deux mesures mais malgré tout je vais citer Ravir Milley qui a fait passer l'inflation de 17% en 2023 à 3 à 4% mensuel
Donc, il a réduit drastiquement l'inflation. Il a détruit la dette, entre guillemets. C'est ce qui était souvent cité. Et il est aujourd'hui, Ravir Melehi, cité en exemple par de nombreux libéraux, par exemple en France. La France qui est confrontée à des dérapages budgétaires. C'est en ça aussi qu'on voit la normalisation du populisme. C'est quand il peut être cité en exemple. Et comme, évidemment, en Europe, les Georgia Meloni, où le mot qui est souvent accolé au régime Georgia Meloni est « stabilité ».
Oui, on ne va pas rentrer dans les détails de l'histoire de la science politique française et internationale pour déterminer s'il s'agit de l'extrême droite, du national-populisme, du plus ou moins raciste, plus ou moins religieux et plus ou moins ceci et cela. Si on prend l'exemple indien, on ne va pas trouver la même chose qu'en France, qu'en Italie ou qu'aux États-Unis.
Pourtant, il y a dans un grand nombre de pays du monde une même tendance générale qu'on peut appeler une forme de national-populisme à tendance raciste très nette, très claire. Ce racisme peut être religieux, comme les hindouistes en Inde ou les croisés des États-Unis et du Brésil, par exemple, contre le reste du monde.
Il y a une tendance nativiste, mais pas seulement, parce qu'on l'oublie souvent, mais il y a beaucoup d'immigrés qui votent pour ces courants de pensée. Il y a de plus en plus aussi de femmes, de plus en plus d'homosexuels. Donc ce n'est plus du tout l'imaginaire que l'on a pu avoir au début du Front National avec Jean-Marie Le Pen, qui aujourd'hui, en gros, est le vote Zemmour, c'est-à-dire les hommes blancs de plus de 60 ans, bien anti.
et Nanty et Biennais qui votent de façon nativiste pour Zemmour et sa vision du monde contre le grand remplacement. Ce n'est plus ça. Sinon, ce serait extrêmement simple et quelque part, il ne pèserait pas, comme vous l'avez très bien dit, une majorité potentielle dans tous ces pays. Qu'est-ce qui fait que les populistes résistent à l'épreuve du pouvoir ? L'épreuve du pouvoir pour eux est l'épreuve de la mise en concurrence de différentes logiques.
Les logiques peuvent être, comme ça a été dit, ethnicistes, c'est-à-dire il y a les méchants et les gentils. Et de toute façon, quand on est dans une stratégie du bouc émissaire, tous les problèmes qui se posent à la nation sont dus à un certain nombre de boucs émissaires. Plus il y a de problèmes, plus il faut taper sur les boucs émissaires. En Inde, ça va être les musulmans. En Russie, ça va être les...
les gens qui mettent à mal l'État de l'intérieur. Aux États-Unis, Trump, on voit bien que, clairement, les femmes noires ne votent pas pour Trump. Maintenant, désormais, les latinos votent majoritairement pour Trump. Hommes latinos votent majoritairement pour Trump. À partir du moment où il y a un bouc émissaire, ces régimes se maintiennent au pouvoir en Hongrie,
en Turquie, dans tous les pays où ils sont, maintiennent longuement au pouvoir. Par l'entretien de ces boucs émissaires. Par l'entretien non seulement de ces boucs émissaires, mais aussi par la capacité qu'ils ont à avoir une parole qui est une parole performative. C'est-à-dire quand Trump dit « je vais faire un mur », même ses opposants pensent qu'il va le faire. Quand Musk dit « je vais faire telle ou telle chose », même ses opposants, même ceux qui le détestent,
pense que quelque part, ces gens-là sont suffisamment un peu fous, c'est la stratégie du voisin fou, suffisamment un peu fous, suffisamment un peu autoritaristes, suffisamment un peu mafieux, dirais-je même, d'une certaine façon. Et là, l'Italie nous a bien montré la voie avec Berlusconi, qui est quand même un grand ancien de tous ces gens-là. Eh bien, suffisamment capable de tordre le bras aux gens, on le voit en ce moment aux États-Unis, c'est quand même...
complètement fou. On a l'ensemble de la Silicon Valley qui se disait plus ou moins de gauche, dont Mark Zuckerberg, Jeff Bezos et compagnie, Washington Post et compagnie, qui basculent tous du côté de Trump du jour au lendemain. Qu'est-ce qui se passe dans ce pays ? Il va falloir nous expliquer. Si ce n'est pas, comme le disait l'autre, des propositions que vous allez obligatoirement devoir accepter, qu'est-ce qui est en train de se passer ? Je dis juste au passage, regardons la provenance de tous ces personnages, ils viennent tous plus ou moins du milieu du caïda, c'est-à-dire
grosso modo de la mafia. Et ils ont des méthodes qui s'apparentent. Ça, c'est un premier point. Deuxième point, à chaque fois qu'il y a un problème, c'est la faute des autres et c'est la faute du reste du monde. Et c'est ce que Trump est en train de mettre en place. Troisième point, ils sont dans un combat, dans une vision de combat culturel, combat civilisationnel. Ils ne sont pas du tout des politiques traditionnelles qui règlent les problèmes à coup de taux d'escompte, etc. Ils sont dans un combat civilisationnel et donc ils entraînent les gens
dans ce combat, avec une propagande adaptée. Et c'est ça toute la différence qu'ils ont avec les politiques traditionnelles. Et c'est pour ça que le peuple les aime aussi. C'est quelque part, quand ils disent quelque chose, le peuple se dit, ils vont le faire. En bien ou en mal, mais ils vont le faire. Et ils entretiennent évidemment la normalisation du populisme.
Car la question qu'on pose ce soir dans le débat du jour est est-ce que le populisme s'est normalisé ? Et évidemment, ça fait écho à toutes les prises de parole d'Elon Musk qui a soutenu évidemment massivement Donald Trump dans sa victoire à la présidentielle américaine et qui a multiplié les prises de parole qui s'est affichée auprès de dirigeants populistes, notamment en Europe et qui a évidemment mis son nez dans les affaires européennes, en Allemagne notamment.
Les trois invités en Angleterre, évidemment. Kerstar Meur, le Premier ministre, est devenu un bouc émissaire d'Elon Musk. Erwan Locker, politologue et sociologue, spécialiste des questions liées à l'extrême droite et au populisme. Thibaut Musergue, politologue et essayiste, auteur du livre Post-populisme, la nouvelle vague qui va secouer l'Occident. Et Federico Taragoni, professeur de l'université de Caen en sociologie, membre de l'Institut de l'Universitaire de France et auteur de ce livre L'esprit démocratique du populisme. Alors Federico Taragoni, on en vient à...
À ces deux mots, est-ce qu'ils peuvent être, aller ensemble, démocratie et populisme ? Est-ce que le populisme est soluble dans la démocratie ? Et quelle sera la démocratie de demain à l'épreuve de populisme appelée possiblement à se généraliser ?
Avant de vous répondre, je voudrais juste peut-être revenir une seconde, en une fraction de seconde sur le cas de Milley. Une fraction de seconde. Voilà, et ce qui était dit sur la question du vote des migrants.
à Trump et à l'extrême droite. Alors, la prise de mille ailes par case variant est tout simplement indécente dans la mesure où la baisse de l'inflation, qui n'est d'ailleurs pas aussi nette qu'on nous le dit en Argentine, est allée de pair avec une augmentation de la pauvreté dans la population argentine à plus de 50%. Donc, si effectivement la thérapie doit tuer le malade,
on peut tout à fait baisser l'inflation. Et pour le vote des migrants, il faut quand même rappeler que les enquêtes sociologiques sur le vote, par exemple, au Rassemblement national, montrent bien que le moteur de ce vote est une conception chauviniste de l'État-providence et essentiellement raciste des services publics. On ne met pas ça en cause, évidemment. Ça, c'est quelque chose de central.
Le rapport entre populisme et démocratie est un rapport absolument central. C'est-à-dire que quand on regarde l'histoire des populismes, on prend le populisme russe ou le populisme états-unien de la fin du XIXe ou encore le populisme en Amérique latine, on se rend compte que leur ambition…
La mission des populistes était de démocratiser la démocratie en générant parfois des dérives personnalistes, autoritaires, annexés de polarisation, etc. Quand on prend l'extrême droite, on se rend compte aussi que beaucoup d'électeurs de l'extrême droite, que ce soit Trump, Ilayi ou Marine Le Pen, mettent en avant l'opposition.
le souci d'une meilleure démocratie. Mais là aussi, est-ce que le fait que justement ce mot soit aussi vidé de sens aujourd'hui et que quelqu'un comme Orban puisse dire qu'il fait une meilleure démocratie, une démocratie libérale que les démocraties libérales, est-ce que ça ne contribue pas justement à faire en sorte que les motivations de ces électeurs ne soient pas fondamentalement comprises ? Donc vous voyez, je...
Je voudrais juste insister sur le fait que la démocratie que souhaitent ces acteurs d'extrême droite qui arrivent aujourd'hui au pouvoir n'a absolument rien à voir avec la démocratie européenne.
qui est dans le projet de la gauche appelée populiste, par exemple en France, la France insoumise, et que donc il s'agit essentiellement d'une démocratie qu'on cherche à protéger contre l'arrivée des migrants, contre les droits des minorités, contre l'extension des libertés. Mais le mot démocratie, rapidement, le mot démocratie vivra malgré cette évolution ?
En quelques secondes, parce que je voudrais poser une question de la fin à Thibault Musé. Bien sûr, le mot « démocratie », c'est constitué au gré des controverses qui l'ont généré. Il faut rappeler qu'à la fin du XVIIIe siècle, les pères fondateurs des révolutions libérales, que ce soit aux États-Unis ou en France, ne parlaient pas de « démocratie » mais de « république », et que la démocratie était l'ennemi. C'était l'excès populaire, l'excès des foules.
Et donc, effectivement, ce mot s'est constitué comme ça par les controverses. Donc, nous vivons dans un grand moment de controverse sur le sens de la démocratie. Et donc, effectivement, après, la démocratie pourra avancer ou pas, mais le sens, en tout cas, est en train d'être écrit. Thibault Musergue, je vous demandais d'être bref en quelques secondes. Le mot de la fin, on va tracer une perspective. Le post-populisme, vous nous dites, ça va être la nouvelle vague qui va secouer l'Occident. C'est quoi le post-populisme en quelques mots ?
Oui, mais c'est justement le retour de ce clivage gauche-droite. Moi, je suis très intéressé de ce qui vient d'être dit. Finalement, dès qu'on est de droite, on est raciste, nativiste, on est néolibéral. Alors finalement, on revient à
aux vieilles insultes qu'on se donnait il y a encore 30 ans. Quand on était de droite, on était raciste. Quand on était de droite, on était néolibéral. Et puis quand on était de gauche, on était communiste et autres noms de oiseaux. Donc finalement, CQFD...
Aujourd'hui, quand on met dans le même sac Javier Millet, Giorgia Meloni, Victor Orban et Donald Trump, je trouve que même s'ils viennent du même endroit, même s'ils ont été populistes, je n'ai pas l'impression au contraire qu'il y ait autant d'atomes crochus idéologiques entre eux, sinon cette appartenance à la droite qui est effectivement...
effectivement une appartenance aujourd'hui qui est carrément, là on a une question d'identité et qu'on ne trouvait pas chez Trump par exemple. Merci Thibault Buzerg.
Je vous avais demandé en quelques mots. Mais merci beaucoup. On a bien compris, en tout cas, que le post-populisme est le symbole de cette normalisation des populismes. Merci beaucoup à vous trois, Thibaut Musergue, Erwan Locker et Federico Taragoni. Merci beaucoup à Florence Ponce qui était à la préparation de ce débat et Hélène Avril à sa réalisation. Merci à la documentation de RFI et n'oubliez pas le podcast sur RFI.fr pour réécouter
ce débat du jour. Dans 30 secondes, Adrien Delgrange pour Le Grand Journal du soir.