We're sunsetting PodQuest on 2025-07-28. Thank you for your support!
Export Podcast Subscriptions
cover of episode Peut-on encore enseigner la Shoah ?

Peut-on encore enseigner la Shoah ?

2025/1/27
logo of podcast Débat du jour

Débat du jour

AI Deep Dive AI Chapters Transcript
People
C
Christine Guimonnet
H
Hubert Strouk
I
Iannis Roder
Topics
Iannis Roder:我认为在教授大屠杀时,应该首先解释纳粹主义的政治和意识形态,以及是什么让种族灭绝成为可能。这比直接展示大屠杀的残酷事件更重要,因为那样做可能会让学生产生情绪冲击,从而阻碍他们进行思考。通过讲解纳粹的意识形态,可以帮助学生理解大屠杀的根源,并有效反驳那些试图淡化或否认大屠杀严重性的人。 此外,我还认为,教授大屠杀不应该孤立地进行,而应该与其他大规模暴力事件进行比较,例如种族灭绝、奴隶贸易和殖民战争等。通过比较,可以帮助学生更好地理解大屠杀的独特性,并认识到人类历史上暴力的普遍性。 最后,我认为,教授大屠杀应该是一个持续的过程,而不是一次性的事件。教师应该根据学生的年龄和理解能力,选择合适的教学方法和材料,并鼓励学生积极参与讨论和反思。 Christine Guimonnet:我的教学方法是循序渐进地讲解反犹太主义、纳粹主义和灭绝政策,让学生逐步理解纳粹的意识形态和世界观。我会使用各种教学材料,例如文本、图片和地图等,帮助学生更好地理解历史事件。 在教学过程中,我会鼓励学生提出问题,并引导他们进行讨论和反思。我认为,学生提出的问题往往反映了他们对历史知识的理解程度,以及他们对历史事件的看法。通过讨论,可以帮助学生澄清概念上的误解,并加深对历史事件的理解。 虽然学生偶尔会提出一些质疑,但我认为这并不意味着教学的失败,反而是一种机会,可以帮助教师更好地了解学生的思维方式,并改进教学方法。 Hubert Strouk:纪念馆的教学方法是根据教师的教学计划,灵活运用多种教学资源,例如档案材料、图片和漫画,引导学生进行主动学习,培养批判性思维。我们鼓励学生提出问题,即使是那些令人不安的问题,我们也会认真对待并给予解答。 我们认为,参观纪念馆前,学生需要先在课堂上学习相关知识,否则参观效果不佳。参观纪念馆的目的不是为了制造情绪冲击,而是为了让学生在亲身体验的基础上,加深对历史事件的理解,并培养他们的批判性思维。 此外,我们还关注大屠杀与当代社会问题的联系,例如反犹太主义的抬头。我们认为,教授大屠杀不仅是为了纪念历史,也是为了警示未来,防止类似悲剧再次发生。

Deep Dive

Shownotes Transcript

Translations:
中文

Et déjà 18h30 sur RFI à Paris, l'heure du grand débat de Romain Ozuwi. Bonsoir Romain. Bonsoir Véronique, bonsoir à tous. Nous évoquons ce soir dans le débat du jour l'enseignement de la Shoah. Le débat du jour. Romain Ozuwi.

Il y a 80 ans, jour pour jour, l'armée rouge entrait à Auschwitz et découvrait l'horreur en libérant les camps de concentration où un million de juifs périrent entre 1940 et 1945. Cet après-midi, des dizaines de dirigeants internationaux ainsi que des rescapés étaient réunis sur le site pour se souvenir. Notre question ce soir, peut-on encore enseigner la Shoah aujourd'hui ? Pourquoi est-ce que cela semble de plus en plus difficile de le faire ? Et comment malgré tout continuer ?

à transmettre pour ne pas oublier. Soyez les bienvenus dans le débat du jour. Et pour répondre à ces questions, nos trois invités ce soir à mes côtés en studio, Hubert Strouck, bonsoir. Bonsoir. Vous êtes historien responsable du service pédagogique au Mémorial de la Shoah et vous avez, vous nous en parlerez, créé des ateliers, plusieurs ateliers pédagogiques à destination des scolaires. Face à vous, Yanis Roder, bonsoir. Bonsoir. Professeur d'histoire-géographie à Saint-Denis, au nord de Paris.

Directeur de l'Observatoire de l'Éducation de la Fondation Jean Jaurès, auteur du livre « Sortir de l'ère victimaire pour une nouvelle approche de la Shoah et les crimes de masse ». Notre troisième invité est en ligne avec nous, Christine Guimaudet. Bonsoir.

Vous êtes professeur d'histoire-géographie, vous aussi, au lycée Camille Passaro à Pontoise et secrétaire général de l'association des professeurs d'histoire-géographie. Merci beaucoup à vous trois, tout d'abord, d'avoir accepté l'invitation du débat du jour sur Réaction. On va commencer par quelque chose de très concret. Je me tourne vers vous, Yanis Roder, et puis je vous poserai aussi la question, Christine Guimaudet, puisque vous êtes tous deux professeurs d'histoire-géographie. Est-ce que vous pouvez nous faire part de votre expérience avec les élèves ? Comment est-ce que vous enseignez aujourd'hui la Shoah ?

Oui, bien sûr. Alors,

L'enseignement de la Shoah est une question qui, d'abord, intéresse beaucoup les élèves. Et il faut savoir qu'on avait fait un sondage, il y a quelques années, pour la Fondation Jean Jaurès. On s'était rendu compte que les trois quarts des élèves, aujourd'hui français, entendent parler de la Shoah, d'abord à l'école. Donc, c'est à l'école que se joue, en fait, la connaissance et le rapport à cette histoire et à cette mémoire. Pour rentrer dans cette histoire, moi, je suis convaincu que

Avant la question du comment, il faut poser la question du pourquoi. C'est-à-dire, qu'est-ce qui a rendu possible le génocide, la politique génocidaire nazie, qui a été une politique publique menée par un État, un État moderne, européen. Et c'est à cette question qu'on essaye de répondre avec les élèves. Et ils sont extrêmement intéressés quand, justement, on insiste...

On va insister sur le comment, c'est-à-dire bien sûr les fusillades massives, les chambres à gaz, etc., la politique de ghettoïsation en amont, mais vraiment insister sur qu'est-ce qui rend possible le crime et donc entrer par les bourreaux, c'est-à-dire entrer par l'idéologie, ce que les nazis appelaient en allemand la « Weltanschauung », la « vision du monde ».

qui place au cœur de l'idéologie nazie la vision antisémite et l'idée du complot juif tourné contre l'Allemagne. Le récit politique. Le récit politique, exactement. Il faut faire de cette histoire une histoire politique parce que c'est une histoire politique. Et vraiment, c'est... Et quand vous entrez comme ça dans cette histoire...

Les élèves sont tout de suite captés, extrêmement intéressés. Ça ne veut pas dire qu'il faille évacuer la question de l'émotion. Mais, à mon sens, l'émotion, et on verra ce qu'en disent mes collègues, mais l'émotion peut venir, mais dans un second temps. Non pas entrer par l'émotion, non pas entrer non plus par le choc, le choc pédagogique, parce que je suis moi convaincu que le choc...

L'émotion provoquée par le choc peut paralyser la pensée. Or, la mission de l'école, et c'est aussi la mission que s'est donnée le mémorial de la Shoah, c'est de faire réfléchir les élèves, et notamment sur les processus génocidaires.

Alors, vous avez des classes de... Quelles sont vos classes ? Moi, je suis en collège et Christine, ma collègue, est en lycée. Alors, Christine Guimondé au lycée, est-ce que c'est différent ? Est-ce que vous avez la même approche ? Finalement, sortir de l'émotion pour d'abord délivrer un récit politique, un récit historique. Et finalement, nous dit Yanis Roder, la mission des professeurs n'est pas de créer l'émotion, éventuellement de la suicider, mais pas de la créer ?

L'émotion, elle va arriver d'une manière naturelle en fonction des supports pédagogiques qu'on travaille avec les élèves. Donc, il est inutile de la susciter artificiellement.

J'ai enseigné la Shoah à des élèves de collège, et donc maintenant c'est au lycée. Et forcément, le temps qu'on y passe peut être différent, les approches sont différentes, mais moi j'ai un peu la même méthode que Yanis, même si on ne construit pas forcément notre cours de la même façon. J'ai un continuum que j'intitule « Antisémitisme, nazisme, extermination ». C'est-à-dire qu'il faut d'abord les faire entrer dans ce que c'est que l'antisémitisme,

pour les nazis et aussi essayer de leur faire comprendre ce que c'est que l'univers mental construit par les nazis. Donc une idéologie qui est très spécifique, ce qui suppose de travailler parfois sur des textes qui peuvent être assez longs, des textes nazis. Il faut comprendre ce que les nazis ont en tête, quelle est leur vision du monde. Ça revient finalement à la même démarche qu'il y a l'histoire d'Air. Oui. Oui.

Et j'ai beaucoup réfléchi depuis que j'enseigne sur les différentes manières d'expliquer, de faire travailler les élèves, de les faire réfléchir. Quel type de support je dois utiliser avec eux ? Et donc ce matin, on est en fait le 27 janvier à la fin du cycle sur cette question-là, j'ai les élèves de terminale générale. Et on a travaillé sur Auschwitz, mais d'une manière particulière avec des plans

avec des photos, plusieurs types de photos qu'on a recontextualisées. Il faut souvent répéter, réexpliquer pour être sûr que tout est bien compris parce qu'en fait, dans une masse d'informations, c'est important de savoir où est-ce qu'ils en sont, est-ce qu'ils ont bien assimilé la chronologie ?

Et on se rend compte souvent que par rapport à ce qu'ils ont fait en troisième, il y a un certain nombre de notions qui sont devenues un petit peu floues, qui ont été un petit peu oubliées. Et la classe de terminale, c'est vraiment un moment où on va revenir dessus de manière précise. Est-ce que vous trouvez qu'il n'y a pas assez de temps au collège, au lycée, pour enseigner la Shoah aujourd'hui en France ? Le temps, il faut le prendre. Dans le programme scolaire ?

Quand on a des programmes qui sont très copieux, qui sont très vastes, si on se limite à l'horaire imparti, on peut passer à côté de plein de choses.

Donc enseigner, c'est aussi faire des choix. D'accord. Donc en tout cas, l'éducation nationale vous offre moins de temps que ce que vous prenez. C'est ça que vous êtes en train de me dire ? Oui, bien sûr. Yanis Roder également ? Oui, bien sûr, je confirme. D'autant plus que, et je pense que Christine sera d'accord avec moi. Je dis Christine parce qu'on se connaît bien. Je crois, je crois. Christine,

Christine sera d'accord avec moi. Notre travail, c'est aussi de faire réfléchir les élèves. Et donc, pour qu'ils puissent réfléchir et mettre en ordre leur pensée, il faut aussi qu'ils puissent produire. Produire, c'est par exemple écrire. Et écrire, c'est réécrire. On écrit une première fois, on est corrigé, on réécrit. Donc tout ça, ça permet de structurer la pensée. Ça, ça prend un temps très important. Et un temps que nous n'avons pas en réalité au regard de ce que nous demandent les programmes de l'éducation nationale. Ils ont évolué ces programmes ? Oui, ils ont évolué. Dans quel sens ?

dans un sens, ont un peu plus de liberté aujourd'hui sur ces questions-là. Mais ça reste quand même contraint, comme le disait Christine. Il y a des horaires à respecter, surtout il y a un programme à respecter. C'est-à-dire, le programme, il faut tout balayer. Ce qu'on nous demande de faire, on doit le faire. Et d'autant plus qu'on a des classes à examen parfois. Donc, nous sommes contraints, nous sommes obligés de le faire. Mais il y a des choix. Il y a des choix pédagogiques qui doivent être faits.

le choix d'assister, et me semble important au regard de ce que nous vivons aujourd'hui, peut-être d'avoir une réflexion sur le temps que nous devons passer, à la fois sur l'histoire de la Shoah, du nazisme, bien sûr, mais je crois, moi, sur l'histoire des violences de masse en général, de manière à pouvoir comparer pour mieux singulariser les événements. Je parle bien sûr des violences génocidaires, mais pas seulement des violences liées à la traite des esclaves, à la colonisation et aux guerres de décolonisation. Ce sont des moments importants qui touchent

touchent et qui concernent

beaucoup d'élèves, sur lequel nous devrions passer du temps de manière à pouvoir aussi mettre en perspective tous ces événements. Faire des parallèles. Exactement, faire des parallèles. Et pas finalement enseigner la Shoah de manière isolée. Alors, c'est-à-dire que non pas enseigner en même temps, mais permettre de faire des rappels. Par exemple, moi j'ai tous les ans des élèves qui me disent « Mais est-ce que dans la guerre d'Algérie, il y a un génocide ? » La question est légitime. Voilà, ce sont des élèves qui se posent ces questions. Eh bien là, on renvoie au génocide des Arméniens, on renvoie au génocide...

des juifs, donc la Shoah, et on compare. Est-ce que tu penses que... Et on voit que non, il n'y a pas de politique génocidaire, il n'y a pas de volonté génocidaire, il n'y a pas de génocide. Donc tout cela...

permet, ce travail-là, sur le fond, doit pouvoir permettre des rappels et de mieux singulariser les événements historiques. Je vais donner la parole à Hubert Stroh, qu'on n'a pas encore entendu, mais vous qui êtes enseignant pour des classes de 3e, le programme d'histoire de 3e prévoit d'étudier les guerres d'anéantissement au sens large. Alors,

La Shoah, elle trouve sa place là davantage que dans l'enseignement de la Seconde Guerre mondiale ?

Ça a été, je crois, mal compris par ceux qui ont construit le programme et qui en ont fait quelque chose d'assez général, faisant un parallèle entre la bombe atomique, la Shoah. Bref, c'est un grand gloobie-boulga là-dedans. Mais il y a quoi dans les guerres d'anéantissement ?

En fait, moi, je ne traite pas des guerres d'anéantissement parce qu'il y a une guerre d'anéantissement, mais uniquement du point de vue nazi, qui est l'attaque contre l'URSS, puisque l'URSS est comprise comme le grand empire judéo-bolchevique, si vous voulez, dans l'imaginaire nazi. C'est ça, la guerre d'anéantissement. Et ce n'est pas autre chose que ça.

Le concept a été détourné par ceux qui ont construit ce programme. Il serait temps de le revoir un petit peu. Déjà, c'est un premier renseignement de notre débat. Peut-on encore enseigner la Shoah aujourd'hui ? Il faut peut-être revoir les programmes. On va certainement y revenir. Hubert Strouck, vous qui êtes responsable du service pédagogique au mémorial de la Shoah, c'est intéressant parce que vous

Vous avez créé plusieurs ateliers pédagogiques à destination des scolaires. Quels échos est-ce que vous avez de ces scolaires ? Alors évidemment, la démarche, elle est différente de professeurs dans des lycées, dans des collèges généraux, puisque là, ce sont des jeunes qui viennent spécifiquement dans ce but précis. Mais quels sont les échos que vous recueillez ?

Exactement. C'est-à-dire que les élèves qui viennent ont déjà leurs leçons sur la Shoah, sur le nazisme. Ce sont des questions qui ont été vues en CM2, en 3e et au lycée. Donc notre approche au Mémorial de la Shoah, on est au départ un centre d'archives. On a été créé ainsi en 1943. C'est de faire un pas de côté et surtout de coller au plus près du projet pédagogique de l'enseignant. Et donc c'est vrai qu'on a une...

un nombre assez conséquent d'ateliers que l'on peut proposer. Certains portent sur des questions historiques précises, les images d'Auschwitz, la rafle du Veldiv, la biographie ou le parcours de Simone Veil. D'autres, comme le soulignait Yanis Roder,

sur de l'histoire comparée, la justice face au génocide, comment la bande dessinée aussi s'est emparée de la question des génocides. Parfois, nous sommes sur des sujets qui sont à la fois ancrés et dans l'histoire et dans des questions, on va dire, citoyennes, en lien avec les programmes d'enseignement moral et civique. Et notre objectif, c'est bien sûr de transmettre cette histoire, quelle qu'elle soit, de réfléchir aux enjeux mémoriels, mais surtout à

Avec les élèves, que ce soit une visite, que ce soit un atelier, que ce soit la découverte d'une exposition, c'est de proposer une démarche et des méthodes pédagogiques qui soient actives. C'est-à-dire que l'élève est au cœur de la découverte de ses documents, il essaie de reconstituer un itinéraire, de replacer cet itinéraire dans une histoire plus générale, parce que souvent quand on parle de la Shoah ou de crimes de masse,

on est face au nombre. 6 millions de juifs assassinés, 76 000 juifs déportés depuis la France. Mais finalement, derrière ces nombres, il y a à chaque fois des destins individuels, des destins familiaux. Et l'idée, c'est en

en s'appropriant ces documents d'archives, en les croisant, en faisant finalement le métier d'historien, comme disait Marc Bloch, les élèves tentent de retrouver et d'éveiller, c'est ce qu'on souhaite surtout au Mémorial de la Shoah, vraiment éveiller leur esprit critique. C'est la manière la plus pertinente, individualisée entre guillemets, cette quête historique, la manière la plus pertinente de transmettre. Et face à cela, quel est l'accueil ?

des jeunes ? Et est-ce que cet accueil a pu évoluer au fil des années ? L'accueil, si je devais mettre en avant notre institution, je vous dirais qu'il est favorable au sens où le public ne cesse d'être plus important chaque année. Il y a de plus en plus de monde ? Il y a de plus en plus de monde qui vient à Paris, qui vient à Drancy ou qui nous accueille dans les établissements scolaires parce qu'on propose une vaste activité dite « hors les murs ».

Maintenant, il faut aller au bout des choses. C'est-à-dire, quel est l'impact de ce que l'on fait ? Voilà, la satisfaction, c'est une chose. L'impact, c'est autre chose. Est-ce que les élèves ont compris ? Est-ce que les élèves... Oui, ce n'est pas parce qu'il y a plus de monde qu'il y a plus de gens qui retiennent ou qui se souviennent. Voilà. Exactement. D'ailleurs...

Cette année, on va mener une vaste étude d'impact sur, finalement, qu'apporte, avec les enseignants, évidemment, l'enseignement de la Shoah, la question d'un enseignement autour de l'antisémitisme, des différentes formes de racisme. On essaie de s'interroger sur ça. Et la petite conviction qu'on a aujourd'hui, c'est que, d'abord, les élèves, quand ils viennent dans un lieu de mémoire...

Ils prennent la mesure, quand on vient à Drancy, on prend la mesure de ce qu'a été ce lieu, un lieu d'internement, un lieu de transit, un lieu où des populations sont enfermées, puis déportées et pour la vaste majorité assassinées, notamment à Auschwitz-Birkenau. Donc on a cette conviction que se déplacer sur un lieu de mémoire, travailler sur des documents d'archives, poser des questions parce que

On dit à nos médiateurs d'accepter toutes les questions, même parfois les plus dérangeantes. Je veux dire, à titre personnel, parfois, on entend des questions qui peuvent nous gêner. Mais on veut s'en emparer et on veut apporter des réponses qui soient factuelles, raisonnées et dans l'échange avec le public. Yanis Roder, est-ce qu'on ne peut pas vraiment enseigner la Shoah si on ne se rend pas sur le lieu de mémoire ?

Moi, je pense qu'on peut enseigner la Shoah sans se rendre sur les lieux de mémoire. Mais en même temps, ce que disait Hubert Struck est tout à fait juste. Quand on se rend sur un lieu de mémoire à condition d'avoir préparé la chose, c'est-à-dire d'avoir construit le savoir des élèves en amont, parce qu'il y a des lieux de mémoire où il n'y a rien à voir en réalité. Si vous allez aujourd'hui à Birkenau,

Birkenau, c'est très difficile de lire le lieu. C'est le symbole. C'est le symbole, mais c'est un lieu... C'est là où, d'ailleurs, il y a des dirigeants, des dizaines de dirigeants internationaux qui sont réunis, des rescapés ce soir. Exactement. Mais c'est un lieu très difficilement lisible en termes de politique nazie, puisque c'est un lieu où se sont croisés différents... Des dizaines de milliers de déportés qui étaient là pour des raisons différentes, parce que des politiques différentes...

les ont amenés là, et notamment des Juifs. Mais il n'y a pas que des Juifs. Donc, c'est compliqué. C'est un système concentrationnaire et en même temps, vous avez des installations de mise à mort. Tout cela sur un même site, de manière très proche. Donc, il faut construire le savoir en amont et après, éventuellement, aller sur site et réfléchir avec les élèves sur le site. C'est tout le travail que mène le mémorial de la Shoah, par exemple. Aller sur un site comme celui d'Auschwitz-Birkenau, sans préparation,

à mon sens, ne sert absolument à rien. Mais d'ailleurs, Hubert Strouck expliquait que finalement, les déplacements étaient dans le cadre du suivi pédagogique observé à l'école, au collège et au lycée. Exactement. C'est-à-dire que notre action, elle est menée de concert avec les enseignants. On ne peut réussir une visite sur un lieu de mémoire que si en amont, il y a eu cette réfection en classe avec les élèves.

Yanis Roder, je demandais à Hubert Stroke si l'accueil des jeunes dans les lieux de mémoire, le mémorial de la Shoah, avait évolué. Je vais vous poser la même question, vous, en tant que prof d'histoire géo. Est-ce qu'il a évolué avec notre monde qui évolue, pour le meilleur et pour le pire ? Moi, je parle de mon expérience. Après, comme je forme des enseignants, notamment au mémorial de la Shoah,

J'entends des expériences de professeurs qui, aujourd'hui, viennent au Mémorial, par exemple, soit font appel au service d'Uber, soit font appel au service formation, parce qu'ils rencontrent des difficultés au quotidien, dans leur manière ou dans les cours sur l'histoire de la Shoah. Quel est le type de difficulté ?

des remises en cause de leurs discours, des critiques sur le fait qu'on en fait trop pour les Juifs, ou on en ferait trop pour les Juifs, que ce ne sont pas les seuls à avoir souffert, jusqu'à, et un peu plus depuis le 7 octobre 2023,

jusqu'à dire, oui, mais voilà, les Juifs font aujourd'hui ce que les nazis leur ont fait subir hier, etc. Donc des choses comme ça, auxquelles il est parfois difficile de faire face. Donc les professeurs, des professeurs viennent, ce n'est pas l'unique raison, mais c'est une des raisons qui en pousse certains à

taper à la porte du mémorial de la Shoah pour avoir plus de solidité scientifique, pour avoir aussi des postures pédagogiques, des stratégies pédagogiques à mettre en œuvre. Quant à moi, dans mes classes, j'avoue que la Shoah est un cours qui intéresse beaucoup les élèves, dans lequel ils rentrent avec grand intérêt. Je n'ai pas, en réalité...

de remise en question de ce que nous faisons, mais parce que mon travail en amont, de travailler sur l'idéologie, fait que vous disqualifiez le nazisme. Et parce que vous disqualifiez le nazisme, alors c'est peut-être un peu bizarre d'entendre qu'il faille disqualifier le nazisme aujourd'hui, mais malheureusement, c'est une réalité, eh bien, quelque part, vous disqualifiez l'antisémite. C'est-à-dire, vous disqualifiez celui qui va dire la même chose que les nazis. Et ça, ça fonctionne plutôt bien. Christine Guimaudet, vous avez la même approche que Yanis Roder, en privilégiant le récit

idéologique, le récit politique, le récit historique, sans céder entre guillemets à l'émotion. Est-ce que vous aussi, vous ne souffrez pas ? Est-ce que ce n'est pas de plus en plus difficile ? Puisque c'est la question qu'on pose ce soir. Est-ce qu'on peut enseigner la Shoah ? Évidemment, le sous-titre, c'est est-ce que ce n'est pas de plus en plus difficile d'enseigner la Shoah aujourd'hui ? Est-ce que c'est votre cas ? Non, non. Je suis dans la même situation qu'Anis. Il y avait des élèves qui sont beaucoup plus grands. Les seules contestations que j'ai eues, et personne n'est à l'abri, ça peut m'arriver demain,

C'est à propos du génocide des Arméniens. Dans quel sens ? Des élèves qui émettent des doutes. Souvent, ce sont des élèves qui viennent de familles d'origine turque. Et il y a un problème avec l'existence de ce génocide. Donc, on peut avoir une discussion qui va être un peu animée.

Parce qu'il ne faut jamais fermer la porte. Il faut entrer dans la discussion pour savoir pourquoi l'élève a tel type de propos ou va poser tel type de questions. Parce qu'en fait, il y a des questions. Les questions, elles sont importantes dans un cours sur la Shoah parce qu'elles sont souvent le reflet d'imprécisions dans le savoir, de ce qu'on a oublié, de confusion de vocabulaire. C'est pour ça que le cours commence toujours parce que je vais aller appeler le sens des mots.

bien différencier ce que ça veut dire l'extermination par rapport à la concentration. Ça n'est pas du tout la même chose. Il y a encore trop de gens aujourd'hui qui pensent que la Shoah, c'est des camps de concentration, alors qu'en fait, ce n'est pas du tout ça. Et que les rescapés des...

Les rescapés de la déportation, en fait, sont des exceptions. Ce sont des exceptions parce que la quasi-totalité des convois étaient gazés à l'arrivée. Et lorsqu'on commence à gazer à Auschwitz-Birkenau, il y a, dans les mois qui ont précédé,

Des centaines de milliers de Juifs qui sont déjà morts sur d'autres sites et tous ceux qui ont été fusillés au bord des fosses, des tranchées, dans les territoires d'Europe de l'Est. Peut-on encore enseigner la Shoah aujourd'hui, la question qu'on pose, alors qu'aujourd'hui...

Il y a 80 ans, jour pour jour, l'armée rouge entrait à Auschwitz et découvrait les camps de concentration où un million de juifs périrent entre 1940 et 1945. Mes trois invités sont Christine Guimone, que l'on entendait, qui est professeure d'histoire-géographie au lycée Camille Passaro à Pontoise, au nord de Paris, secrétaire générale de l'association des professeurs d'histoire-géographie. Yanis Roder, également professeur d'histoire-géographie, cette fois à Saint-Denis, directeur de l'Observatoire de l'éducation de la Fondation Jean Jaurès.

et Hubert Strouck, historien responsable du service pédagogique au mémorial de la Shoah. Hubert Strouck, on a parlé de lutte, Yanis Roder a pour la première fois fait référence à la lutte contre l'antisémitisme. Est-ce qu'il faut décorréler l'enseignement de la Shoah de la lutte contre l'antisémitisme qui est évidemment très très très pressante aujourd'hui dans le monde ?

Je veux dire qu'aujourd'hui, on ne peut pas décorréler parce que la demande est forte. On le voit, les enseignants qui viennent, viennent aussi, pas tous, je ne globalise pas, parce que se posent des questions relatives à l'antisémitisme. Ça ne veut pas dire qu'il y a de l'antisémitisme partout, mais ils ont ça en tête. Ils savent soit que ça s'est produit dans leur établissement, soit que c'est un phénomène de société. Et nous, on a deux difficultés.

qui sont majeures, je crois. Elles ont été soulevées ici et qui sont deux termes antagonistes. C'est l'éloignement et la proximité. On est de plus en plus loin de l'événement. C'était il y a 80 ans. Les témoins disparaissent et on perd là une histoire incarnée, une histoire vive. La lutte contre l'antisémitisme peut remettre à l'aune de notre époque actuelle la barbarie nazie ?

Disons qu'aujourd'hui, il y a l'éloignement et il y a la proximité. La proximité, c'est le fait qu'aujourd'hui, on amalgame des événements qui se produisent dans le monde et on les amalgame à des éléments qui vont favoriser un regain, certains disent de nouvelles formes, des habits neufs.

de l'antisémitisme. Et nous, on doit à la fois enseigner notre sujet, la Shoah, les génocides du XXe siècle, et en même temps avoir à l'esprit qu'il faut travailler sur la déconstruction de ces préjugés antisémites parce qu'il y a des actes antisémites qui se produisent en France, qui peuvent se produire dans des établissements scolaires ou des propos antisémites

et faire en sorte que cette déconstruction fasse aussi ou soit capable de faire face à ce qu'on appelle la plasticité de l'antisémitisme, c'est-à-dire que celui-ci a tendance à se transformer. Parfois, et je reprends votre question, il peut être décorrélé de la Shoah, c'est-à-dire qu'il nous emmène sur d'autres terrains. Et c'est à nous, là, de faire la part des choses, de montrer ce qui peut être lié à...

à, je dirais, un antisémitisme, la haine la plus longue, comme disait un historien. Et en même temps que cette haine la plus longue de l'histoire, finalement, elle a des ressorts qui sont très contemporains. Mais quand on parle du contre-antisémitisme, et je rebondis sur ce que disait Yanis Renner, est-ce qu'on ne touche pas à l'ère émotionnelle ?

Sortir de l'ère victimaire, c'est votre livre, Yanis Roder. Et est-ce qu'en cela, finalement, vous avez une approche différente de Yanis Roder qui dit que pour renseigner la Shoah, il faut être sur une approche idéologique, politique, historique ?

Je ne crois pas que de ce point de vue, on soit sur une approche différente tous les deux. Ce que je crois, c'est que des élèves qui viennent, moi, je n'oublie pas que ce sont des adolescents et je ne minimise rien à des propos ou des actes antisémites. Mais on voit aussi que les mêmes qui ont pu ou qui ont entendu des propos ou des actes antisémites sont là. Parfois, ils n'ont jamais rencontré une personne de confession juive,

ne savent pas d'où ça vient. Et c'est notre travail de montrer non seulement comment se sont construits ces préjugés et quels ont été dans l'histoire leur impact jusqu'à aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, on a un nombre record d'actes antisémites. Ils ont été publiés tout récemment. Et il nous faut à tout prix comprendre ce qui se passe et montrer aussi qu'il y a une profondeur dans le temps et

une actualité de ces actes et propos antisémites. Peut-on encore enseigner la Shoah aujourd'hui ? C'est la question qu'on pose ce soir. Il nous reste quelques minutes. Yanis Roder, est-ce que vous craignez que cet enseignement se perde ? Vous disiez que les échos... Alors je vois que vous dites non déjà. C'est plutôt positif.

mais que les échos étaient positifs auprès des jeunes à qui vous dispensez vos cours d'histoire-géographie. Mais est-ce que le savoir peut se perdre avec le temps, évoquait Hubert Strouck ? Je vais citer le directeur du musée national d'Auschwitz-Birkenau qui disait qu'il y a un risque que cette période de l'histoire tombe, alors non pas dans l'oubli, mais dans un livre d'histoire au même titre que la chute de l'Empire romain.

C'est un vrai risque, en effet. Et comme le disait Hubert Strouck, l'éloignement fait que nous n'avons plus l'expérience dans les familles directes de ceux qui ont vécu cette époque, vécu cette période. Puisque les gens du baby-boom, qui sont nés en 45-46, ils ont aujourd'hui 80 ans. Donc c'est quelque chose qui va disparaître dans les décennies qui viennent. Néanmoins, moi je crois, je suis un état réel optimiste, sinon je pense que je ne serais pas enseignant.

je crois qu'il faut réfléchir sur justement ces manières d'enseigner et qu'il faut faire de cet enseignement un enseignement politique. Mais qu'il faut l'ouvrir. Il faut l'ouvrir à l'enseignement des violences de masse avec une réflexion sur dans quelle société voulons-nous vivre. Et là,

L'histoire de la Shoah, l'histoire du génocide des Tutsis, l'histoire du génocide arménien et les violences de masse nous aident à réfléchir sur la société que nous voulons. C'est-à-dire, il ne s'agit pas de faire une leçon de morale, il ne s'agit pas de dire plus jamais ça, il s'agit de dire voilà ce que nous voulons.

et ce que nous ne voulons pas. Voilà ce que l'homme a été capable de faire, voilà ce que des sociétés avancées ont été capables de faire, voilà la modernité de ces crimes. Attention à cette modernité, réfléchissons à ce que nous voulons. Ouvrir pour continuer à enseigner la Shoah et en écho à ce que vous dites, on va conclure avec cette phrase de Maïmouna, collégienne sénégalaise arrivée en France en 2015 qui déclarait dans Le Monde « On ne parle pas beaucoup

coup du conflit au Congo dans les médias. Mais moi, je pense que c'est important. Ça veut dire que les guerres d'anéantissement ne se sont pas arrêtées avec le génocide des Juifs et qu'elles continuent à y avoir dans le monde. Voilà. Merci beaucoup à vous trois, Hubert Strouck, Yanis Roder et Christine Guimaudet. Et pour poursuivre sur ce sujet, je vous invite à écouter à 19h40, temps universel dans un peu plus d'une heure trente, notre grand reportage ce soir. Mémoire de la Shoah. Les jeunes se sentent-ils capables

Merci à Florence Ponce qui était à la préparation de ce débat. Hélène Avril à la réalisation. Coup d'œil à la pendule. Dans une minute, le grand journal du soir. Le dossier sera consacré aux 80 ans de la libération d'Auschwitz précisément. Et puis juste après, ce sera Afrique Soir, la première édition de ce lundi avec Zéphirin Coadio. Bonsoir Zéphirin. Bonsoir Romain, bonsoir à tous. Et à la une, la RDC, situation toujours tendue à Goma depuis l'entrée en ville des rebelles du M23 à Puy-de-France.

Absolument. Les affrontements qui les opposent à des éléments des FARDC, les forces armées congolaises, se poursuivent sur différents sites, notamment au sud de l'aéroport. La situation humanitaire est de plus en plus critique. On y revient très largement dès le début du journal.

Deuxième titre, le Gabon, la multiplication des réactions à l'annonce de la date de la prochaine présidentielle. Eh oui, annoncée la semaine dernière, le scrutin se tiendra le 12 avril prochain. Un calendrier électoral accéléré qui contraint donc les acteurs à se positionner. Un leader syndical, également sénateur de la transition, a annoncé le lancement de son parti politique. Eh bien merci Zéphirin, on vous retrouve dans 30 minutes sur Radio France Internationale. Restez à l'écoute dans...

30 secondes, Adrien Delgrange de Grand Journal du Soir.