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E155 Transfuges de classe : les nouveaux héros français ?

2024/10/9
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InnerFrench

AI Deep Dive Transcript
People
H
Hugo
I
Ingrid
Topics
Ingrid: 我认为"阶级逃亡者"指的是那些出身社会底层,后来成功进入资产阶级的人。媒体喜欢报道他们的故事,因为这些故事很吸引人,而且可以用来分析法国社会的运作方式。 Hugo: 我同意Ingrid的观点。阶级逃亡者的故事之所以受欢迎,是因为它们具有很强的叙事性,可以展现个人奋斗的历程。同时,这些故事也反映了法国社会对社会阶层和社会流动性的关注。Laélia Véron和Karine Abivan的著作《背叛与复仇:阶级逃亡者叙事的悖论》试图对这一现象进行更深入的探讨。 在法国,社会阶层是一个经常被讨论的话题。阶级逃亡者的叙事,强调个人的经历,而不是单纯的社会流动性,这使得它们更具吸引力。 这些故事也符合约瑟夫·坎贝尔提出的英雄故事模式,主人公从底层社会走向成功,这其中包含着挑战、冒险和最终的胜利。 然而,"逃亡者"一词本身就带有负面含义,暗示着对原有阶层的背叛。因此,阶级逃亡者通常会对他们离开的社会阶层感到某种程度的愧疚,并试图弥补这种愧疚,例如通过批判新的社会阶层或为原有阶层发声。 法国的阶级逃亡者叙事与美国的"白手起家"叙事有所不同,前者更强调智力上的成功,后者更强调物质上的成功。 在法国文学中,阶级逃亡者的形象由来已久,例如司汤达《红与黑》中的于连·索莱尔,巴尔扎克作品中的吕西安·夏尔东和欧也妮·德·拉斯蒂涅。当代文学中,安妮·埃尔诺和爱德华·路易斯等作家也以自传体的方式讲述了自己的阶级逃亡经历。 在政治领域,许多政治家也利用阶级逃亡者的身份来拉近与选民的距离,因为选民对精英阶层越来越不信任。 阶级逃亡者的叙事可以被解读为对法国社会不平等的批判,或者是对个人奋斗的肯定。它可以被用来支持左翼的观点,即社会流动性受限,以及右翼的观点,即只要努力就能成功。 有些人会夸大自己的阶级逃亡经历,以提升自己的公众形象。总的来说,阶级逃亡者的叙事是一个复杂而多面的现象,它反映了法国社会的诸多矛盾和挑战。

Deep Dive

Shownotes Transcript

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Transfuge de classe, les nouveaux héros français, salut à toutes et à tous, salut Ingrid ! Salut Hugo ! Comment ça va ? Ça va bien et toi ? Ça va, ça va, je suis très content de faire cet épisode parce que je trouve que c'est un sujet passionnant.

et c'est quelque chose dont on entend parler de plus en plus souvent dans les médias français depuis une dizaine d'années Donc j'imagine que certains d'entre vous, nos chers auditeurs avaient déjà entendu ou lu cette expression « transfuge de classe » et peut-être que vous vous demandez à quoi ça fait référence Donc on va essayer de vous expliquer tout ça avec Ingrid aujourd'hui

Oui, alors pour expliquer très rapidement avant de revenir dessus pendant tout l'épisode, un transfuge de classe, c'est quelqu'un qui met en avant le fait d'avoir grandi dans un milieu social modeste avant de réussir à rejoindre la classe bourgeoise.

Les personnes qui se définissent ainsi peuvent raconter leur vie à travers un récit très romanesque qui les rend médiatiquement intéressantes. C'est vrai qu'on a plein de choses à raconter quand on vient d'un milieu pauvre et puis on a eu plein de difficultés, on a rencontré des obstacles et puis il y a des personnes qui nous ont sauvées, etc. Alors du coup, les médias adorent ce genre de récits.

Oui, d'ailleurs, il faut préciser qu'en France, on fait souvent référence aux classes sociales. Nous, ça nous semble tellement naturel que, voilà, on n'y pense pas forcément. Mais peut-être que vous, dans votre pays, c'est pas une lecture sociologique qui est très répandue. Donc, c'est vrai que dans le podcast, on parle souvent des classes sociales, les classes sociales, les classes sociales populaires, la classe moyenne, la classe bourgeoise ou la classe dominante.

Donc là, vraiment, ce concept de transfuge de classe, il repose évidemment sur cette lecture de la société comme une société divisée en différentes classes sociales. Et le transfuge, comme tu l'as dit Ingrid, c'est celui...

qui vient, qui naît dans la classe sociale, dans les milieux populaires et qui réussit d'une manière ou d'une autre à rejoindre la classe dominante, la classe bourgeoise. Et c'est vrai que sur les plateaux de télé, à la radio, dans les journaux et même dans les livres, les journalistes ou les écrivains, les artistes aiment bien parler de ces parcours-là parce que ça permet de faire

ce qu'on peut appeler des analyses sociologiques de comptoir. Quand on dit qu'on fait des analyses de comptoir, c'est une référence au comptoir de barres et donc à ce que font les gens qui ne sont pas du tout professionnels, qui n'ont pas vraiment de connaissances sur un sujet, mais qui vont avec des...

une logique assez simpliste, faire des analyses comme si c'était des grands chercheurs. D'ailleurs, ça fonctionne avec différents domaines. On dit faire de la psychologie de comptoir, faire de l'économie de comptoir. Donc, quand vous parlez d'un sujet comme si vous étiez expert, alors qu'en fait, vous avez le niveau de quelqu'un qui est dans un bar et qui discute de ça avec ses amis.

Et donc, comme on l'a dit, ces récits de transfuges de classe, ils sont de plus en plus populaires en France et ils sont devenus tellement populaires que deux chercheuses, Laélia Véron et Karine Abivan, ont décidé de publier un livre, un essai qui s'intitule « Trahir et venger, paradoxe des récits de transfuges de classe » pour essayer de mieux comprendre ce phénomène. Et dans ce livre,

dans leur livre, elles se sont demandées est-ce que ces récits littéraires de transfuges de classe correspondent à la réalité de la mobilité sociale en France ? Et nous, on

On avait envie de vous parler de ce livre parce que chez InnerFrench, donc tous les deux, on adore Laëlia Véron. C'est une chercheuse qui a un point de vue à la fois sociologique mais aussi linguistique et qui décortique, qui analyse énormément la langue française.

Et nous, on avait beaucoup aimé déjà son premier livre, Le français est à nous. Et on avait aussi tous les deux écouté et apprécié son podcast Parler comme jamais. C'est vrai que souvent, on discute même de ce qu'on a entendu. Elle fait des chroniques sur France Inter qui sont toujours intéressantes. Et sans que vous le sachiez, d'ailleurs, on utilise souvent dans nos explications des choses que nous-mêmes, on a appris à travers elle.

Donc voilà, c'est vraiment un exemple pour nous et on sait que si elle va parler d'un sujet, c'est que le sujet est intéressant. C'est vrai, c'est un peu notre rockstar comme Stephen Krashen d'ailleurs. Il faudrait peut-être qu'on essaie de l'interviewer un jour dans le podcast, l'y avérons, je pense que ce serait très intéressant que vous l'entendiez.

Mais vous pouvez facilement trouver ses interviews sur Internet. Elle est souvent à la radio. Et nous, avec cet épisode, on va essayer de vous donner les clés pour que vous puissiez comprendre ce dont elle parle dans ce nouveau livre, dans ce livre sur les transfuges de classe. Oui, parce que c'est vrai que c'est un sujet assez compliqué.

Donc, dans cet épisode, on va survoler certaines notions, on va expliquer les bases pour qu'ensuite vous puissiez faire vos propres recherches.

Alors, dans un premier temps, on va faire un petit point vocabulaire. Ensuite, on va présenter quelques grandes figures de transfuges de classe. Et enfin, on expliquera un peu plus les différentes utilisations politiques, personnelles, en quoi ces récits peuvent servir dans un discours.

Alors pour commencer, un petit point de vocabulaire. Quelles sont les expressions importantes à connaître pour mieux comprendre ce débat autour des transfuges de classe ? D'abord, il y a la notion d'égalité des chances.

Ça, c'est quelque chose qu'on entend souvent dans les médias et aussi dans les discours politiques : l'égalité des chances. Je pense que vous savez déjà plus ou moins ce que ça veut dire. C'est cette idée selon laquelle tout le monde doit avoir les mêmes opportunités de réussir, peu importe ses origines sociales, sa couleur de peau, sa religion, etc.

Le rôle d'un gouvernement, c'est d'assurer à tout le monde d'avoir les mêmes chances de réussir pour que le jeu soit juste.

Ensuite, comme notion importante, on peut parler de la mobilité sociale ou encore de l'ascenseur social. Ascenseur, c'est l'image de l'ascenseur, vous savez ce que c'est, mais appliqué aux classes sociales. Donc, avec cette notion, on part du principe que oui, il y a des classes sociales et

mais par contre qu'il est possible de passer de l'une à l'autre, de bouger d'une classe sociale vers une autre, de naviguer. Et notamment, il y a une phrase qui est bien connue qui est « l'ascenseur social est en panne, j'ai pris les escaliers ». Ça, c'était le titre d'un livre en 2005 d'un entrepreneur qui s'appelait Aziz Seni

Et de manière générale, c'est une phrase qu'on a beaucoup entendue ou une métaphore qu'on a beaucoup entendue, que ce soit dans la bouche des politiques, mais aussi des artistes. Il y a beaucoup de rappeurs aussi qui ont repris cette notion d'ascenseur social. Donc pour montrer que quand on est pauvre, par exemple, ou quand on est d'un milieu modeste, on peut espérer prendre cet ascenseur et monter vers une autre classe.

Oui, parce que c'est vrai qu'avec l'ascenseur, il y a cette idée de facilité. Finalement, c'est facile de prendre l'ascenseur. On appuie sur un bouton pour monter les étages. Mais dans la réalité, c'est beaucoup plus difficile, justement, de s'élever dans la hiérarchie sociale, entre guillemets.

C'est pour ça qu'on dit parfois « l'ascenseur social est en panne, il ne fonctionne pas, il n'y a pas de mobilité sociale ». Donc la seule solution qui reste, c'est de prendre les escaliers. Là, ça prend beaucoup plus de temps, c'est plus difficile, etc. Ensuite, qu'est-ce qu'on a d'autre comme expression ? Oui, donc « transfuge de classe », on dit aussi parfois « trans-classe ». Donc ça, on vous a expliqué dans l'introduction ce que ça veut dire. Et

Et il faut savoir que quand on regarde sur Google Trends, on peut voir qu'en France, cette expression est devenue très populaire à partir de 2016. Enfin, on a commencé à la voir de plus en plus à partir de 2016. Et depuis 2021, là, elle a vraiment explosé. Donc, on la retrouve très régulièrement dans les articles, on l'entend à la télévision, à la radio, etc.

Avec les mots comme ça utilisés pour décrire les réalités, il y a un peu des modes. Donc, quand nous, on était jeunes, ados, on parlait beaucoup d'ascenseur social. Et maintenant, on parle beaucoup de transclasse ou transfuge de classe. Et ce qui change un peu, c'est qu'avec cette nouvelle notion, on insiste beaucoup sur la personne. On ne parle pas de personne.

La mobilité, mais on parle de la personne elle-même qui bouge et ça, ça permet de créer un storytelling, ça permet d'insister sur le parcours individuel et c'est ça la grosse tendance du moment.

Oui, et c'est pour ça qu'on a choisi le titre de cet épisode, de dire que les transfuges de classe sont les nouveaux héros français. Parce que dans ces histoires, on retrouve... Enfin, en tout cas, moi, ça m'a fait penser à ce livre de Joseph Campbell, dont je vous parlais dans un épisode il y a très très longtemps, des premiers épisodes du podcast, sur « Comment construire le héros parfait ».

Donc pour vous rafraîchir la mémoire, Joseph Campbell, c'est quelqu'un qui a analysé les mythes et les histoires les plus populaires pour essayer de trouver des éléments communs. Et il a vu que dans ces histoires, il y avait une structure avec différentes étapes qui étaient très souvent utilisées. Et ça, depuis les mythes de l'Antiquité grecque, notamment l'histoire d'Ulysse,

Donc souvent, le héros, au départ, il vit dans un monde qui est un peu médiocre, on va dire. Et puis à un moment, il reçoit un appel à l'aventure. Alors ça peut prendre différentes formes. On peut prendre par exemple l'histoire de Harry Potter pour illustrer ça. Donc Harry, il est dans son monde de moldu. Il est assez malheureux. Et puis il reçoit une lettre qui lui dit qu'il est...

à l'école de sorciers, à Poudlard, la version française. Et donc là, c'est cet appel à l'aventure. Et en général, au début, le héros, cet appel à l'aventure lui fait peur. Il a peur de franchir le pas, donc il est un peu hésitant, un peu réfractaire. Et là, il va faire la rencontre d'un mentor qui va l'encourager à commencer cette aventure et à passer dans ce nouveau monde.

Donc ce mentor, ça peut être Hagrid, par exemple, dans Harry Potter. Et on retrouve souvent cette structure, en fait, dans les transfuges de classes. Donc ils sont au départ dans ce monde de la classe populaire qui n'est pas très joyeux, où il y a énormément de difficultés.

Et puis, un jour, à l'école, souvent, ils rencontrent un professeur qui va les encourager et qui va leur permettre de s'élever socialement en faisant de bonnes études, etc.

Donc voilà, dans ces récits de transfuges de classe, il y a aussi quelques éléments de ces récits héroïques qui avaient été mis en évidence par Joseph Campbell. Et alors, quand même, un détail important que j'ai appris moi-même en préparant ce podcast, c'est qu'à l'origine, le mot « transfuge », c'est un mot qui est très négatif puisque « trans », c'est le passage de…

d'un état à un autre et « fuge », ça vient de la fuite, quand on essaye d'échapper à quelque chose. Et donc, un transfuge, c'était historiquement un militaire qui passait dans le camp ennemi.

Donc, on a quand même cette idée de traître, de vendu, on dit en langage populaire en français. Donc, c'est l'idée que quand même, les transfuges de classe, quand ils quittent leur milieu social d'origine, ils font une forme de trahison envers leur propre famille, envers leur propre entourage. Oui, et ensuite, souvent, ils doivent venger cette trahison d'une manière ou d'une autre,

Par exemple, soit en faisant une critique de la nouvelle classe sociale dans laquelle ils sont arrivés, la bourgeoisie, ou alors en essayant de donner une meilleure image de leur classe sociale d'origine et de montrer toutes les difficultés auxquelles ces personnes sont confrontées. Oui, souvent, quand quelqu'un dit de lui-même qu'il est transfuge de classe, il a tendance à aussi exprimer une

une sorte de honte, honte d'avoir quitté son milieu ?

Et en ça, on peut dire qu'il y a quand même une grosse différence avec le self-made man américain, qui est une notion très connue internationale de celui qui réussit à gravir les échelons, à devenir riche, etc. Je pense que vous le connaissez tous et peut-être que vous y avez pensé en nous écoutant. Mais voilà, la grosse différence, c'est cette idée de traîtrise et de vengeance.

C'est vrai. Et une autre différence, c'est qu'en France, dans ces récits de transfuges de classe, souvent, on insiste plus sur la réussite d'un point de vue intellectuel que sur la réussite purement matérielle, purement financière.

Donc ces récits de transfuges de classe, ce sont souvent des écrivains qui appartiennent maintenant à l'élite intellectuelle. Ils ne sont pas forcément millionnaires, ils ne vivent pas dans des palaces, mais ils appartiennent à cette élite culturelle et médiatique. Donc on insiste plutôt sur ça, alors que c'est vrai que dans l'idée du self-made man,

on le juge souvent avec des critères plutôt financiers. Alors que là, en France, ces transfuges de classe, très souvent, c'est plutôt la dimension intellectuelle. Et d'ailleurs, on les retrouve beaucoup dans la littérature. Et ça va être donc notre deuxième partie. On va essayer de donner quelques exemples de transfuges de classe dans les livres.

Alors, on vous a dit que cette notion de transfuge de classe, elle est très populaire depuis une dizaine d'années. Mais en réalité, quand on s'intéresse à la littérature, on peut voir qu'elle est bien plus ancienne.

parce que notamment au XIXe siècle, les figures de transfuges étaient assez présentes dans les romans. Et à l'école, maintenant en France, c'est vrai qu'on lit souvent ces romans qui sont devenus des classiques dans lesquels on retrouve des histoires de transfuges de classe. Alors toi, Ingrid, est-ce qu'il y en a un qui te vient en tête comme ça ? Alors comme ça, oui. Celui qui me vient en tête le premier, c'est...

C'est Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir de Stendhal. Alors moi, il faut savoir que j'ai fait des études de littérature après le lycée.

Donc, j'ai étudié Le Rouge et le Noir beaucoup, beaucoup de fois. Je pense que je l'ai lu une quinzaine de fois parce que c'est vraiment un livre de référence quand on étudie la littérature française. C'est vrai qu'il est long, il a beaucoup de figures de style qui sont représentatives et surtout,

C'est un peu une représentation de la société française. Et donc, c'est l'histoire de ce jeune homme, Julien, qui est issu d'un milieu modeste. Il est fils de charpentier et lui, vraiment, son rêve, c'est d'avoir une ascension sociale. Il rêve de gloire, il rêve de devenir riche, mais surtout d'avoir un statut social important.

Son modèle, notamment, c'est Napoléon, puisque Napoléon est parti de rien. Il ne parlait même pas français couramment, il parlait juste corse. Et pourtant, il est devenu ce grand personnage que nous connaissons, dont on vous a déjà parlé dans ce podcast.

Et donc, Julien, il est ambitieux, il est rusé et il va utiliser ses contacts à l'église, mais aussi les femmes qu'il va fréquenter, des femmes influentes, pour réussir à grimper l'échelle sociale. Et voilà, ça, c'est quelque chose que tous les Français étudient dès le lycée et qui est un modèle pour nous dès qu'on est décentralisé.

très jeune, un modèle, un exemple plutôt de la société française. Oui, moi aussi, j'ai lu Le Rouge et le Noir au lycée, donc ça m'avait marqué, l'histoire de Julien Sorel. Un autre auteur français qui aimait bien ces figures de transfuges de classe, c'est Honoré de Balzac. Et ce qui est intéressant, c'est qu'il y a souvent aussi, d'ailleurs avec Julien Sorel, le transfuge de classe, c'est un provincial. Donc,

Donc c'est quelqu'un qui vient de province et qui va aller à Paris pour réussir son ascension sociale. Et ça, c'est quelque chose qui était vrai au 19e siècle et qui est toujours vrai aujourd'hui. Alors les deux transfuges de classe les plus connus chez Balzac, c'est Lucien Chardon, un personnage des « Illusions perdues ».

Et lui, donc voilà, c'était un jeune provincial ambitieux qui, comme Julien Sorel, rêvait de gloire. En particulier, lui, dans le domaine de la littérature, mais pas de la religion, comme Julien Sorel. C'est quelqu'un qui était né dans un milieu modeste. Et pour réussir, il a essayé de changer son nom pour avoir un nom qui soit plus aristocratique. Donc il a adopté le nom de Rubempré.

Et il a essayé de s'intégrer à cette haute société parisienne. Si vous ne l'avez pas lu, on ne va pas vous faire de spoiler pour savoir s'il a réussi ou non.

Mais il y en a un autre dont tu veux peut-être parler, un autre héros balsacien. Que j'ai étudié aussi au lycée, je m'en rappelle. Eugène de Rastignac. Et je pense que tout le monde a étudié son histoire, qui est aussi un provincial, issu d'une famille modeste. Et il arrive à Paris pour ses études et il découvre la société parisienne. Il a vraiment envie de s'élever socialement et il va vraiment...

perd beaucoup d'intrigues. Il va... Comment on peut dire ? Des manipulations, des combines... Et tout le livre raconte ça. Donc voilà, c'est vraiment un sujet que Balzac appréciait et voulait analyser. D'ailleurs, je parle un peu de lui dans Raconte ton histoire parce que

Une des interviews avec un de mes amis, avec Timothée, je ne sais pas si tu t'en souviens, mais il fait référence à Rastignac avec cette idée d'aller à Paris pour réussir. Donc j'avais fait un petit point culture dans Raconte ton histoire. Voilà, donc ça c'est un peu les trois transfuges de classe les plus connus de la littérature classique française.

Julien Sorel, Lucien Chardon et Eugène de Rastignac. Il y en a plein. Il y en a plein d'autres. Pour préciser qu'on a dû en choisir, mais en réalité, moi, quand je pense à ce qu'on a pu étudier en littérature classique, je pense que c'est la grande majorité des héros, c'est ça.

Et d'ailleurs, on a noté leur point commun, ils viennent souvent de provinces. Et un autre point commun, c'est que la plupart du temps, ce sont des hommes. Eh oui, écrits par des hommes. Alors maintenant, on va peut-être citer des exemples de la littérature contemporaine. Alors là, c'est un peu différent parce que souvent, ce sont des récits autobiographiques. Donc, ce sont des auteurs qui parlent de leur propre histoire pour...

raconter l'histoire d'un transfuge de classe. Donc, la plus connue en France, c'est Annie Ernaux. Elle a gagné le prix Nobel de littérature en 2022 et elle est considérée comme la voix...

Voix, V-O-I-X, la voie des transfuges de classe. Car dans la plupart de ses romans, et elle en a écrit pas mal, il est question de cette mobilité sociale. Parce qu'elle, elle vient d'un milieu assez modeste. Ses parents étaient des petits commerçants en province.

Et elle a réussi à rejoindre le panthéon des auteurs français et à gagner le prix Nobel de littérature en 2022. Un autre représentant des transfuges de classe qui est très connu, c'est Édouard Louis.

Donc, Édouard Louis, c'est un écrivain qui vient du Nord, du département du Nord, il me semble, et qui vient d'un milieu très populaire. Et il a été connu notamment pour son premier livre, ou en tout cas, son premier livre très connu, c'est « Pour en finir » avec Eddie Belgueul, dans lequel il raconte comment il est sorti de son milieu ?

son milieu social dans lequel il était maltraité à cause de son homosexualité. Il a vécu beaucoup de violences et il ne se sentait pas du tout à sa place. Et donc,

Il a été un peu motivé par cette violence pour, lui, se développer autrement, et notamment à travers la littérature, la poésie. C'est ça qui lui a permis de bien réussir dans ses études, de rejoindre l'école normale supérieure et de découvrir tout un autre monde.

Il s'est fait des amis qui sont aujourd'hui connus comme lui dans les milieux intellectuels. Et lui, en fait, sa particularité, c'est que, comme Agnernot, il parle beaucoup, beaucoup de cette histoire.

ascension sociale, mais il le fait beaucoup pour quand même défendre son milieu d'origine. Il explique que lui, s'il a réussi à partir, c'est parce qu'il en avait besoin, parce qu'il n'aurait pas survécu à cause de son homosexualité s'il était resté dans son milieu d'origine.

Ouais, moi c'est un auteur que j'aime beaucoup, Édouard Louis. D'ailleurs, Édouard Louis, ce n'est pas son vrai nom, c'est le nom qu'il a adopté justement pour sortir aussi de son milieu social. C'est pour ça que son premier roman s'intitule « Pour en finir avec Eddy Bellegueule ».

C'est pas quelque chose qui... Quand on l'entend, ça sonne vraiment. On voit que c'est un nom qui fait partie des classes populaires et donc il a dû ou il a choisi d'en changer.

pour rejoindre cette élite intellectuelle littéraire française. Bon, ça, c'est pour quelques exemples dans la littérature actuelle. Et sinon, bien sûr, on entend aussi beaucoup de discours de transfuges de classes

Par exemple, dans la politique, ça, les exemples sont interminables. Moi, je voudrais juste citer, par exemple, Gérald Darmanin, notre ex-ministre de l'Intérieur, qui répète énormément, énormément dans Autopart,

plein d'interviews, que sa mère était femme de ménage. Donc voilà, ça fait partie de son récit, de l'histoire qu'il veut mettre en avant. Tout comme Jordan Bardella, dont on vous avait parlé dans notre épisode sur les élections européennes, qui aussi fait ce storytelling en disant « moi, je viens d'un milieu populaire ». Donc en politique, on n'entend pratiquement que ça.

Oui, parce que ça permet aux politiciens de donner l'impression qu'ils sont plus proches des Français ou en tout cas d'une partie des Français, des milieux populaires surtout depuis qu'il y a cette défiance vis-à-vis des élites C'est vrai que les Français font de moins en moins confiance à la classe politique, aux politiciens parce qu'ils ont l'impression qu'ils sont totalement déconnectés de la réalité

qu'ils vivent dans leur petit monde parisien fait de privilèges. Donc, en tant que politicien, dire qu'on vient d'un milieu modeste, ça permet de se rapprocher des électeurs et d'augmenter son capital sympathie. Et ce sera d'ailleurs notre prochaine partie. On va se demander pourquoi, pourquoi cette mode, pourquoi vraiment on raconte ces récits de cette manière ?

Dans le livre qu'elle vient de publier, Laëlia Véron parle du métadiscours. Ça, c'est une notion importante aussi pour comprendre les enjeux autour du concept de transfuge de classe. Le métadiscours, c'est ce qu'on dit de son propre discours. En gros, quand un écrivain

écrit son roman et qu'il dit « Voilà pourquoi j'ai écrit ce roman. Voilà le message que j'essaye de faire passer. » Et dans ces récits de transfuges de classe, souvent, on a l'impression que c'est pas juste pour raconter une histoire, mais c'est pour essayer de dire quelque chose sur la société française.

Alors, qu'est-ce qu'on peut vouloir dire sur la société française ? En fait, il y a plusieurs discours qui peuvent être contradictoires. D'un côté, on a un discours plutôt de gauche. Un discours qui veut dire que nous sommes l'exception qui confirme la règle. L'exception qui confirme la règle, c'est une phrase qui est beaucoup utilisée en grammaire d'habitude,

qui dit que souvent, il y a quelque chose qui est répétitif, mais il faut toujours qu'il y ait quelques exceptions pour que ça fonctionne. Et donc là, c'est l'idée qu'il y a un déterminisme social, que l'ascenseur social est donc en passant

panne, que les pauvres ont tendance à rester pauvres et que la classe bourgeoise a tendance à se reproduire. Et les transfuges de classe sont alors des exceptions qui peuvent être des témoins et qui peuvent être des porte-parole de leur milieu social d'origine et qui vont se désoler que leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs amis d'enfance, eux, n'ont pas eu la même chance

Oui. Et donc ces transfèges de classe qui, dans une vision de gauche, sont des exceptions...

À travers leur récit, ils peuvent montrer tous les obstacles qui existent et qui empêchent, qui bloquent cette mobilité sociale ainsi que la violence, la violence symbolique souvent qui est subie par les milieux populaires. Et ça, ça peut être une vertu du récit de transfuges de classe parce que ces romans bien souvent sont lus

en grande partie par des bourgeois. Et en lisant ça, en lisant par exemple les romans d'Edouard Louis, ils peuvent se rendre compte de la réalité quotidienne des classes populaires et de toute cette violence symbolique qu'ils subissent. Mais du coup, il y a quand même un paradoxe. C'est vrai que là, tu reparles d'Edouard Louis et j'avais vu...

que lui disait qu'il voulait aussi donner de la force à ceux qui viennent des classes populaires pour montrer que c'est possible. Et donc, on ne sait pas trop où va le discours. Est-ce que l'objectif, c'est de dénoncer ces différences pour faire en sorte qu'elles n'existent plus ou de donner de la motivation aux rares personnes qui pourraient avoir le même parcours que lui ?

Et là, on en vient au fait que ces récits servent aussi une idée plutôt à droite et qui est complètement contradictoire. Une vision plus libérale, qui est très simple, c'est l'idée que quand on veut, on peut. Ça, c'est quelque chose qu'on entend souvent les politiciens dire. Quand on veut, on peut, ou alors il suffit de vouloir,

Donc, ces discours, en fait, ils justifient l'existence d'une méritocratie. Ceux qui réussissent, ce sont ceux qui ont travaillé le plus dur. Et le transfuge de classe, c'est bien la preuve que c'est possible, que pour réussir, il suffit de travailler dur à l'école, par exemple, de faire de bonnes études, et on va devenir un auteur à succès.

Et les libéraux aiment bien cette figure du transfuge de classe parce qu'elle a le mérite de ne pas remettre en question les classes sociales. Contrairement, par exemple, à une vision plus marxiste où les révolutionnaires marxistes, ce qu'ils veulent, c'est abolir totalement les classes sociales. Alors qu'avec le transfuge, je vois Ingrid qui brandit le point !

Attention, parce que là, on va se faire insulter de marxistes communistes dans les commentaires. Donc...

Voilà, donc pour les libéraux, le transfuge de classe, c'est une très bonne figure parce que ça permet de dire « si vous ne réussissez pas, c'est tout simplement parce que vous êtes paresseux, vous n'avez pas assez travaillé, il n'y a aucun problème dans la structure de la société, dans la structure des classes sociales, c'est simplement une histoire de trajectoire individuelle. »

On l'a dit au début, c'est très romanesque de se présenter comme un transfuge de classe. Ça permet de montrer qu'on a une vie hyper intéressante. Ça permet d'être invité sur les plateaux télé. C'est pour ça qu'il y en a beaucoup même qui exagèrent carrément et qui font comme s'ils étaient transfuges de classe, alors que quand on creuse, ils ne le sont pas vraiment.

Donc voilà, il y a aussi une histoire de mise en avant personnelle, tout simplement. Oui, c'est intéressant parce que ça, on le retrouve même à gauche chez finalement ces personnes qui disent « voilà, moi je suis une exception, j'ai réussi mais tout simplement parce que j'ai eu un peu de chance et puis aussi j'ai très bien travaillé à l'école, mais pour tous les autres c'est impossible de faire la même chose que moi ».

Donc, voilà, c'est un peu une forme de fausse modestie, on pourrait dire, quand on fait semblant d'être humble, mais que derrière, on essaye de, comment dire, se faire mousser. C'est une bonne expression. Se faire mousser, c'est se vanter de quelque chose, donner une bonne image de soi.

Voilà, qu'est-ce que t'en penses ? On s'arrête là ? Ouais, je trouve qu'on a bien balayé le sujet. Maintenant, c'est à eux de lire le livre de Laëlia Véran. Ouais, et on va mettre, comme d'habitude, les sources sur la page de l'épisode, si vous voulez en savoir plus, si c'est un sujet qui vous plaît. On vous invite aussi, comme d'habitude, à écrire un petit commentaire. N'hésitez pas à débattre avec les autres auditeurs du podcast.

Et on se retrouve dans deux semaines pour un nouvel épisode. À dans deux semaines. Salut. Ciao. Ciao.